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Billet de blog 19 février 2024

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Palestine : de l'irrésolution présidentielle au mensonge grandiloquent

E.MACRON ne s'est jamais intéressé au Moyen-Orient et encore moins à un éventuel état de Palestine. Il feint aujourd'hui d'en découvrir l'urgente nécessité. La décision le grandirait mais tout dans son comportement incite à penser qu'il ne s'agit pour lui que de mots vides de sens, sauf à s'aligner sur une décision étasunienne.

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le Moyen-Orient n'intéresse pas E. MACRON. Le monde non plus, excepté sa plaidoirie pour une Europe « ambitieuse et qui protège » et une « nouvelle politique africaine ». Pas un mot dans son projet 2017, ni dans son programme riquiqui de 2022. Lui qui s'est réveillé et affirmé au lendemain du 7 octobre partisan convaincu d'une solution à deux états n'en avait pas dit un seul mot à ma connaissance depuis 10 ans qu'il occupe une place prééminente au sommet de l'État. Opportunisme donc, d'autant que le 22.12.2017 il répondait au président ABBAS venu le supplier de faire un geste en ce sens que cette reconnaissance « n'aurait aucune utilité » – les palestiniens peuvent en juger – et qu'en tout état de cause il ne prendrait aucune décision en ce sens « sous quelque pression que ce soit »

Et que dit-il aujourd'hui ? (pas sous la pression des événements évidemment) Qu'une reconnaissance unilatérale sans l'accord d'Israël n'était pas un tabou pour la France. Fort bien. Rappelons qu'un tabou est un interdit allant jusqu'à prononcer le mot de cet interdit. E.MACRON jusqu'à hier considérait donc qu'il était interdit de simplement penser à la création d'un état palestinien. Alors que c'est bien entendu un droit inaliénable pour les palestiniens, et pour tous les états une obligation absolue imposée par le droit international. E.MACRON devrait se réveiller car 139 états ont déjà fait ce geste. Seules l'Amérique du nord, l'Australie, la Nouvelle Zélande et l'Europe de l'Ouest (à l'exception de la Suède et de l'Islande) font semblant d'ignorer le problème.

Mais que c'est-il passé entre Noël 2017 et aujourd'hui ? Comme tous les bien pensants et les médias qui les font bien penser, E.MACRON a intronisé le 7 octobre comme le premier jour (auparavant régnaient la paix et la concorde) d'une guerre d'agression unilatérale du Hamas contre Israël. Les superlatifs d'ignominie ont manqué à E.MACRON qui l'a taxée d'invasion sanguinaire d'une barbarie absolue, pour une action certes entâchée de crimes de guerre, mais essentiellement militaire et marquée par une défaite israélienne. On déplorait alors la mort de 13 ressortissants français. On parlait de 1400 victimes, chiffre ramené plus tard à 1140 selon les informations officielles israéliennes, qui n'ont du reste autorisé aucune enquête internationale. Et qui n'ont pas fait état de plusieurs centaines de soldats israéliens morts durant les combats, ni des israéliens tués selon certaines sources par les tirs de leur propre armée.

Le 12 octobre E.MACRON jugeait alors inévitable et nécessaire une riposte « juste et forte, forte parce que juste ».  J'ose espérer que ses vœux ont été exaucés ? Parce qu'en quelques jours, tout avait été dit : officiellement on chassait le Hamas, en réalité on massacrait du gazaoui et on rasait. Gaza-ville d'abord, puis après avoir exhorté les civils à se déplacer plus au sud, on les y a de la même façon systématiquement massacré et déplacé, tout en continuant à détruire. Et les jours se sont ajoutés aux jours, les morts aux morts, la boucherie à la boucherie.

E.MACRON après l'avoir évoqué dès le 11 novembre a donc modifié - si peu - son discours et fait voter le 8 décembre à l'ONU en faveur d'une trêve humanitaire, tout en continuant officiellement à condamner le Hamas, sans un mot de critique envers Israël. Il s'était entretemps agité devant les caméras dans tous les pays de la zone où sa voix -forcément inaudible puisque partiale – avait démontré s'il en était besoin qu'il avait détruit tout crédit de la France dans le région.

Le désastre est aujourd'hui consommé : combien de « 7 octobre » ont commis les israéliens à Gaza depuis le 7 octobre ? Et si le 7 octobre était « le pogrom le plus important subi par des juifs de puis la shoah », comment faut il qualifier les 100 jours où nos dirigeants ont lâchement laissé faire - jour après jour, répétons-le – l'inexcusable, tandis qu'ils criminalisaient les manifestations de paix et/ou pro palestiniennes ?

Mais comment est-on passé de 13 victimes à 42 ? une agence AFP reprenant un article du « Times of Israël » nous indique qu'il y a parmi eux 21 soldats, 9 tués lors des combats du 7 octobre, mais 12 supplémentaires tués plus tard, lors de l'invasion de Gaza. La moitié des victimes donc ... (https://fr.timesofisrael.com/qui-sont-les-victimes-francaises-de-lattaque-du-hamas-le-7-octobre/). On mesure alors le trouble, pour ne pas dire l'indignation qu'a pu soulever cher certains « l'hommage aux victimes françaises du Hamas », même si tous et leurs familles méritaient recueillement et condoléances :

- d'abord par la présence aux côtés du président de son épouse, qui n'avait ès qualité strictement rien à faire parmi les officiels de la cérémonie et qu'E.MACRON a imposé en dehors de toute légitimité, voire de légalité.

- par le côté volontairement théâtral de la présentation des victimes, qualifiés de « suppliciés du 7 octobre » avec leurs seules photos : affichera-ton les photos des 10 ou 12000 enfants massacrés à Gaza en cent jours ?

- par la qualification insupportable du 7 octobre de « plus grand massacre antisémite du siècle » comme si toutes les victimes étaient juives et/ou tuées pour cela (Israël compte 26% de non juifs : musulmans, chrétiens, druzes, etc...), amalgame visant encore une fois à considérer comme antisémite tout critique de l'état d'Israël, faussement qualifié d'« état juif », dénomination malheureuse reprise encore il y a peu par Stéphane SÉJOURNÉ...

- par la présence enfin parmi les 42 victimes administrativement françaises  de 21 soldats  de l'armée d'occupation dont une partie ont participé aux opérations de Gaza et avaient possiblement du sang sur les mains : E.MACRON avait-il le droit en mélangeant les victimes sans le dire de rendre au nom du peuple français un hommage officiel à une armée convaincue de crimes de guerre et soupçonnée de génocide ?

Voilà donc qu'aujourd'hui E.MACRON se fâche et menace de reconnaître unilatéralement l'état de Palestine. Chiche ? À ce jour, comme d'habitude, même s'il a une belle voix de comédien, ce ne seront que rodomontades du communicant qui nous sert de président et qui ne peut que suivre, comme d'habitude, les mouvements d'opinion. En l'occurrence, l'écoeurement suscité par les 100 jours de Gaza. Mais il continue à parler de « désastre humanitaire » comme s'il s'agissait d'une catastrophe naturelle, et non d'un massacre organisé. Sans jamais dire un mot, évidemment, de ce qui change tout et met à mal tout son discours : des 75 ans de guerre ni des 56 ans de colonisation sous occupation ou des années de blocus illégal de Gaza : pourquoi parler des sujets qui fâchent ?

Soutien inconditionnel, mensonges par omission sur la véritable nature du conflit, agitation stérile, discours et cérémonies où la pompe empêchait tout recueillement sincère, aveuglement sur des semaines, lâcheté d'une non-intervention coupable, puis revirement, E.MACRON peut aujourd'hui arrêter de bavarder et passer aux actes : reconnaître l'état de Palestine, convoquer l'ambassadeur d'Israël pour lui dire son fait, couper toute aide et toute coopération économique, militaire ou culturelle avec Israël, amener par voie de mer toute l'aide humanitaire dont ont besoin les gazaouis au besoin en forçant le blocus maritime par la force. Et contrairement à ce qu'il croit, là, du coup, mais uniquement à ce prix il sera utile et efficace.

Et cessera de nous entrainer dans des aventures que tous les français n'approuvent pas. Car non, je ne partage pas les « valeurs » qu'affirment défendre aujourd'hui l'état d'Israël, B. NETANYAHOU et son armée.

Frédéric PIC


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