Les vers, déjà, parlons-en (1),(2): engrais, pesticides et réchauffement climatique ont décimé cet indispensable nourrisseur gratuit et bienfaisant : de 2 tonnes à l'hectare dans les années 50 à dix fois moins aujourd’hui, au bénéfice de pesticides destructeurs et hors de prix. On marche sur la tête ? Je ne vous le fais pas dire. Car non, les pesticides ne sont pas des « médicaments des plantes » comme s'échinent à le psalmodier les représentants de la FNSEA, mais des produits tueurs comme leur nom l'indique : herbicides tueurs d'herbe, insecticides tueurs d'insectes pollinisateurs ou dont ne se nourriront plus les oiseaux, fongicides tuant cette formidable machine d'interconnexion souterraine que sont les champignons.
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Coincés dans le système pour certains (ceux qui nous nourrissent en mettant les mains dans la glèbe), aveuglés par la course au rendement pour les gros producteurs exportateurs, les paysans sont les premiers à en souffrir dans leur corps. (3). Et comme on les retrouve partout et que ce sont de fieffés perturbateurs endocriniens, personne n'en est protégé.
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Les plus demandeurs sanglotent « nous voulons nous en débarrasser, mais la concurrence étrangère – par ailleurs moins normative - nous force contre notre gré à en utiliser ! ». Contre leur gré, vraiment ? Vilains menteurs ! (4), la France est le 3ème pays autorisant le plus de substances actives en Europe, 32% de plus que la moyenne ! On peut par contre leur accorder qu'ils ont parfaitement raison de dénoncer le traité de libre échange - entre autres - avec le Kénya, dont 80% des tomates – bon marché en plus, mais qu'il faut transporter (aë aïe aïe Co2) sont gorgées des pesticides les plus toxiques (qu'on leur vend mais qui sont ceux-là interdits chez nous). Vous dites, on marche sur la tête ?
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Le pire est qu'il y a comme pour les causes du dérèglement climatique un terrible effet d'inertie : on en retrouve dans les sols jusqu'après plus de 20 ans en agriculture biologique. Alors pourquoi s'acharner à les utiliser. Ou même à les produire ? Devinez ? Vous avez trouvé, une petite mafia de laboratoires (Bayer, Syngenta, BASF pour l'essentiel) se partage le monde et l'arrose de ces drogues dures (385 millions d'empoisonnements par an) sans se soucier des conséquences, pourvu que les devises rentrent. Un document très complet rappelle tous ces éléments (5)
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Les marchés du Sud sont en pleine progression, aucune précaution n'y est conseillée, l'information est minimale, et les pays exportateurs voient sans déplaisir le bénéfice pour leur balance commerciale. Ça leur est d'autant plus facile qu'il n'y a pas de législation internationale contraignante sur ces produits..0n a pu apprécier ces derniers jours la force de frappe de ces labos : Arnaud ROUSSEAU qu'on ne présente plus (6) a exigé le retour aux pesticides, Emmanuel MACRON a obtempéré : « ce quinquenat sera écologique ou il ne sera pas ». Chiche, qu'on en finisse, qu'il ne soit pas !
Alors que faire? Il est évident qu'il ne sera pas facile de déboulonner d'aussi puissantes multinationales, pas davantage que de se débarrasser des méganavires de surpêche ni de changer des habitudes ressenties comme confortables et indispensables depuis des décennies : on entendra le chantage à l'emploi, les exigences de la balance commerciale, la nécessité de l'autosuffisance alimentaire, la souffrance des agriculteurs. Sauf que ces derniers ne sont pas tous soumis au même régime : si des sources (7) indiquent un revenu moyen inférieur au smic, le même article rappelle qu'entre les aides PAC et nationales, chaque exploitant recevrait en moyenne 40 000 euros . Sauf que quand Arnaud ROUSSEAU en reçoit 175 000, on comprend qu'il en reste peu, frais déduits, pour ceux qui travaillent sur de petites surfaces. Et si le revenu moyen des ménages agricoles sont plus confortables grâce aux revenus d'appoint et/ou du conjoint, on aura compris que de fortes disparités existent, 18% des paysans vivant en dessous du seuil de pauvreté. (8)
Il est donc urgent de se poser pour réfléchir : entre un président qui après 7 années au pouvoir explique qu'il ne sait pas quelle est la question et un premier ministre qui comprend qu'il y en a 62 et y « répond » (donc tout est censé être réglé?) dans un état de semi panique à quelques semaines d'une élection importante, on voit bien que non, rien n'est réglé.
La réflexion doit être au minimum hexagonale, et mieux européenne, en attendant de l'élargir obligatoirement à un dialogue Nord-Sud : les pesticides doivent être supprimés, mais à quel rythme. Pour quelle production quantitative la plus relocalisée possible. Pour quelle ventilation alimentaire (viande, végétaux, fruits et légumes) Pour quel prix. En arrêtant de faire semblant de lutter contre le désordre climatique, ce qui exigera là aussi une réflexion et une planification rigoureuse. En sachant que ce sera douloureux psychologiquement et financièrement. Et qu'il faudra impérativement parler, qu'on le veuille ou non, décroissance. Et, que les pays les plus riches et les riches de tous pays le veuillent ou non, partage des richesses. Sauf à sombrer tous ensemble, ce n'est pas un scoop, dans le chaos.
À cet égard, une étude (9) comme celle qui résulte de 2 ans de travail de ces 144 experts, avec 3 scénarios, suivant la baisse d'émissions de Co2, le régime alimentaire, le volume d'import-export et la part de technologie montre la voie : on ne retiendra peut-être à terme aucun de ces scénarii, on en inventera d'autres, mais la conduite à tenir est la bonne : arrêtons de procrastiner et de tricher : réfléchissons collectivement, planifions, assez perdu de temps, au travail !
Frédéric PIC
1 / https://www.geo.fr/animaux/declin-des-vers-de-terre-quelles-consequences-pour-la-planete-195717
3 / ttps://www.inserm.fr/actualite/pesticides-et-maintenant-que-fait-on/
4 / Pesticides / la France, l’un des pires pays d’Europe.pdf
5 / atlas-des-pesticides-version-ok-2.0-1023.pdf
7 / 1 041 euros par mois, le revenu agricole moyen pour 55 heures de travail hebdo' | Fondation IFRAP.pdf
8 / https://www.capital.fr/votre-carriere/salaire-combien-gagne-un-agriculteur-1490988
9 / « Une agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 ? » / résultats d’une étude prospecti copie.pdf