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Billet de blog 30 septembre 2025

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Raphaël Enthoven victime de lui-même

Témoins d'un génocide, les journalistes palestiniens sont visés par l'armée israélienne pour leur double qualité d'observateurs et de Palestiniens. Un intervenant au débat public qui, loin de les défendre, les vomit s'indigne d'être jugé infréquentable par ceux qui lui reprochent de diffamer des morts.

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Dans un entretien accordé à Gala, Raphaël Enthoven affirme subir un "procès d'intention".

Non.

Un homme qui n'a cessé de parler de philosophie est censé avoir la maîtrise de son expression. Il sait, sans nul doute, ce qu'est le poids des mots.

Or voici ce que Raphaël Enthoven a déclaré au sujet des journalistes palestiniens avant de se livrer à un exercice de contrition si vague qu'il paraît avoir pour but de le tirer d'affaire et non d'exprimer un véritable regret : 

"Il n’y a AUCUN journaliste à Gaza. Uniquement des tueurs, des combattants ou des preneurs d’otages avec une carte de presse."

Et voici ce que dit Reporters sans frontières - par la voix de son directeur du plaidoyer et de l'assistance, Antoine Bernard - de la situation à laquelle sont confrontés les journalistes palestiniens : 

"Nous avons documenté les circonstances d’attaques ayant visé pas moins de 30 journalistes, dont 25 ont été tués et cinq blessés entre mai 2024 et août 2025. La conclusion est sans appel : les journalistes sont ciblés dans l’immense majorité des cas en raison de leur activité journalistique ou au cours de celle-ci. Et la situation ne fait qu’empirer : les accusations infamantes des autorités israéliennes désormais généralisées contre les journalistes palestiniens sont utilisées pour légitimer leur ciblage. Nous sommes choqués que les auteurs de ces crimes puissent encore profiter de l’impunité offerte par l’inaction judiciaire et politique. Nous appelons en particulier la CPI à tenir bon malgré les menaces, les pressions et les sanctions, et à faire son travail, rien que son travail mais tout son travail. Les crimes contre les journalistes doivent être sanctionnés."

Reporters sans frontières précise encore que certaines de ces attaques "ont ciblé le domicile des journalistes, ajoutant leurs proches à la liste des victimes" et que pour justifier le ciblage de journalistes les forces israéliennes les accusent de terrorisme "sans qu’aucune preuve crédible ne soit apportée."

Reporters sans frontières n'est pas isolée : quatre rapporteurs spéciaux des Nations unies - notamment - partagent son indignation devant les accusations infondées portées par les forces israéliennes contre les journalistes palestiniens.

Ce sont ces accusations que Raphaël Enthoven a décidé de véhiculer à son tour : des accusations sans preuve portées par un État génocidaire contre des gens qu'il s'emploie à assassiner. Il faut pour cela n'avoir - entre autres choses - aucune considération pour le deuil de leurs familles.

Et voici que ledit Enthoven publie un ouvrage sur un tout autre sujet et que des gens s'indignent devant les invitations qu'il reçoit pour promouvoir son livre. L'auteur et ses soutiens parlent alors d'atteinte à la liberté d'expression : de relais d'une propagande émanant d'un État génocidaire, Enthoven deviendrait victime.

J'ignore si ceux qui ont pensé à lui permettre de faire sa promotion partagent ses vues sur le génocide en cours ou sur les journalistes palestiniens en particulier ou s'ils vivent dans un ciel des idées si éthéré que de tels propos ne devraient pas à leurs yeux altérer l'envie que l'on peut avoir d'accueillir quelqu'un, de lui serrer la main et de lui préparer un café. 

La liberté d'expression n'est pas tout. Il n'est pas question d'empêcher Enthoven de publier. En revanche, faire abstraction de déclarations alignées, par temps de génocide, sur un État en train de commettre ce génocide, c'est peut-être considérer qu'elles ne sont pas si choquantes. 

Frédéric Debomy

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