Chacun voit bien qu'il n'est plus possible de poursuivre. Une présidentielle où les techniques de marketing et de communication l'emportent sur le débat d'idées sous domination des puissances d'argent, qu'elles agissent directement ou par l'intermédiaire des médias. Des législatives sous la même emprise, la barre des 12,5% favorisant les gros budgets (auto entretenus pour le prochain coup par la dotation d'Etat), désespérant l'émergence de particularités minoritaires mais potentiellement fécondes et générant par là une inévitable abstention. Ajoutons-y une présidence sensée être la garante de la constitution et la piétinant allègrement en annihilant dans l'indifférence générale le rôle du gouvernement et du parlement. Et en proposant comme seul remède la diminution du nombre de députés. Il est sûr qu'avec 200 députés au lieu de 577, la Chambre serait plus facile à contrôler. Dans ce cas, pourquoi ne pas en revenir à 100, voire à 18, un par région ? Soyons sérieux !
Seules les élections locales gardent encore un parfum d'intérêt citoyen, même si l'empilement des strates favorise le cumul de petits potentats locaux et un carriérisme un rien échevelé. Mais le président actuel après avoir méprisé les représentants des collectivités locales n'a rien trouvé de mieux que d'en affaiblir leur pouvoir de décision en supprimant la taxe d'habitation. Alors que c'était un impôt logique, peut être à réformer dans son assiette, mais correspondant à une réalité locale de dépenses locales basées sur des politiques locales on ne peut plus lisibles. La supprimer ne sera en rien une économie – la belle blague ! – puisque les dépenses locales devront bien être financées. Simplement, l'orientation politique de ces dépenses aura été transférée vers le pouvoir central. (même raisonnement pour la taxe sur l'audiovisuel) Encore et toujours le pouvoir central, entre les mains d'un seul homme, derrière lequel se trouvent les puissances d'argent...
Les pistes à explorer ne manquent pas : nouvel équilibre avec un législatif à renforcer : alors qu'aujourd'hui c'est le gouvernement et donc le président qui dictent l'agenda, l'essentiel de l'initiative doit être rendu au parlement. Une dose de proportionnelle à instiller. Un budget social à maintenir : pourquoi battre sans cesse notre coulpe parce qu'il est avec celui du Danemark le plus élevé, au lieu de s'en féliciter , alors qu'il joue un rôle de régulateur essentiel des inégalités ? Et comme il est plus important que celui de l'Etat lui-même, il mériterait d'être mieux organisé, mieux contrôlé qu'il ne l'est actuellement depuis que sa tutelle est d'une part administrée (chère Sécu, j'ai lu que la NUPES voudrait en rendre le contrôle aux assurés!), d'autre part fiscalisée (CSG, avec au passage une augmentation de 25% sous l'égide de B.Lemaire qui n'a nous dit-il jamais augmenté aucun impôt!) À cet égard, n'y aurait-il pas là un rôle à offrir à un Sénat revisité, enrichi de représentants de la société civile ou tirés au sort ?
Aux députés la loi, au Sénat la charge d'organiser, proposer, gérer ce que la nation veut mettre de côté volontairement pour parer aux aléas de la vie. Resterait à mettre en place l'organisme qui décidera des orientations à moyen et long terme. Je sais bien que nous avons déjà en place un couteau suisse à l'oeuvre, en l'occurence un solide béarnais qui nous inonde depuis sa nomination comme Haut Commissaire au Plan d'une avalanche de propositions , mais cela risque de ne pas suffire. Le CESE joue déjà ce rôle sans le sans le faire tout en le faisant, mieux que le fumeux et inconsistant Conseil de la rénovation ne saurait le faire – encore un insupportable et superfétatoire effet d'annonce -. Il restera à officialiser ce rôle, à le renforcer par des nominations peut-être plus pragmatiques que politiques ou de promotion pour services rendu. La constituante pourra, devra en discuter.
Bref, il est urgent de mettre l'ouvrage sur le métier. Tout le monde est pour, aucun parti ne se hasarderait à le refuser sauf à se faire sanctionner par l'opinion publique. Je suggère donc à la NUPES, puisque cela figure dans son programme, de déposer sans délai une proposition de loi en ce sens : création d'une assemblée constituante en vue d'ériger une nouvelle constitution. Proposition constructive s'il en est, faisant taire toute critique à ce sujet. Et de le faire très vite, sans délai. D'une part parce qu'il y a urgence. D'autre part parce que le bateleur qui est à l'Élysée pourrait bien s'en saisir et le proposer à leur place : il a bien fauché son boulot d'il y a cinq ans à celui qui l'avait fait roitelet ; il a également osé manoeuvré en loucedé, conseillant les deux parties intéressées sans le leur dire lors de la vente du Monde ; il n'a pas hésité – véritable cheval de Troie au sein du gouvernement – à favoriser Uber contre l'avis de ses collègues, et en secret. (Il n'est pas interdit d'avoir de tels avis, mais alors on a l'honnêteté – le mot ne semble plus à la mode – de démissionner avec fracas ); il n'a pas hésité enfin à usurper le nom d'un autre parti politique -Ensemble ! - en toute connaissance de cause (interrogé sur le sujet, nul doute qu'il « assumerait » totalement avec son aplomb habituel, comme il a assumé Benalla, Mac Kinsey et – sans rire - son patrimoine à 550 000 euros)
Donc oui, proposer d'urgence une constituante. Parce que c'est nécessaire. Et vite, avant que le président ne le fasse en se parant d'une aura de rassembleur démocrate – qu'il n'est pas et ne saurait être – sans réel danger pour lui. Vu en effet que le temps qu'elle se réunisse et accouche, il ne sera plus concerné. Donc d'urgence à la NUPES, à vos stylos !
Frédéric PIC