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Billet de blog 11 décembre 2014

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Qu’en pensent les Français ?

Lisez attentivement ce qui va suivre : « Nous refusons que la civilisation du supermarché remplace la civilisation du loisir. La citoyenneté ne se résume pas à l’acte de consommation. Quelle vie privée, quelle vie de famille sans jour de repos hebdomadaire commun, alors que justement nos sociétés souffrent déjà d’une déstructuration des liens sociaux ? » C’est beau comme du Jaurès.

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Lisez attentivement ce qui va suivre : « Nous refusons que la civilisation du supermarché remplace la civilisation du loisir. La citoyenneté ne se résume pas à l’acte de consommation. Quelle vie privée, quelle vie de famille sans jour de repos hebdomadaire commun, alors que justement nos sociétés souffrent déjà d’une déstructuration des liens sociaux ? » C’est beau comme du Jaurès.

Ces lignes sont extraites d’une tribune contre l’extension du travail du dimanche publiée en 2008 par des camarades du Parti socialiste, Jean-Marc Ayrault en tête. On y trouve même des arguments en faveur de l’écosocialisme dont se revendique avec fierté la nouvelle charte du PS : « c’est aussi un recul formidable auquel nous assistons. Les grandes surfaces sont parmi les activités les plus énergivores, les plus polluantes : éclairages puissants entièrement artificiels, chauffages ou climatisations de volumes immenses, vastes rayons de réfrigération ouverts ou souvent manipulés. Il n’est fait aucune étude sur l’impact environnemental de la loi. » 

A l’époque, même une partie de la droite, à qui il arrive de ne pas dire que des âneries, s’opposait au travail le dimanche. « Et puis, chacun connaît les limites du volontariat : sans faire de procès d'intention aux chefs d'entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d'autre choix que celui d'accepter », déclaraient 50 députés UPM et Nouveau Centre dans une autre tribune.

Pourtant, le nouveau projet de loi d’Emmanuel Macron n’a rien trouvé de mieux qu’exploser les records en matière d’extension du travail dominical, ouvrant la voie au travail 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, avec la possibilité de faire travailler les salariés jusqu’à minuit sans que cela soit considéré comme du travail de nuit. A la trappe l’écosocialisme, bienvenue dans la civilisation du supermarché ! Tour ça au nom de « la croissance et de l’activité », selon l’intitulé du projet de loi.

Il faut dire que le gouvernement s ‘y connaît en matière de croissance et d’activité. Notre fringuant ministre de l’économie vient justement de s’exprimer au sujet du fameux « pacte de responsabilité », censé relancer la France au firmament de la compétitivité et de l’emploi : « Aujourd'hui, il y a très peu d'accords de branches qui sont signés, c'est un échec et aujourd'hui c'est aussi le sien (en parlant de Gattaz). » Autrement dit, c’est aussi l’échec du Medef, bien sûr, afin de se dédouaner un peu trop facilement de ce flop retentissant.

Je me souviens des réactions au Bureau national que présidait encore Harlem Désir, quand on nous a présenté le « pacte de responsabilité » :

— Marie-Noëlle Lienemann : « Je vous le dis, ça ne marchera pas ! »

— Gérard Filoche : « Les patrons n’en veulent pas de votre pacte, ils ne le respecteront jamais. »

— Julien Dray : « Un État stratège doit installer un rapport de force. Sans mesure contraignante, vous n’obtiendrez aucune contrepartie ».

— Et nous à la motion 4 de dire : « Cela ne créera pas d’emploi, car la finalité d’une entreprise en régime capitaliste n’est pas d’embaucher, mais de produire plus vite et mieux avec le moins de salarié possible, autrement dit d’être compétitive. »

On ne retire malheureusement aucune satisfaction à dire : « On vous l’avait dit ! »

Valls a beau contredire son ministre au journal télévisé de 20h sur France 2, la réalité est implacable : 1000 chômeurs de plus par jour ! La comptabilité en la matière depuis la prise de pouvoir de François est la suivante : 889 000 demandeurs d’emplois supplémentaires en 883 jours. Un rythme équivalent à celui des deux dernières années du mandat de Nicolas SARKOZY. Mais la politique économique a t’elle vraiment changé ?

L’aveuglement du gouvernement n’a rien à envier à celui de Sarkozy qui tapait sur les 35h comme un forcené pour justifier son bilan désastreux.

Le gouvernement s’intéresse t’il à cette récente étude du cabinet Rolland Berger, qui n’est pas une officine d’extrême gauche mais un respectable cabinet d’expertise économique ? « 3 millions d’emplois sont susceptibles de disparaître en France d’ici 2025 de par la numérisation et la révolution technologique. » et Marc Chevallier, rédacteur en chef adjoint chez Alternatives Economiques, de commenter cette enquête, à l’issue d’un article très étayé : « Pour empêcher l'explosion du chômage et des inégalités, l'une des réponses incontournables devrait alors être... la réduction du temps de travail. »

Au cœur de nos sociétés industrialisées, il y a l’érosion du volume d’heures travaillées, avec en France un dynamisme démographique qui accentue l’écart entre l’offre et la demande de travail. Toute politique qui ne prend pas en compte ce phénomène ne peut que générer de l’exclusion et de la misère sociale. Le partage du travail ou le passage à la semaine de 4 jours est une nécessité. La martingale « croissance, compétitivité emploi » rabâchée par le gouvernement est irresponsable et déshonorante pour notre engagement socialiste. Les vielles recettes libérales ne marchent pas. Au Royaume-Unis, avec une croissance en moyenne de 3 %, près d’1 millions de personnes – dont un tiers d'enfants – ont reçu des aliments d’urgence d’une banque alimentaire pendant au moins trois jours entre 2013 et 2014. Quant au fameux « plein-emploi » anglo-saxon, il tient « beaucoup à la proportion record des temps partiels courts, à l’explosion du statut de l’auto-entrepreneuriat et un développement mal estimé des contrats « zéro heure ». Depuis 2008, l’Office national des statistiques (ONS) estime que deux tiers des emplois créés l’ont été sous le statut d’auto-entrepreneur, avec un revenu médian qui a chuté de 27 % depuis le début de la crise », nous informe Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. Telle est la cruelle réalité des politiques libérales que nous sommes en train d’appliquer dans notre pays.

Comme si cela ne suffisait pas, nous venons d’apprendre que le France met en échec la taxe sur les transactions financières. Dans un communiqué, les ONG Aides, Coalition PLUS, Oxfam France et Attac France ont déclaré être « sidérées de constater que la France est prête à se priver de milliards d’euros de recettes supplémentaires par an afin de protéger les privilèges du lobby financier. Car Michel Sapin (ministre des Finances), en dévoilant la position française le mois dernier, s’est fait officiellement l’avocat personnel des grandes banques françaises, ce que les associations craignaient depuis déjà longtemps ».

Finalement, il y a bien que dans la persévérance à manquer à tous ses engagements que le gouvernement fait preuve de cohérence. « Non au chômage partiel, non aux licenciements ! Oui à un emploi stable et permanent ! », pouvait-on lire sur les banderoles, à Athènes, lors de la grève générale de vingt-quatre heures observée par les syndicats du privé et du public, et suivie par plus de 25 000 personnes le jeudi 27 novembre. Il faut mettre « fin à la pauvreté, renverser [le gouvernement] maintenant », ont déclaré les grecs. Qu’en pensent les Français ?

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