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Billet de blog 28 octobre 2024

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S'acheter une fausse vertu sur le dos des morts

Nul doute que l'on finira par parler, plus qu'on ne le fait déjà, de la défaite morale totale d'un grand nombre de médias s'agissant de l'écrasement de Gaza.

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Il y aura eu les voix hargneuses qu'on aura laissé s'exprimer au moment même où, affichant une fausse vertu, on se sera employé à délégitimer des voix appelant à mettre la pression sur Israël, comme si être révulsé par les bombardements de civils et l'organisation de la famine revenait à être coupable de complaisance envers l'antisémitisme et les crimes du Hamas. Et tant pis pour les personnalités et organisations juives, et même israéliennes, qui ne pensent pas de cette façon. 

Mais il y aura eu aussi les voix faussement équilibrées, pain bénit pour des médias soucieux à la fois de faire valoir leur préoccupation (apparente) des vies palestiniennes et de ne pas risquer un procès en antisémitisme, apologie du terrorisme etc. Ainsi, des voix parfaitement partisanes, occupées à réécrire en temps réel l'histoire des attentats du 7 octobre 2023 et de l'écrasement de Gaza en n'expliquant pas le surgissement de la violence en Israël l'automne dernier par le contexte de la longue persécution des Palestiniens mais par l'antisémitisme, ont-elles offert à ces lâches médias la possibilité de singer l'équilibre en singeant de leur côté la pondération.

Comme si Joann Sfar était cohérent en disant d'un côté refuser toutes les victimes civiles et en s'associant d'un autre à des organisations violemment partisanes, tout en s'employant à déligitimer des voix porteuses de la même critique de l'action d'Israël que les organisations de défense des droits humains. Comme si Delphine Horvilleur en disant que parler d'apartheid en Palestine met fin à la discussion ne se permettait pas de tracer un cadre "raisonnable" de la discussion qui suppose la négation de ce qu'expérimentent quotidiennement les Palestiniens. La même Delphine Horvilleur qui dans le numéro du 10 octobre 2024 de la revue de Bernard-Henri Lévy La Règle du Jeu compte sur ce dernier pour incarner ces "hommes et [ces] femmes dignes qui se lèvent toujours à un moment donné pour sauver l'humanité." Comme si l'on pouvait "sauver l'humanité" en approuvant l'offensive d'Israël à Rafah (le 7 mai 2024 sur Instagram) ou en affirmant que "la riposte d'Israël à Gaza n'est pas disproportionnée" (Nice Matin le 31 mars 2024)...

Je n'ai pris ici que les exemples qui me tombaient sous la main. N'importe qui, s'il décide de creuser davantage, pourra constater combien sont partisanes les voix que je viens de citer, sous leur vernis humaniste.

Ces gens ne peuvent se payer de mots que parce qu'un contexte médiatique le permet. Il faut un aveuglement total - le leur apparemment - pour ne pas savoir qu'il évoluera. D'ores et déjà des ouvrages paraissent - ceux de Didier Fassin et d'Enzo Traverso par exemple - qui pointent l'évidence du traitement médiatique largement tordu des événements auxquels nous assistons. Bientôt, en outre, le recours au "Plus jamais ça" et l'argument de la certes nécessaire lutte contre l'antisémitisme pour ne pas mettre Israël face à ses responsabilités auront fait long feu. Il n'y aura plus qu'une évidence : l'évocation de la persécution d'un peuple et d'un processus d'extermination auront été utilisés pour ne pas admettre, ou pas pleinement, la persécution d'un autre peuple et un autre processus d'éradication de civils. L'humanité pouvait difficilement connaître plus grande défaite morale. On renverra, je l'espère, ceux qui y ont contribué, de manière ouverte ou "modérée", à leurs responsabilités, surtout lorsqu'ils se présentent au monde comme des humanistes.

Frédéric Debomy 

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