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Billet de blog 11 mars 2016

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L’avertissement, ce que cache la loi El Kohmri

Tout est fait pour distraire notre attention dans ce projet de loi sur la réforme du code du travail. Il y a tellement à contester que finalement nous en perdons de vue que l'essentiel est ailleurs que dans les détails si importants pour les salariés. La philosophie de la loi El Khomri c'est d'abord la démission devant le projet libéral théorisé et orchestré avec une violence inouïe.

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La violence de la charge antisociale du projet de loi El Khomri ne doit pas nous faire perdre de vue qu’elle poursuit un objectif bien au-delà de la réforme qu’elle prétend proposer. Comme à son habitude le gouvernement lance un pré projet qui fait s’étrangler les syndicats tellement il semble calqué sur l’agenda du MEDEF. La gauche est naturellement vent debout pour défendre le droit des salariés. Ce fut pareil avec l’ANI, la loi Macron puis la loi Rebsamen sur le soi-disant dialogue social. Quelques intellectuels naïfs ou complaisants nous expliquent encore qu’il faut débattre, négocier, améliorer le projet. Des commissions parlementaires expurgées de l’opposition modifieront les articles les plus contestés et on nous expliquera que la démocratie a parlé. Finalement, le gouvernement be serait pas si à droite que ça. La preuve, ça aurait pu être bien pire.

La méthode est maintenant éprouvée. A décortiquer les articles de la loi El Khomri, on en finirait par oublier le fond de l’affaire, celui qui n’est jamais dit ou trop peu dit. Car au-delà du temps de travail, des salaires et des licenciements, se joue un véritable choix de société sur lequel la gauche ne veut pas transiger, mais qu’elle ne veut pas non plus trancher. Sa difficulté à formuler une alternative crédible au capitalisme n’a d’équivalent que sa position défensive. Et ce qui n’est pas formulé clairement est révélateur des questions que l’on cherche à éviter : quelle une autre organisation sociale voulons-nous ?

La population active est aujourd’hui divisée en 3 catégories : ceux qui touchent un salaire grâce aux impôts et aux cotisations sociales (la fonction publique, les associations subventionnées, la médecine conventionnée…). Ceux  qui vivent de la vente de leur travail sur le marché des biens et services (les indépendants, professions libérales, artisans,  auto entrepreneurs…) et ceux qui touchent le salaire d’un employeur.  Tous participent à la création de richesses, fonctionnaires comme salariés du privé et indépendants. Mais seuls les salariés du privé permettent de valoriser le capital d’un actionnaire et le versement de dividendes. La condition du salarié c’est la subordination à l’objectif de rentabilité de son employeur. En contrepartie celui-ci à des devoirs vis-à-vis de son salarié inscrits dans le code du travail. Et c’est de ces devoirs dont le patronat veut s’affranchir. Le projet néolibéral c’est d’en finir avec le CDI et que tout le monde devienne auto entrepreneur. Ainsi on remplace le droit du travail par des contrats de gré à gré, comme si l’on pouvait mettre sur le même plan donneur d’ordres et prestataire, patron et salarié. Tous les chercheurs d’emplois sont en concurrence sur le marché de du travail, payés à la mission, au rendement (pourquoi pas à la pièce comme ce fut le cas naguère ?), avec bien sûr des droits rechargeables pour « sécuriser » les parcours professionnels. C’est ainsi qu’il faut lire l’avertissement de la loi El Khomri et son inversion de la hiérarchie des normes. C’est à l’échelle de l’entreprise que sera négocié le contrat de travail selon les besoins de l’employeur. « Pour parvenir à recréer de l’emploi, il est réaliste de chercher à s’extraire d’un CDI “sanctuaire” qui dissuade les entreprises d’embaucher et les étrangers d’investir en France. Les protections du salarié doivent se faire plus raisonnables… », nous dit Joël Grangé, expert à la Tribune. Ces propos traduisent parfaitement la logique libérale à l’œuvre aujourd’hui. Autrement dit, à la loi des hommes, ont substitue la loi du marché au nom de la « compétitivité ».

Tant que la gauche sera sur des positions défensives, les salariés ne pourront que perdre du terrain. Le chômage et le chantage à l’emploi déséquilibrent le rapport de force au point que le maintien des acquis sociaux est sans cesse remis en cause. Face à l’agression généralisée du capital, il faut opposer une alternative concrète, un autre modèle de société, celui que les institutions salariales ont déjà commencé à construire. Autrement dit, poursuivre la socialisation de la valeur ajoutée par la cotisation sociale qui permet de financer toutes les activités qui échappent aux employeurs et à la valorisation des capitaux. Mais c’est aussi l’instauration d’un salaire à vie pour tous les citoyens pour en finir avec le marché du travail, la précarité et la dictature actionnariale. Pour les salariés c’est encore la nécessité de contrôler leur outil de production afin de pouvoir décider de leur rémunération et de leurs conditions de travail. Qu'est-ce que c'est sinon revendiquer un socialisme démocratique où le travail ne soit pas la propriété d’une minorité d’employeurs mais le résultat de la libre association de travailleurs entre eux ? Bref, l’inverse de la loi El Kohmri.

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