Raphaël Enthoven tweete. Le 27 octobre, il explique : "Le travail qui nous attend pour les années qui viennent sera d'expliquer inlassablement qu'une guerre contre une organisation terroriste qui commence par un pogrom et se termine par la libération des otages n'est pas un "génocide". Et une fois qu'on aura déconstruit cette accusation grotesque, il faudra se poser la seule question qui vaille : d'où vient la popularité de ce terme ?"
À cette question, Enthoven a en fait déjà répondu, notamment le 8 octobre 2025 dans Franc-Tireur où il dénonçait "la nazification d'Israël depuis deux ans". Ce n'est en outre pas la première fois - loin s'en faut - qu'il s'insurge contre l'emploi du terme appliqué à la politique du gouvernement israélien sans entreprendre pour autant de discuter les raisons qui poussent un certain nombre de spécialistes (juristes ou historiens, israéliens notamment) à l'employer. Il n'avait pourtant pas hésité à parler de "génocide" pour qualifier les événements du 7 octobre 2023, ce qui pour le coup est une initiative isolée : aucun juriste ni aucun historien ne l'a jamais suivi là-dessus. Selon les données statistiques des renseignements militaires de l'armée israélienne, qui ont fuité, c'est au bas mot 83% de civils palestiniens qui ont été tués depuis deux ans par Israël. Enthoven n'en parle pas dans son tweet, préférant maintenir la fable d'une "guerre contre une organisation terroriste", rien de plus, et non d'une "guerre" contre un peuple, enfants compris.
Peut-on douter un instant que ce commentateur ne bénéficie pas des informations dont nous disposons tous ? Cela vaut aussi pour sa manière de présenter les prisonniers palestiniens dans son tweet du 13 octobre où il opposait les otages israéliens, "des innocents", aux détenus palestiniens, "des centaines de terroristes." Il existe pourtant des otages - oui, des otages - palestiniens et cela ne date pas même du "7 octobre" : les conditions d'arrestation et de détention des Palestiniens par Israël sont documentées depuis longtemps. Il y a arbitraire et tortures et il n'existe aucune chance qu'un commentateur aussi attaché au dossier du Proche-Orient qu'Enthoven n'en ait jamais entendu parler.
Donc, il désinforme sciemment et enjoint, dans le premier de ses deux tweets que je cite aujourd'hui, ceux qui partagent ses vues à prendre leur part à cette entreprise de désinformation.
Ce n'est pas la première fois qu'Enthoven prend un pari sur l'avenir : le 16 octobre 2020, sur X toujours, ce sont les ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy (le beau-père de son fils) qui l'indignaient : "Je prends le pari que cette histoire témoignera plus tard de la capacité médiatique à créer, à coup de vacarme, sur fond d'un néant de preuves et de témoignages foireux, l'imaginaire malhonnêteté d'un homme, en l'occurrence, Nicolas Sarkozy. Vivement l'avenir, qu'on sache !"
Eh bien, l'on sait. Je ne crains pas beaucoup que l'avenir donne davantage raison à Raphaël Enthoven s'agissant de ses propos sur Gaza. J'affirme même qu'il n'y a aucun risque. Le problème n'est pas le sort que l'avenir réserve à de tels personnages, pour peu qu'il s'en souvienne : c'est la place dont ils bénéficient présentement dans un débat public largement confisqué par des desservants de l'intérêt général.
Frédéric Debomy