Frédérick Stambach (avatar)

Frédérick Stambach

Médecin généraliste

Abonné·e de Mediapart

85 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 avril 2010

Frédérick Stambach (avatar)

Frédérick Stambach

Médecin généraliste

Abonné·e de Mediapart

Le printemps 40 n'aura pas lieu

Le magazine L'histoire publie ce mois-ci un numéro spécial passionnant sur la défaite française de mai-juin 1940. Etayé par les dernières publications, étrangères notamment, le mensuel remet les pendules à l'heure, et ausculte la débacle en évacuant le côté moral qui colle trop souvent à l'évènement, pour se concentrer sur le champs de bataille. Force est de constater que la version historique diffère légèrement de celle enseignée au lycée...

Frédérick Stambach (avatar)

Frédérick Stambach

Médecin généraliste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le magazine L'histoire publie ce mois-ci un numéro spécial passionnant sur la défaite française de mai-juin 1940. Etayé par les dernières publications, étrangères notamment, le mensuel remet les pendules à l'heure, et ausculte la débacle en évacuant le côté moral qui colle trop souvent à l'évènement, pour se concentrer sur le champs de bataille. Force est de constater que la version historique diffère légèrement de celle enseignée au lycée...

*

Je vais essayer de résumer rapidement sa 1ère partie qui correspond à une analyse principalement militaire de l'histoire, s'appuyant sur des ouvrages publiés durant les années 2000 .

Finalement les forces en présence étaient très équilibrées, que cela soit en nombre d'hommes, ou en termes d'équipement (seule l'aviation était nettement inférieure) les 2 armées au moment de la bataille pouvaient l'emporter. Quand on analyse la situation comme on aurait dû le faire depuis longtemps, c'est à dire comme une bataille militaire (et non pas une punition venant sanctionner la décadence), les erreurs du commandement

français suffisent à expliquer la défaite, notamment en pensant que le gros de l'attaque allemande se porterait sur la Belgique, les meilleures troupes françaises ont été leurrées pendant que les panzers transperçaient la ligne à Sedan. Le mythe de la puissance allemande est également battu en brèche, que cela soit sur le plan économique ou militaire, on apprend par exemple que le blitzkrieg s'apparente plus au coup de poker qu'à la tactique infaillible qu'on a tentée de voir en lui.

Ce qui est très surprenant en lisant ce dossier, c'est que l'on voit bien que l'on a affaire à une armée française moderne, équivalente à celle de l'Allemagne qui était hippomobile à 90%, et qui n'a pas démérité durant les 6 semaines de combat. La bataille est replacée dans son contexte large : la luftwaffe ayant perdue 1/3 de ses avions en mai-juin 40, ceux-ci lui feront cruellement défaut et l'empêcheront de gagner la bataille d'Angleterre quelques mois plus tard. Je ne dis pas cela pour redorer le blason de l'armée ou notre fierté nationale mais pour poser cette question : pourquoi n'est ce pas la version enseignée au lycée?

Etant né au début des années 80, je me rappelle très bien du tableau de la situation dressé durant les cours d'histoire : une armée allemande moderne face à une armée française qui aurait arrêté son évolution en 1918. On aurait presque eu l'impression que les français combattaient à cheval avec leurs épées contre les chars! l'on avait aucun mal à imaginer les soldats cherchant à s'enfuir devant l'ennemi.

Il faut rajouter à cela, une société française des années 30 molle, engluée dans le pacifisme voire carrément dans la trahison et la lâcheté, face à une allemagne moderne, technologique et conquérante contre laquelle les pauvres français ne pouvaient rien. La plupart des gens de ma génération ont le même genre d'idées reçues dans la tête, comme j'imagine les générations d'avant et celles d'après. Pourquoi vouloir absolument mettre une connotation morale dans ce qui n'est, finalement, qu'une des nombreuses batailles perdues dans la longue histoire de France?

Dans un dernier article éblouissant du dossier, signé Robert.O.Paxton, grand spécialiste américain de la seconde guerre mondiale, on constate que la version selon laquelle la défaite était inéluctable et qu'elle viendrait sanctionner une IIIème république décadente, correspond en fait à l'analyse qu'en fait Pétain à chaud lors de ses appels des 20 et 25 juin 1940. Or c'est cette version, qui était en fait une déclaration éminament politique destinée à prendre le pouvoir, qui a perduré dans les mémoires à tel point qu'elle est encore enseignée, en France mais aussi à l'étranger, au XXIème siècle!

En prenant en compte l'ampleur du traumatisme et le contexte de guerre froide, durant lequel il fallait à tout prix pointer le rôle du front populaire dans la défaite et la débâcle morale pour en faire un épouvantail, on peut expliquer le développement de cette thèse mais comment justifier que la version vichyste soit encore considérée comme la version officielle et donc comme celle à enseigner ?

Cette dernière doit sans doute trouver ses racines dans les tréfonds de l'inconscient collectif, où régnent la culpabilité et l'anéantissement de la fierté nationale de n'avoir pas pu, ou plutôt su arrêter le raz de marée nazi quand il en était encore temps.

*

Certains auteurs pensent que la France ne s'est jamais relevée moralement de cette défaite.Quand on apprend de quelles eaux troubles proviennent ce que l'on pensait être une analyse historique de la catastrophe militaire, on peut supposer que l'enseignement qui en a été fait n'a pas dû contribuer beaucoup à surmonter le traumatisme.

Il est grand temps de chasser la version du vieux maréchal de la mémoire collective, et de la remplacer par la version historique des faits. En quelques pages claires et concises ce dossier y contribue pleinement.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.