Incroyable. Incroyable comment cette affaire ressemble à un condensé de tous les maux de notre république : le grand capital arrosant le gouvernement, ce dernier méprisant la démocratie en servant les intérêts de ses bienfaiteurs, des ministre-clones au garde-à-vous, un parquet à la botte des ministres et une presse ahurissante de servilité en publiant des extraits de procès verbaux soigneusement sélectionnés par le pouvoir. Tout y est. Seule manque à l'appel l'introspection, qui est manifestement plus facile lorsque ce genre d'affaire se déroule en Russie ou en Afrique.
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La défense mis en place par le gouvernement ne laisse pas de me surprendre, puisque ce dernier réagit exactement comme on pouvait le prévoir si les faits révélés par mediapart étaient effectivement vrais : calomnie, références aux années 30, attaques personnelles envers E.plenel, déclarations grandiloquentes de pureté, et surtout aucune preuve cinglante venant contredire les accusations. Bref cela ressemble comme 2 gouttes d'eau aux arguments de ceux qui n'en n'ont pas, il ne manquerait plus que la violence physique et la recette serait complète. Bien que ce gouvernement n'ait pas brillé par sa subtilité depuis 3ans, je pensais que dans une affaire aussi déstabilisante pour la sarkozie il ferait preuve de plus d'imagination, qu'il nous surprendrait. C'est peine perdue, ils sont d'une nullité crasse dans tous les domaines, et ils le resteront jusqu'au bout.
La suspicion du peuple à l'égard de ses "élites" en général, et de ce gouvernement en particulier aurait dû amener N.Sarkozy à adopter une autre tactique. Les éléments de langage que sont venus répéter en boucle sur tous les plateaux les différents ministres, phénomène que le site arrêt sur images a parfaitement mis en évidence, viennent plus renforcer la suspicion qu'autre chose. Si toutes les accusations sont fausses pourquoi faire apprendre les mêmes arguments à tous les ministres? puisque le gouvernement n'a rien à se reprocher il suffirait de les laisser venir défendre Woerth dans les médias avec leurs propres arguments, cela paraîtrait beaucoup plus authentique et donc plus crédible. Au lieu de cela on assiste à un défilé de robots qui disent exactement la même chose dans les mêmes termes, c'est extrêmement louche en plus d'être ridicule.
De plus, tous les citoyens connaissent la connivence qui existe entre le grand capital et le plus haut sommet de l'état. Il suffit d'observer les voyages présidentiels à l'étranger dans lesquels suivent toujours un chapelet de capitaines d'industrie venus pour signer des contrats dans le plus grand intérêt de la France bien entendu. En retour ces derniers ont toujours financé les diverses campagnes présidentielles, de manière plus ou moins légale c'est une autre affaire, mais ce n'est un secret pour personne. Cela fait partie de l'accord tacite de notre démocratie tant que certaines limites ne sont pas dépassées, ou plus vraisemblablement tant que les institutions permettent d'ignorer la volonté populaire. Dès lors, entendre le gouvernement pousser des cris de vierges effarouchées à l'idée que l'on puisse l'accuser d'avoir des accointances avec la 3ème fortune de France est tout simplement pathétique, et presque insultant pour les citoyens de ce pays.
Cependant on comprend la difficulté du gouvernement à trouver une ligne de défense valable car si les accusations sont vraies, et je ne doute pas qu'elles le soient, la situation parait quand même très mal embarquée. Les diversions ne marchent pas, et pire encore rendent le gouvernement de plus en plus coupable aux yeux de l'opinion, peut-être tenteront-ils avec leur subtilité habituelle une énième diversion en attaquant la coupe de cheveux d'E.Plenel ou encore l'antisémitisme larvé de F.Lhomme et F.Arfi, mais je crains qu'il ne faille se rendre à l'évidence E.Woerth ne peut être sauvé. C'est la seule porte de sortie que je vois qui permettrait peut-être au système Sarkozy de ne pas s'effondrer, et son chef avec : il faudrait qu'Eric Woerth admette sa culpabilité en assurant que Sarkozy n'était au courant de rien, ce qui paraîtrait peu crédible mais en rajoutant un remaniement ministériel dans la foulée, peut-être que cela serait suffisant pour faire retomber la pression avant septembre.
L'autre solution serait que N.Sarkozy admette qu'il a perdu le peuple et propose une dissolution de l'assemblée nationale. Cette alternative farfelue pour un gouvernement avide de pouvoir serait pourtant la plus judicieuse. Il y a fort à parier que le PS en sortirait vainqueur, et il ne me semble pas que ce dernier nous ait éblouis par la grandiloquence de ses propositions. Quand bien même il nous surprendrait, le délai serait certainement trop court pour que les effets s'en fassent sentir sur notre économie d'ici 2012 vu l'état dans lequel notre gouvernement l'a mise, ce qui permettrait à Sarkozy d'espérer une réélection aux forceps. Entre Villepin, l'affaire Karachi, maintenant l'affaire Bettencourt, la réélection semble de plus en plus difficile à apercevoir à moins d'un coup de génie.
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Pour ceux, qui comme moi n'avait pas bien saisi le risque de la suppression du juge d'instruction, cette affaire est un éclairage frappant. L'attitude du parquet se faisant dicter sa conduite auprès de la chancellerie au mépris de la justice, bloquant toute possibilité de lancer une enquête judiciaire, et distillant ensuite aux médias les extraits de procès verbaux qui arrangent le pouvoir nous permet de prendre conscience de la valeur d'un juge d'instruction indépendant dans notre système judiciaire. Et l'importance de le garder.
Voir pour cela l'excellente interview de l'avocat de l'ex-comptable par JJ Bourdin : http://www.dailymotion.com/video/xdz0h2_invite-maitre-antoine-gillot_news
En revanche ce qui est surprenant c'est l'attitude des médias, puisque comme je l'ai mentionné plus haut rien n'est vraiment étourdissant dans cette affaire qui n'est finalement qu'une petite lucarne mettant à jour les arcanes de notre démocratie (le capital copinant avec les politiques, justice et médias aux ordres, cynisme et hypocrisie), la seule surprise c'est que les médias dominants, grâce à l'impulsion de Mediapart, se sont engouffrés dans la brèche pour lui donner une lumière éblouissante. Ce genre d'information étant d'habitude plutôt réservé aux "niches" médiatiques comme le monde diplomatique ou... les sites d'informations en ligne.
Dès lors on peut se demander pourquoi cette affaire, plutôt qu'une autre, celle de Karachi par exemple, ou encore le scandale opinionway pourtant dument avéré par la cour des comptes?
Ou la construction européenne littéralement parrainée par les grandes multinationales pour leur plus grand profit, au détriment des peuples. Ce fait qui est pourtant facilement vérifiable dans l'histoire, les textes et l'actualité, ne semble pas être jugé digne d'intérêt de la part des grands médias alors que la même mécanique de connivence entre les représentants des peuples et ceux du grand capital est à l'œuvre.
Le système Sarkozy est tellement grossier qu'il est devenu presque naturel, voire tendance, pour tous les médias de s'essuyer les pieds dessus (à juste titre), sauf pour TF1 et Le Figaro manifestement. Mais certaines questions ne sont pas posées, les médias notamment laissent toujours penser que la faute revient aux hommes politiques corrompus, jamais à la passivité de la presse, ou encore à notre système institutionnel permettant un néolibéralisme débridé, sélectionnant en permanence des hommes ou femmes politiques au même profil psychologique sans véritable contrôle démocratique.
Pourtant il serait bon de s'interroger sur les raisons institutionnelles qui nous amènent à nous retrouver dans une telle situation qui semble malheureusement trop courante dans les hautes fonctions, et de rechercher les remèdes à y apporter.