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Billet de blog 9 mai 2024

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INDIGNONS-NOUS !

15 ans ont passé depuis que Stéphane HESSEL nous invitait à nous indigner tous azimuts, invoquant les inégalités, le recours à la violence, le saccage du programme du CNR, l'injustice faite aux palestiniens et aux déshérités de tous bords. Aujourd'hui les indignations elles-même sont réprimées, celles de la jeunesse en particulier : motif supplémentaire à se mobiliser, encore et toujours.

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Alors oui, indignons-nous !

Antisémites, vraiment ?

Indignons nous pour les étudiants de Science-Po, et contre le traitement qui leur est réservé : criminalisés alors qu'ils ne font qu'exercer leur libre droit d'expression, mensongèrement taxés de violence pour justifier celle que l'on met à les expulser, accusés d'être manipulés comme des mineurs et donc irresponsables, malléables et donc – forcément – manipulés par – forcément – la France Insoumise. Sommés de « retourner à l' école et de cesser de faire de la politique ». Alors qu'ils ont fait de la politique leur raison de vivre et d'étudier ... Traités donc comme des mineurs irresponsables, alors que ce sont des adultes...et que l'on parle en même temps de supprimer l'excuse de minorité pour les délinquants mineurs, qui seraient eux selon la macronie … totalement responsables !

Bref, atteinte indigne à la liberté d'opinion et d'expression. S'y ajoute comme d'habitude lorsqu'il est question du conflit israélo-palestinien l'insinuation hypocrite et déloyale non pas d'antisémitisme, car le pouvoir sait bien qu'il n'y en a pas, mais de s'en approcher, de le favoriser, de le sous-entendre, soupçon massivement relayé dans tous les médias pour bien faire comprendre que le délit en fait est bel et bien consommé. Calomniez, évoquez cauteleusement un « antiséminisme rampant », il en restera toujours quelque chose.

Inutile de rappeler cette évidence, à savoir que les militants qui condamnent Israël condamnent sa politique et rien de plus. Qu'ils peuvent parfois être antisionistes, opinion légitime, mais jamais antisémites. Il ne faut pas s'étonner par contre que la constance avec la quelle le pouvoir actuel d'une part, et NETANYAHOU d'autre part s'astreignent à rabâcher qu' Israël résume toute la judéité du monde et réciproquement, que ce matraquage sémantique falsifié puisse – c'est le but - convaincre des âmes influençables que les détracteurs d'Israël sont d'affreux racistes, et qu' Israël est donc forcément vertueux et dans son bon droit. Ni de de s'étonner qu'à l'opposé d'autres âmes simples versent  par indignation irraisonnée dans des actes antisémites bien réels.

Ces actes antisémites auraient connu nous dit-on une augmentation abominable, invraisemblable, quasi inchiffrable, justifiant encore une fois un matraquage de propagande médiatique assourdissant et culpabilisant, aucun commentaire n'étant plus audible à moins d'affirmer en préalable à tout argumentaire – ce qui va sans dire pour tout un chacun mais qui est ici un passage obligatoire – que l'on condamne avec la dernière énergie tous ces actes antisémites supposés.

Quels sont-ils au fait ? Des mots, des injures, des agressions, aux biens et aux personnes, des manifestations de haine ? Nul ne peut le savoir : Jamais nommés, jamais détaillés, bien que forcément connus et répertoriés par les pouvoirs publics, puisque chiffrés à l'unité près, ils ont toutefois justifié des conférences de presse solennelles du ministre de l'intérieur et du premier ministre pour dénoncer un fléau dont on peut juger de l'importance : 1676 actes en 2023, soit un acte virgule 39 par département et par mois, 366 pour le 1er trimestre 2024, soit 1,23 par département et par mois. ET donc zéro acte pour certains départements. Terrible ! La vérité, comme le rappelait Maitre Henri LECLERC le 3 mai sur France Inter, est qu'il y a des antisémites – vaste découverte – mais que la France n'est ni antisémite ni saisie d'un déferlement antisémite.

Défenseurs du terrorisme, vraiment ?

Mais la désinformation et la propagande ne s'arrêtent pas là, les défenseurs de la cause palestinienne étant – forcément - des défenseurs du terrorisme, puisque le Hamas est palestinien, et que le Hamas est terroriste. Et l'on ajoute que ce n'est pas Israël mais le Hamas qui opprime les gazaouis en s'acharnant à les « prendre comme boucliers », et qu'il est donc de fait responsable de tout et Israël par déduction de rien, mais - sans rire - bienfaiteur des palestiniens en les délivrant de la dictature de ce mouvement. Il faut ici s'arrêter sur l'absence de définition légale internationale du terrorisme, en rappelant encore une fois comme Maître H.LECLERC que la résistance à l'oppression est un droit imprescriptible. Ou comme le disait aussi Stéphane HESSEL que si la violence n'est jamais bonne, il vient un moment ou l'accumulation de violence devient si insupportable que la seule réponse est – bien évidemment – une autre violence pour s'en défaire.

Le terrorisme bien souvent n'est que la violence de l'adversaire. Lequel n'est le plus souvent violent qu'en miroir, pour se défaire d'une injustice ou d'une persécution, le terrorisme idéologique ou d'obédience religieuse sans ennemi nommément déclaré si ce n'est « l'autre », quasi délirant et génocidaire, étant clairement à distinguer, dans la mesure ou du reste il fait sans discussion l'unanimité contre lui. Sont par contre communément déclarés terroristes, en général par des états, ceux qui s'opposent avec violence - réelle ou supposée - à leur politique. Et comme il n'y a pas de définition internationale définitive s'y rapportant, les états ont toute latitude pour justifier une dérogation au droit commun pour délégitimer, condamner voire se débarrasser de ces mouvements ou individus d'opposition, s'exonérant au minimum du « qui a commencé ? » ou versant au maximum dans une répression criminelle, en clair dans le terrorisme d'état .

En Espagne : Julian GRIMAU militant communiste adhérent au PCE dès la guerre civile, pourchassé ensuite pour être finalement arrêté, torturé puis fusillé en 63 ; L'anarchiste anticapitaliste catalan PUIG ANTICH, garroté à 25 ans après un procès truqué ; le séparatiste basque OTAEGUI fusillé en 75. Tous taxés de terrorisme avaient certes prôné et/ou pratiqué la violence. Mais ils avaient un point commun, ils étaient antifranquistes. Qui d'eux ou de FRANCO a le plus soumis l'Espagne à la terreur durant les décennies de chappe de plomb antidémocratique du règne du caudillo ?

la qualification infamante de terrorisme pouvant même être décrétée sans qu'il y ait eu violence, pour de simples buts de propagande politicienne à usage interne : souvenons-nous chez nous de l'affaire de TARNAC, de l'assignation à résidence de militants écologistes lors de la COP 21, voire de l'accusation d'écoterrorisme contre les militants de Sainte Soline : la seule vraie victime de violences ce jour là fut le militant qui reste aujourd'hui lourdement handicapé après une longue période de coma du fait des violences policières..

Et puis, souvenons-nous, les terroristes d'hier bien souvent sont le pouvoir légitime d'aujourd'hui : les "terroristes" anticolonialistes du FLN gouvernent l'Algérie ; Le simple contact avec le "terroriste ARAFAT" et l'OLP étaient synonymes d'emprisonnement en Israël, jusqu'à ce que lui et lui seul soit choisi pour serrer la main de RABIN ; Le "terroriste" Mandela a gouverné et libéré l'Afrique du Sud de l'Apartheid institutionnel et lui a permis de réintégrer le concert des nations. Quant aux terroristes résistants à l'occupant nazi, MANOUCHIAN vient de les faire entrer au Panthéon.

Qu'en est-il de fait au Proche-Orient ?

La convention onusienne sur la répression du financement du terrorisme a proposé pour le terrorisme la définition suivante : «  tout acte destiné à tuer ou blesser gravement un civil, ou autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé ...»

L'attaque militaire du 7 octobre s'est  soldée par des combats, avec quelques centaines de morts dans l'armée et la police israélienne. Et par quelques centaines de morts civils. Nombre d'entre eux selon des observateurs indépendants ont pu être tués par les propres tirs de l'armée israélienne. Mais il y a des preuves irréfragables d'assassinats de civils par le Hamas (ou d'autres palestiniens entrés avec eux) Peu importe leur nombre réel, un seul mort civil mérite la qualification de terrorisme : je confirme donc qu'il y a bien eu le 7 octobre des crimes de guerre qualifiables de terrorisme. Et je ne verrai aucun inconvénient à ce qu'une enquête impartiale soit menée à ce sujet, et les responsables poursuivis et punis à cet égard.

Dans les 7 mois qui ont suivi, l'armée israélienne en sus d'avoir rasé les deux tiers des bâtiments gazaouis (crime de guerre) et d'avoir déplacé plus de deux millions de personnes (crime de guerre) et d'avoir empêché l'arrivée d'une aide humanitaire qu'elle est légalement tenue d'apporter elle-même en tant que puissante occupante (crime de guerre) l'armée israélienne donc a massacré en toute connaissance de cause et sous le regard quotidien impavide de la communauté internationale près de 40 000 civils dont près de la moitié d'enfants. Si l'on s'en tient à la définition onusienne et aux faits (dans les deux cas, combattants armés tuant des civils), l'état israélien par le bras de son armée s'est rendu coupable sans la moindre contestation possible d'actes de terrorisme. Et j'avoue avoir du mal à accepter les « oui, mais » des commentateurs, politiques ou médiatiques qui ont des pudeurs de gazelle au moment d'appeler ici un chat un chat.

À ce titre, l'appel du 12 Octobre du président MACRON à la nécessité d'une riposte israélienne forte et juste, « forte parce que juste » me paraît à postériori pouvoir être taxé sans contestation d'apologie du terrorisme...

Quant au génocide l' ONU et Cour Pénale Internationale le définissent ainsi :

 on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:

a) meurtre de membres du groupe;b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;e) transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.


On notera que la réalisation d'UN SEUL de ces items suffit à caractériser le génocide. Alors, NETANYAHOU peut toujours hurler que sa mise en cause devant la CPI serait un crime antisémite, j'ai là aussi du mal à suivre les hésitations sémantiques de tous les commentateurs. Car le caractère constant, répétitif, systématique, froid des meurtres commis à GAZA ne peut se concevoir sans une intention claire de les commettre.Par ailleurs pour faire simple, comme le 7 octobre semble être le SEUL élément entrant en ligne compte quand on évoque le problème, je me suis abstenu d'invoquer LE 6 OCTOBRE et les 57 années précédentes de persécution des palestiniens par Israël : ces 57 années de crimes de guerre (occupation, colonisation) ne sauraient excuser les actes terroristes qui ont entâché l'attaque armée du 7 octobre, mais qui pourrait s'étonner qu'ils soient – malheureusement – advenus ? Car il n'y a ici qu'une victime, la nation palestinienne. Et deux coupables, Israël et la communauté internationale.

Alors oui, bravo et merci aux étudiants de Sciences-Po ou d'ailleurs, indignons-nous

- de l'atteinte intolérable à la liberté d'expression de leur indignation

- de la violence avec laquelle elle est infligée à des jeunes par des adultes qui sont visiblement devenus très vieux sans jamais avoir été jeunes

- de la propagande insupportable qui vise ici comme partout où leur indignation se manifeste, à les dénigrer.

- du manque d'indignation du pouvoir ici comme chez BIDEN face aux crimes perpétrés par l'état d'Israël confinant à une complicité de fait avec ces exactions.

- en soutenant sans réserve toutes les solutions qu préconisent ces étudiants d'ici et d'ailleurs (Etats-Unis, Canada, Autriche, Espagne, Grande Bretagne, pour qu'enfin revienne la paix et soient rétablis les droits de la nation palestinienne.)

Il y a bien entendu bien d'autres raisons de s'indigner, mais j'ai déjà été très long...

Donc à bientôt, malheureusement, pour d'autres sujets d'indignation

Frédéric PIC


Pau

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