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Billet de blog 16 novembre 2022

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Ben non, chers confrères, je ne paierai pas

Pour la Xième fois depuis plus de 40 ans que je me refuse à payer ma cotisation à l'ordre des médecins, je viens d'être condamné en Conseil d'État. 3000 euros d'amende. Tandis qu'en procédure civile, l'Ordre sachant qu'il va perdre fait le mort depuis 3 ans, avec la bénédiction du tribunal. Il faudra donc qu'ils viennent, comme d'habitude, me saisir. En toute confraternité, évidemment.

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Tribunal d'exception jugeant sur les bases jamais définies de la « moralité  indispensable à l'exercice de la médecine » et donc ontologiquement arbitraires, l'ordre se permet de juger à la fois des compétences des médecins sans en avoir plus que les autres (d'après moi plutôt moins), et bien entendu sans la moindre compétence juridique. Quant à juger de la moralité de ses congénères sans morale (il y en a !), je pense que le conseiller de l'ordre y est à peu près aussi compétent et efficace que le Vatican pour celle des prêtres.

Mais il y a mieux. Cet organisme a le double pouvoir régalien de lever l'impôt et de rendre la justice. Avec un code de 112 articles (dont l'essentiel est fait de lieux communs gnangnan ou réduisant les médecins à l'état d'incapables mineurs) et 4 peines, dont la peine de mort (professionnelle, mais enfin bon, la peine de mort), cet ordre-là juge sans possibilité d'appel en dernier recours en conseil d'état en cas de manquement à cette fameuse moralité. Le médecin ici est moins bien traité que le citoyen.

Mais il y a mieux : l'ordre juge des actes des médecins en toute impunité alors qu'un article du code de la santé publique, le L4123-1, indique pour le conseil départemental qui est le seul habilité à entamer des poursuites qu'il n'a rien à connaître des actes des membres de l'ordre . Mieux, ou pire, accrochez-vous, il s'autorise à juger de la moralité des médecins jusque dans leur vie privée. Moi qui pratique cette activité coupable qu'est le tango argentin, qu'il ne compte pas sur moi pour aller danser masqué ...

Mais il y a mieux : l'ordre n'a passé aucun contrat de délégation avec l'état pour la mission on ne peu plus vague qui lui est confiée. Sans contrôle ni tutelle. Et si vous cherchez à savoir quel est le statut de l'orde, vous voyez qu'il n'est ni un organisme public ou parapublic, ni une fondation, ni une association. Mais une entreprise, avec un numéro siret et siren.

Et l'on voudrait m'obliger à adhérer à une entreprise privée dont je démontre depuis 40 ans qu'elle viole des droits fondamentaux : procès équitable, liberté de conscience, d'expression, d'association (et de non association évidemment), droit à la vie privée, pas de peine sans loi, etc. qui compte en tout 1824 personnes (moins de 1 pour 1000 des médecins élus auterme d'un scrutin marqué par 75% d'abstentions) qui seraient censées nous dire ce qui est bon pour nous au plan de la politique de santé ? On plaisante.

Écoutons ce qu'en dit la Cour des Comptes au terme de son dernier bilan de 2019 : « la comptabilité de l'Ordre est insincère» jusqu'à parler « d'écritures délibérément faussées », le CNOM ayant «fait preuve d'un aveuglement coupable sur l'étendue des dysfonctionnements » Tout ça pour une action jugée quasi nulle sur la surveillance de la déontologie, des rémunérations hallucinantes pour des missions théoriquement bénévoles, des recrutements familiaux à des salaires d'échelon supérieur de la fonction publique, et une faiblesse insigne concernant et les dépassements d'honoraires et la pression financière des entreprises du médicament (aujourd'hui, aucune séance de « travail » ou de « voyage d'étude » ne peut se faire qu'avec l'imprimatur du Conseil de l'ordre dont on peut considérer ici qu'il en est donc co-organisateur et complice des manœuvres de prévarication que sont ces soirées d'étude (le médecin ne peut valablement mémoriser qu'après un repas de chef étoilé, à défaut aux Caraïbes) .

On ne pourrait me contraindre à cette adhésion que si l'ordre était nécessaire au service public de la santé. Si vous voulez savoir ce qu'est un fou-rire collectif, dites ça à un médecin. L'ordre s'est opposé à tout ce que notre société a choisi sur ce plan : conventionnement, médecine de groupe et salariée, sectorisation psychiâtrique, PMI, contraception, avortement. Il a torpillé deux missions que l'état lui avait malencontreusement confiées, celle des urgences, où sa position a soulevé un tel tollé que tout le conseil national a dû démissionner, et dont les ARS en sont aujourd'hui chargées. Et la formation continue, jamais mise en route et aujourd'hui confiée à un organisme indépendant où aucun membre de l'ordre ne figure ès qualité. Du reste l'ordre dit bien sur son site officiel quel est son rôle : « au service du médecin », ...même s'il ajoute « pour le bien des patients »

Y a-t-il pire ? Mais oui : le conseil de l'ordre, garant jaloux du secret médical le fait violer à chacune des instances qu'il initie : alors qu'il n'est ici un tiers ne faisant pas partie de l'équipe soignante du patient dont s'occupe le médecin incriminé, il n'a strictement aucun droit à recevoir de celui-ci des informations sur ce patient, même si ce dernier le lui demande : la règle absolue est : « motus ». Les seules exceptions au secret permettent de les livrer aux autorités dans quelques cas particuliers (procureur, préfet), ou aux médecins du travail ou des caisses d'assurance maladie. EN AUCUN CAS aux médecins de l'ordre, qui en plus tombent sous le coup du délit d'incitation au viol du secret. Magnifique, non ?

Alors je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi mes confrères financent cet organisme d'un autre siècle (s'ils avaient mis les sommes perçues en caisse de retraite, celles-ci auraient 4 milliards de réserves en plus) Ni mes confrères hospitaliers qui depuis un décret de février 1984 n'ont plus à être inscrits à l'ordre et le financent (il faut dire que l'ordre se garde bien de le leur dire, les relance et et ils paient par habitude ou résignation)

Et je ne comprends pas non plus pourquoi la justice me donne systématiquement tort et ne nous débarrasse pas de cette verrue que j'estime anachronique et nuisible : La création (très modeste) du Comité National Consultatif d'Ethique est un premier pas sur la prise en main par les usagers des problèmes sociétaux soulevés par la médecine : dès sa création, le Conseil de l'ordre est disqualifié pour en parler. Il est en coma dépassé . Soyons généreux, abrégeons ses souffrances. 

Faut-il parler de l' attitude de l'ordre durant la crise covid ? Oui, il faut en parler : le droit de prescription du médecin traitant a été supprimé, silence de l'ordre. Les vaccinodromes ont remplacé sans nécessité le colloque singulier avec le médecin et le consentement éclairé, non seulement silence de l'ordre, mais j'allais dire silence de mort : menace de radiation à tous ceux qui émettraient ne serait-ce qu'un soupçon sur la validité de ces procédures. Vaccination de pans entiers de la population non concernée par la maladie avec des produits encore expérimentaux, adieu le sacro-saint « primum non nocere », silence sépulcral. Nos aînés ont été honteusement abandonnés sans soins ni visite, silence valant approbation de l'ordre. Quant à la vaccination des femmes enceintes, pour lesquelles je rappelle que l'application d'une simple pommade anti-inflammatoire peut être contre-indiquée, je pense que la justice, un jour, aura à s'en préoccuper.

Mais pour ce qui me concerne, je ne paierai effectivement pas. Je suis prêt à organiser un débat avec n'importe quel membre de l'ordre, mais, même si je peux me tromper, je suis persuadé qu'aucun ne l'acceptera. Et qu'aucun ne sera là non plus le jour où l'huissier, comme d'habitude, viendra saisir ma voiture que je serai contraint d'aller racheter aux enchères. En attendant peut-être, allez savoir, qu'au terme de  mon recours adressé à la Cour Européenne celle-ci saura faire la part des choses entre ce que prétend être l'ordre, et ce qu'il est, en fait.


Docteur Frédéric PIC

Pau

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