L'opération Turquoise, menée au Rwanda (depuis ce qui est alors le Zaïre) par la France avec l'appui de modestes contingents africains, s'est déroulée du 22 juin au 22 août 1994. Elle est donc engagée deux mois et demi après qu'a été déclenché le génocide des Tutsi. La plupart des Tutsi ont alors été exterminés et cette opération destinée à "mettre fin aux massacres" en cours depuis le 6 avril paraît dès lors tardive, ce qui incite à s'interroger sur les diverses motivations qui ont présidé à sa mise en œuvre. Le rapport de la Mission d'information de l'Assemblée nationale sur le rôle de la France au Rwanda publié en 1998 note en effet que, parallèlement à sa mission humanitaire, l'opération avait été entreprise dans l'objectif de préserver les conditions nécessaires à un cessez-le-feu entre le Front patriotique rwandais (FPR) et le gouvernement intérimaire rwandais (GIR), et de garantir "un territoire et une légitimité" au GIR. Il s'agissait donc de "préserver les conditions d'une négociation politique fondée sur le partage du pouvoir". La France, de ce fait, admettait encore en juin 1994 la légitimité du gouvernement intérimaire, "soit [en] ne prenant pas en compte la réalité du génocide, soit [en] n'analysant pas les responsabilités du gouvernement intérimaire en ce domaine (1)".
En bref, préparer l'avenir avec des génocidaires. Emmanuel Macron vient de déclarer qu'Israël aurait "son mot à dire sur la composition de tous les membres de l’autorité palestinienne de transition à Gaza". De quel droit ? Et comment peut-on oser l'envisager après tant de massacres ?
La place des dirigeants israéliens n'est pas à la table des négociations : elle est devant les tribunaux.
Où l'on voit combien perdure une mentalité suprémaciste et coloniale que même un crime de l'ampleur du crime actuel ne parvient pas à ébranler.
Frédéric Debomy
(1) Mission d'information commune de l'Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, tome I, Rapport, 1998.