Je ne suis pas l'Arbre de Vie. Encore moins celui de la Science... Non je suis un arbre tout simple, avec beaucoup de bois et ce qu'il faut de feuilles pour me vêtir. Eh oui, moi aussi j'ai ma pudeur.
Quoi, vous en doutiez ? Ah, vous êtes bien des humains. Incapables de se mettre à la place des autres. L'empathie ? Pour les empaffés ! C'est ça votre philosophie, non ?
Ah mais j'oubliais ! La philosophie, pour vous, c'est dépassé ! Depuis belle lurette ! Terminée la glorieuse époque des grands intellectuels Grecs, qui enseignaient à leurs disciples les rudiments de la pensée à l'ombre des grands chênes. Aujourd'hui vous êtes avides de... religion. Ah, pour ça, on peut dire que vous y mettez le paquet.
Oh, ça nous fait marrer vous savez ! Une bande de glands qui se castagne, non pas pour la Vérité, mais pour imposer leur avis ! Au nom de Dieu vous tombez à chaque fois dans le pêcher d'orgueil. En oubliant justement ce que Satan avait affirmé au Seigneur lorsqu'il reçut sa mutation pour l'Enfer. « Une victoire par la force n'est qu'une demie victoire ». Aucun d'entre vous ne gagnera à ce petit jeu là. Mais bon, ça ne semble pas vous préoccuper.
Mais je vous parle alors que je ne devrais pas. Pourquoi ? Je l'ai déjà dit. Parce que vous êtes trop cons. Chez nous ça fait un bail qu'on a décidé de la fermer quand on vous voit. Face à vos jérémiades, nous, on utilise la langue de bois.
Des jérémiades, parfaitement ! Tiens, l'autre jour, un gars est venu se lamenter pour je ne sais quelle raison sur les racines de mon pote Olivier. Le type a chialé pendant des heures ! Ma vieille branche, en voyant le garçon se répandre lui a fait un peu d'ombre. Juste pour être sympa, quoi ! Et bien vous savez comment ça s'est terminé ? Le gus lui a pissé sur le tronc avant de partir !
Oh mais moi c'est clair que le premier homme qui approche, à partir de maintenant je lui file un marron.
Bon, c'est vrai que je suis un peu énervé là. Attendez, je vais me faire une tige pour me calmer.
Voilà.
Non, en fait si je vous parle aujourd'hui c'est parce que j'ai failli prendre cher l'autre jour. Il faisait beau, je m'en rappelle. Je tentais de faire fuir un pigeon qui me courait sur le bourgeon depuis qu'il avait cru bon de me faire partager ses problèmes gastriques. Avec l'aide du vent, j'essayais de lui fouetter la tronche, lorsque soudain, j'ai vu venir des gars en uniformes qui m'ont aussitôt grimpés dessus. Je n'ai pas eu le temps d'orienter mes branches pour changer de cible, qu'ils avaient déjà installé une caméra dans l'une d'elles. Et puis ils sont repartis en courant comme des fous furieux.
Quelques minutes après, les gars d'en face se sont radinés, bien décidés à leur infliger une volée de bois vert.
Merde ! Pendant des heures ils se sont bastonnés à coup de roquettes ! J'ai peut-être mauvais caractère, mais moi au moins je me bats à branches nues. Je n'ai pas besoin d'arme. Eux, par contre, ils ont du bénéficier de promos sur les bazookas. Les projectiles ont volé dans tous les sens au-dessus de ma cime. Je peux vous dire que ça fait long, tout un après-midi à se foutre de la sève plein le tronc par peur de se faire décimer !
Quand ils en ont eu marre, ils se sont arrêtés. Mais ce n'est pas la première fois qu'ils me font le coup. Ces débiles vont bien finir par avoir raison de moi, et on me retrouvera un jour dans le champ, déraciné et tout écorcé.
Mais au moins je vous aurais dit ce que je pense.
Bande de cons !