Quelques décennies avant la saga rabelaisienne et 50 ans avant Le Quijote paraissait en Espagne le Lazarillo de Tormes, considéré comme le premier roman picaresque. Anonyme (censuré par l'Inquisition, c'était plus prudent !) il racontait la vie de Lazarillo, enfant placé auprès de divers maîtres, dont un aveugle qu'il conduisait sur les chemins de l'époque, tous deux partageant les fruits de leur mendicité. Chemins peu sûrs, aiguisant par nécessité de survie la roublardise des deux protagonistes. Qui arrivèrent ainsi près d'une vigne en fin de vendange, où ils héritèrent en aumône d'une superbe grappe de raisin, la dernière de la saison. Chacun prendra un grain à son tour dit l'aveugle, qui commença. Lazarillo en fit autant. Mais l'aveugle connaissait son chenapan d'assistant, le soupçonna d'avoir pris deux grains, et en prit trois ; provoquant la colère du facétieux enfant qui en prit quatre, et en quelques secondes la grappe, l'énorme grappe, la succulente et nécessaire grappe fut malaxée, déchirée, immangeable, les laissant tous deux sur leur faim.
Nous y sommes. La planète bleue sera réduite comme la grappe de raisin. Ce n'est pas nouveau, nous pensions que notre intelligence collective nous permettrait de l'éviter. Que nenni. Il nous faut encore une fois constater que partout, si l'humain est de loin le plus intelligent des animaux, il est aussi sans conteste le plus stupide. Et il n'est pas impossible qu'il soit un peu plus stupide qu'intelligent. Pas sûr que même les prédateurs y survivent.