Plusieurs journaux le relatent ces jours derniers, le CRIF, en colère, demande le retrait d'une banderole affichée sur les barrières de l’Hôtel de Ville de Lyon. L'organisation explique notamment que "la compassion n’autorise pas le manichéisme" et que "la douleur n’excuse pas le déséquilibre."
Qu'est-il écrit sur cette banderole ? Ceci : "Cessez-le-feu immédiat à Gaza. Libération des otages. Respect du droit international. Reconnaissance de l’État de Palestine."
On imagine que ce qui met en colère le CRIF n'est pas "Libération des otages." L'organisation ne saurait trouver ici matière à plainte : il n'est ici vraisemblablement question que des otages israéliens et non de ces grands oubliés que sont les détenus palestiniens en Israël dont la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 déclarait le 10 juillet 2023, c'est-à-dire avant ce 7 octobre qui marquerait selon les pro-Israéliens le début de toutes les violences, la chose suivante : "depuis 1967, Israël a détenu environ un million de Palestiniens dans les territoires occupés, dont des dizaines de milliers d’enfants. Actuellement, il y a 5000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 160 enfants, et environ 1100 d’entre eux sont détenus sans inculpation ni jugement".
Restent :
1. "Cessez-le-feu immédiat à Gaza."
Le CRIF est donc contre un cessez-le-feu s'agissant d'une action israélienne que plus grand monde ne juge défendable ? Rappelons que 55 202 Palestiniens (au bas mot car il faudrait y ajouter environ 12 000 disparus) auraient déjà été tués par l'armée israélienne à Gaza depuis le mois d'octobre 2023, dont un nombre considérable d'enfants.
2. "Respect du droit international."
Le CRIF se prononce donc contre le droit international ? Un droit élaboré en partie, rappelons-le, en réaction au nazisme.
3. "Reconnaissance de l’État de Palestine."
Le CRIF assume-t-il son refus de voir exister un État palestinien ?
"La compassion n’autorise pas le manichéisme. La douleur n’excuse pas le déséquilibre." Pour le CRIF il est donc déséquilibré et manichéen de vouloir qu'une opération emportant chaque jour des dizaines de vies s'arrête, que le droit international soit respecté et que les Palestiniens aient des droits égaux à ceux des Israéliens. À part quoi sans doute l'on entendra encore dire par l'un ou l'autre intervenant au débat public que la civilisation c'est Israël et les pro-Israéliens et la barbarie les autres.
Il n'y a pas que le CRIF. Pour en revenir une fois de plus (et pour ma part une probable dernière fois car il arrive un moment où l'inhumanité se revendiquant de l'humanité fatigue) aux pro-Israéliens que je suis particulièrement (sans que ce soit à la trace, ce qui m'épargne certainement des sidérations, indignations et commentaires supplémentaires), le constat n'est pas davantage réjouissant.
Delphine Horvilleur, après avoir réglé un problème de gêne morale par une déclaration publique où il n'était pas question de sanctionner Israël (comme si la simple déploration de ses crimes suffisait), a continué à nourrir son personnage de dispensatrice de parole sage.
Rachel Khan a continué à s'indigner sur le ton de l'humanisme de toute critique formulée contre Israël.
Joann Sfar, il y a trois jours, a dessiné sur Instagram un personnage affirmant que "notre voix [au Proche-Orient] n'a aucune influence là-bas depuis trente ans". Il y a trois jours, c'est-à-dire en un moment où ceux qui se mobilisent pour les Palestiniens réclamaient la révision de l'accord liant l'Union européenne et Israël afin que soit exercée sur le gouvernement de Benyamin Nétanyahou une pression permettant de sauver des vies. Il y a donc ceux qui estiment que cette pression peut être utile et doit être exercée - à commencer par le premier ministre espagnol - et ceux - Sfar - qui décident d'affirmer qu'on ne peut rien faire d'utile.
Une question : peut-on imaginer un instant, après avoir observé les réactions de Sfar aux atrocités commises par le Hamas le 7 octobre 2023 (il n'y avait jamais assez de mobilisation à ses yeux), que sa position serait la même (en somme "on n'a pas d'influence, on ne peut rien faire") si c'étaient plus de 55 000 Israéliens qui avaient déjà été tués ?
Mais ce sont des Palestiniens.
Frédéric Debomy
Source (parmi d'autres) s'agissant de l'indignation du CRIF :
Source de la déclaration du 10 juillet 2023 de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 :
Le nombre de morts à Gaza :