Pour Caroline Fourest s'exprimant sur LCI il y a deux semaines, il n'y avait pas de blocus israélien sur l'aide alimentaire à Gaza mais une réorganisation de cette aide pour que les Gazaouis en soient bénéficiaires au lieu du Hamas. Or, c'est une première chose, cette affirmation des pro-Israéliens que le Hamas détourne l'aide n'est pas corroborée par les observations de terrain. En d'autres termes, ceux qui l'affirment - Caroline Fourest ou, comme je l'ai remarqué dans un précédent billet, Joann Sfar - se font donc les relais de la propagande israélienne. C'est un choix : croire un gouvernement dirigé par un homme contre lequel la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt plutôt que Médecins sans frontières ou le Programme alimentaire mondial.
Loin de cette énième tentative de Fourest de présenter les choses à l'avantage d'un État semble-t-il décidé à convaincre le monde de ses performances particulières en matière d'inhumanité (ce qui certes n'enlève rien au régime nord-coréen ou aux talibans, à la situation des Ouïghours ou à celle des Rohingya), ce sont des soldats israéliens qui confiaient hier à Haaretz, relayé par Libération, leur effroi, expliquant, s'agissant des Gazaouis en quête de nourriture, qu'"on [on : l'armée israélienne] leur tire dessus avec tout ce que l'on peut imaginer : des mitrailleuses lourdes, des lance-grenades, des mortiers..." Un autre soldat déclare : "Comment en est-on arrivé à un point où un adolescent est prêt à risquer sa vie juste pour attraper un sac de riz distribué par un camion ? Et pourquoi tire-t-on sur lui à l'artillerie?" Car il n'y a "pas d'ennemi en face, pas d'armes" confie le premier. Un officier de réserve ayant vu dix personnes se faire tuer lors d'une distribution alimentaire résume la situation : "tuer des innocents, c'est devenu la norme."
Mais il est vrai que Caroline Fourest fut décorée, en 2024, de la Légion d'honneur. Cette distinction n'étant jamais remise à la légère, c'est donc que s'agissant de la situation de l'aide alimentaire à Gaza tout doit se passer aussi bien qu'elle l'affirmait il y a deux semaines. Je me trompe, nous nous trompons tous et ces soldats israéliens témoins de la situation se trompent, eux, plus que n'importe qui.
Frédéric Debomy
P. S. Une grande satisfaction hier de voir l'agent immobilier qui agressait verbalement Rima Hassan dans la rue en disant "On va te la brûler ta Palestine" être immédiatement sanctionné, ainsi que sa collègue solidaire de ses propos, par la direction du groupe immobilier Orpi : l'un et l'autre auraient été licenciés. Le communiqué émis dans les heures ayant suivi l'incident par le président de ce réseau d'agences immobilières, Guillaume Martinaud, est à son honneur et contraste de manière frappante avec le laxisme et la complicité dont bénéficient de la part de nombre de responsables politiques et d'autres intervenants au débat public les pro-Israéliens tenant les propos les plus choquants. Il faut que le commentaire de Rima Hassan - "L'impunité, c'est terminé!" - soit en effet désormais suivi d'effets : on a assisté à des tentatives politiques et médiatiques de faire passer ceux qui se montraient solidaires des Palestiniens pour des incarnations de l'infamie et l'on a vu opposer à l'emploi par des juristes du terme "génocide" pour qualifier la situation à Gaza une accusation de vouloir "nazifier" Israël... tandis que des partisans de cet État proféraient parfois les pires infamies sans être l'objet d'une semblable réprobation. Ce triomphe de l'inhumanité n'a que trop duré.