Ces JO auront donc été une indépassable réussite avec la plus belle cérémonie d'ouverture, événement artistique que le monde entier nous a enviée, la plus belle cérémonie de fermeture, les plus beaux champions bien de chez nous, les plus belles médailles (ona-gagné, ona-gagné, mais qui des braillards saurait citer le nom d'un champion australien ou chinois de ces JO ?) etc etc...
Bon, je ne voudrais pas jouer aux rabat-joie, mais des commentaires dithyrambiques assénés à longueur de journées, je n'ai retenu qu'un élément, le seul : le nombre de médailles. Cocorico. L'essentiel est de participer - vous plaisantez ? - l'essentiel est de gagner, seuls les gagnants, les « champions » ont droit aux félicitations, à la célébrité, à la récompense financière, et aux breloques honorifiques.
J'entends bien, mais où est la grande fête de la jeunesse, la fête de la fraternité ? Moi aussi, je suis content quand le Stado tarbais gagne, désolé quand il perd (souvent, ce qui ne m'empêche pas de le soutenir depuis des décennies !) mais de grandes fêtes, je n'en ai vu aucune en province, dans aucun village, et les grandes manifestations de fraternité parisiennes m'ont paru quelque peu forcées quand elles n'étaient pas légèrement franchouillardes, agrémentées en cette période supposée de trêve des armes de notre hymne national appelant gaiement nos compatriotes à abreuver nos sillons d'un sang forcément impur.
Et puis, quid des perdants ? Dans ce monde et cette France qui vont mal, où l'on a autant de jeux que l'on veut mais pas toujours du pain, notre Grand Commémorateur Mamamouchi va-t-il nous faire encore une fois le discours amphigourique et mensonger du « tous unis », là où les perdants sont de plus en plus nombreux et de plus en plus exclus ?
Et puis, quelles valeurs célèbre-t-on, quels repères fondamentaux ? Dans le texte de son très beau tango « Cambalache » * Julio SOSA le disait déjà en 1943 :
« Hoy resulta que es lo mismo ser derecho que traidor
Ignorante, sabio o chorro, generoso estafador
Todo es igual, nada es mejor
Lo mismo un burro que un gran profesor »
« aujourd'hui le traitre vaut autant que le juste
l'ignorant estimé autant que que le savant,
l'escroc que l'altruiste
Tout se vaut, rien n'est mieux,
l'âne et le professeur, du pareil au même »
Il semble qu'il en aille de même aujourd'hui : nous sommes 5èmes au nombre de médailles (cocorico, mais combien au prorata de la population ou du PIB ?) mais nous avons gagné, nous sommes les meilleurs . Les LR sont cinquièmes, ils ont gagné, normal. Que notre Grand Mamamouchi Commémorateur ait pris son pied durant deux mois à faire savoir qu'il « travaillait nuit et jour » pour notre bien, le pays entier suspendu à sa parole, se comprend. Qu'il se soit régalé à transformer sa défaite en victoire en un argumentaire fallacieux ânonné par les médias pour rendre illégitime la victoire de la gauche est évident. Mais qui dit qu'il n'avait pas peur, tout simplement, que la moitié au moins des députés macronistes ne soient pas hostiles à ce qu'aurait pu proposer Lucie CASTETS ?
Que MACRON donc ait fait du MACRON, tant on sait qu'il lui est physiquement impossible de reconnaître la moindre défaite, quoi de plus normal et prévisible. Mais ce qui est surprenant, et pour tout dire inacceptable, c'est que les perdants, les ultra perdants osent aujourd’hui ne serait-ce qu'accepter ce poste de 1er ministre là où la seule honnêteté intellectuelle aurait dû les conduire à refuser poliment ce débauchage illégitime et totalement immérité : « Cambalache, le juste vaut autant que l'escroc ».
Sur fond de ce gloubi-boulga de médiocrité politicienne, j'ai eu plaisir à entendre une voix qui a du souffle et parle vrai mais qui risque de ne pas être écoutée malgré le nom qui la porte, tant la médiocratie qui nous gouverne est puissante, celle de Dominique de VILLEPIN - quel régal ! - il y a deux jours au grand entretien de la matinale de France Inter ** : écoutez-le, réécoutez-le, faites circuler !
Frédéric PIC
Pau
* Cambalache : approximativement, marché aux puces, marché de l'occasion, domaine du troc de bas étage, par extension fraude, tromperie sur la marchandise