Je l'avais écrit dans un billet précédent : le 8 juin 2024, l'auteur de bande dessinée Joann Sfar s'était fait l'écho des accusations formulées par le gouvernement israélien contre l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) :
https://www.instagram.com/joannsfar/p/C79uczoobCQ/
Car comme le rappelle l'article d'Euronews ci-dessous,
l'UNRWA faisait "l'objet de critiques de la part du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de ses alliés d'extrême droite, comme le ministre des finances Bezalel Smotrich et le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui [affirmaient] que l'agence des Nations unies [était] profondément infiltrée par le Hamas." Le moins que l'on puisse dire est que Joann Sfar choisit bien ses sources.
Les accusations des responsables israéliens contre l'UNRWA, nécessaires pour que l'agence fasse place nette, étaient vraisemblablement sans fondement : la Cour internationale de justice estime, comme tous ceux qui se sont penchés sur la question, qu'Israël n'a pas "étayé ses allégations" et doit autoriser l'agence à fournir une assistance humanitaire à Gaza.
Qu'un gouvernement occupé à anéantir un peuple cherche à obtenir le départ de témoins n'est pas difficile à comprendre. Que ce même gouvernement s'en prenne en particulier à une organisation fournissant une aide humanitaire vitale à des gens qu'il s'emploie à affamer non plus.
Mais les plus de 300 membres de l'UNRWA tués depuis deux ans n'auront pas mobilisé un Joann Sfar prompt à manifester son empathie pour les soldats d'une armée précisément responsable de leur mort. Diffamer des personnels humanitaires risquant - et perdant - leur vie et n'être pas même, par la suite, capable de s'en excuser.
Il est vrai que Joann Sfar perdrait tout crédit s'il commençait à admettre publiquement que, pendant ces deux dernières années, il a plus d'une fois aligné ses vues sur celles d'un gouvernement aujourd'hui accusé de génocide. Mieux vaut se taire pour garder la possibilité d'encore s'exprimer, d'encore passer pour un humaniste et, peut-être, d'encore amener sa pierre à l'édifice du mensonge meurtrier.
Frédéric Debomy
P. S. Quant à la chroniqueuse de CNews Rachel Khan, prompte à fustiger (comme Joann Sfar) l'antisémitisme supposé d'une gauche critiquant Israël pour ses crimes, elle n'aurait selon cet article
pas réagi à des propos antisémites tenus devant elle, sur la chaîne d'extrême-droite qui l'emploie, par un intervenant d'extrême-droite. Rappelons les résultats, année après année, des travaux de la chercheuse Nonna Mayer pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) : s'il existe de l'antisémitisme à gauche, plus l'on est à gauche sur l'échiquier politique et moins, généralement, l'on est antisémite tandis que plus on se situe à droite sur l'échiquier politique et plus, généralement, l'on est antisémite.