Sur l'historique
L'écoute attentive et complète de la conférence de presse du 12 juillet annonçant sa constitution (après les législatives) nous laisse dans d'autant plus dans l'expectative que le dépôt d'association moi 1901 date du 24 mai 2024, avec parution au JO le 28 mai (dès avant les européennes).
Ses fondateurs l'inscrivent dans le prolongement de la NUPES qui n'était qu'une coalition de partis dont ils déplorent l'effritement lors des sénatoriales de 2023 (la LFI étant mise à l'écart des 3 autres composantes sur fond de désaccord portant surtout sur la qualification du 7 octobre)
Dans cette optique, ils se félicitent de la création du Nouveau Front Populaire (NFP) dans la lignée duquel ils se placent sans la moindre ambiguïté, souhaitant travailler à sa cohésion et son élargissement. En rappelant en leitmotiv à la fois leur engagement vers une république écologique et sociale radicalement à gauche en même temps que leur combat consubstantiel contre l'extrême droite.
Par rapport au NFP
1/ Sur le site du NFP *, nous lisons comment celui-ci se définit :
« Nous sommes humanistes, fièr·es de toutes nos origines, travailleurs, employeurs, syndicalistes, paysans, écolos, retraités, féministes, soignant·es, ouvrier·ère·s, associatifs, enseignant·e·s, artistes, pacifistes... ».
De fait, comme un très large mouvement citoyen réfutant les fondements à la fois du macronisme et de l'extrême droite. Mais aussi avec un but électoral partidaire clair avec le logo des 4 principales forces qui le composent : « Vous nous l’avez demandé, nous l’avons fait : le nouveau Front populaire est né pour gouverner et tout changer. »
Sauf que le « vous nous l'avez demandé » est quelque peu exagéré : le NFP s'est auto créé (et ce fut une divine surprise) sans qu'aucun mouvement citoyen soit à son origine, même s'il a par la suite été plébiscité par le peuple de gauche. Et quant aux investitures, elles ont été décidées lors de tractations entre les 4 partis principaux, et non par les citoyens.
2/ Sur le site de L'APRÈS ** nous lisons l'évocation des mêmes forces sous- jacentes en même temps que leur but politique électoral visant à les amener à gouverner :
« ...Les syndicats, le monde associatif, des activistes pour le climat, des féministes, des militant.es antiracistes, des intellectuel.les, le mouvement citoyen... se sont mis en mouvement, participant pleinement du barrage contre l'extrême droite. Le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête des élections. »
Donc ici encore volonté de se présenter sous un double jour de mouvement citoyen et de parti s'engageant dans les élections, comme le dit très clairement la déclaration statutaire figurant dans la déclaration de constitution d'association du 24 mai ***: « ...Soutenir et promouvoir toute action politique, intellectuelle ou culturelle visant au rassemblement des forces associatives, syndicales, politiques et citoyennes de la gauche pour élaborer un programme...dans la continuité de celui de la NUPES et désigner des candidatures communes lors des prochaines échéances électorales, notamment pour les élections présidentielles et législatives prévues en 2027 »
Au total, les seules différences tiennent à la stratégie : les « rebelles » fondateurs reprochent à LFI d'avoir un fonctionnement peu démocratique dont ils ont fait les frais, et au NFP (tout en s'en réclamant s'en réserve) de n'être une union que tactique plus que stratégique, de façade momentanée et opportuniste plus que de volonté assumée.
Parti politique ou mouvement citoyen ?
Dès la création de l'association, les fondateurs de l'APRÈS ont approché le PCF et EELV en leur proposant de créer avec eux une organisation commune (supposément dans une optique de bon aloi d'unification plus globale à plus long terme?). Fin de non recevoir. Il ressort des explications qui nous ont été données le 20 septembre lors d'une réunion du collectif local que L'APRÈS voulait poursuivre dans cette démarche unitaire en sollicitant les autres partis constitutifs du NFP et représentant l'arc écologique et de gauche (21 partis ****) pour tenter de mieux peser lors des choix à venir pour les prochaines échéances électorales, dont de possibles législatives à nouveau anticipées dès 2025.
Cette démarche est tout à fait légitime. Elle se positionne dans une volonté de participation aux élections, dans un cadre strictement partidaire (la réunion en question se positionnait dans le cadre d'une circonscription). Elle est non seulement légitime, mais il est urgent que toutes les forces de gauche s'en préoccupent et préparent dès aujourd'hui cette échéance. Mais si l'évocation d'un mouvement citoyen à la base de cette démarche est intéressante, elle ne correspond pas à la réalité. Les représentants locaux l'ont du reste reconnu, en déplorant le fait que si la démarche de l'APRÈS est bien d'appeler de leur vœux ce mouvement citoyen, celui-ci vue l'urgence électorale à venir doit bien être convoqué et venir en soutien, mais sans avoir vraiment la main décisionnelle.
Car en fait, quel serait le rôle d'un vrai mouvement citoyen de pleins droits ? Celui d'être écouté et pris en compte : celui des cahiers de doléances de 1789 qui donnaient un mandat impératif aux députés ; celui du Grand Débat, qu'E.MACRON n'a initié que par malice pour l'annihiler et l'enterrer ; celui du Vrai Débat des Gilets Jaunes, qui lui a débouché sur un panel de propositions bien validées, évidemment négligées ; celui des conventions citoyennes pour le climat ou la fin de vie ; celui des référendum d'initiative citoyenne à venir. Mais surement pas l'inverse, à savoir valider le programme d'un ou plusieurs partis, si pertinents soient-ils.
Pour conclure
L'APRÈS fait un bon diagnostic : le NFP est un bon, un très bon début. Mais il a davantage fonctionné comme arme CONTRE le RN que comme outil POUR l'espoir que portait son programme de rupture. Avec des non-dits et des sous-entendus, comme ceux de la droite du PS signant TOUT son programme mais regrettant la réticence à voir nommer B.CAZENEUVE...qui n'a jamais adoubé la moindre ligne du programme du NFP. Qu'ils veuillent l'améliorer ne saurait être critiqué !
Mais enfin, les « rebelles » semblent découvrir les jeux des partis, dont le premier but est quand même d'exister, et de durer lorsqu'ils existent. De se concurrencer donc, même s'ils sont alliés pour telle ou telle opportunité. Et eux font de même, en cherchant à fédérer au sein du NFP autour d'eux pour un groupe plus écouté, plus puissant. Et ils peuvent bien déclamer un discours appelant à l'union de toutes les forces vives de la gauche écologiste, ils savent bien que syndicats et associations, par exemple, auront beaucoup de mal à être intégrées comme parties prenantes d'un processus électoral. Ce n'est ni leur vocation ni leur intérêt ni celui de leurs adhérents.
Mais que tous se retrouvent dans des collectifs citoyens extérieurs aux partis et leur demandent de porter leurs revendications, en voilà une idée qu'elle est bonne ! J'en ai cité quelques exemples plus haut. Sauf que ce n'est pas encore dans notre culture politique. Ils veulent y participer ? Ils sont les bienvenus, d'autres le font déjà, comme les innombrables associations et personnalités qui soutiennent le NFP. Travaillons-y, cela prendra du temps. Mais la démarche de l'APRÈS du moins telle que je la perçois est aujourd'hui celle d'un parti engagé dans la bataille électorale, à l'intérieur du NFP. C'est ce qui est dit dans les statuts ! Elle est légitime, on peut lui souhaiter tout le succès que l'on veut, comme à toute la gauche écologiste. Mais ce n'est pas ce grand mouvement citoyen, souhaitable, qui donnerait ses orientations au parti unifié de la gauche écologiste.
Frédéric PIC
Pau
* https://www.nouveaufrontpopulaire.fr
** https://www.l-apres.fr
* * * https://www.journal-officiel.gouv.fr/pages/associations-detail-annonce/? q.id=id:202400221413
**** https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouveau_Front_populaire