Le désespoir serait en train de ronger nos consciences, petit à petit, comme une maladie incurable. C'est en tout cas le diagnostic qui s'étale sur des pages et des pages, dans nos médias de «référence». Pourtant à l'image de tous ceux qui s'impliquent dans la vie citoyenne, il suffit de se porter au contact des gens pour se rendre compte que la situation est loin d'être désepérée. Bien au contraire, avoir réussi à créer une liste Front de gauche/NPA/Alternatifs dans le Limousin semble avoir "suffi" à faire jaillir l'espoir endormi depuis de longues années, chez tous ceux qui ne se reconnaissent plus dans la société dans laquelle ils vivent. C'est en tout cas ce qui ressort de toutes les rencontres entre les militants de la liste "Limousin Terre de Gauche" et leurs concitoyens.
7h du matin, je rejoins ceux qui, comme moi, sont venus dans le froid pour distribuer des tracts de la liste aux carrefours stratégiques des entrées de Limoges. Ce matin nous avons décidé de cadriller la ville. Il y a tout le monde, des camarades du NPA, du PCF, du PG, des alternatifs et des non encartés qui soutiennent fermement l'initiative. L'énergie militante déployée durant toute la campagne est extraordinaire. Voilà plus d'un mois que nous parcourons la région, avec notre programme, pour faire connaître nos idées, notre enthousiasme, pour débattre et surtout partager. Toutes les formations ont appris à se connaître, pour se rendre compte que les compatibilités sont énormes, chose qui n'étonnera pas tous ceux qui le crient sur tous les tons depuis des années. Mais cette évidence semblait avoir échappée aux principaux concernés. Du moins jusqu'à présent. L'espèce humaine a cela de bien, faites travailler des individus pour un objectif commun et juste, et des liens se créent. Ces derniers rendent plus difficile les querelles partisanes, d'autant que l'incompréhension avait été grande. Celle-ci se dissipe dans le Limousin.
C'est avec un pincement au coeur que je me dirige vers mon feu tricolore pour une heure et demie, en pensant aux autres régions où ces forces se font face, sous différentes configurations, au lieu de marcher de concert. Dès que le feu passe au rouge, je distribue au maximum d'automobilistes le tract qui présente notre liste. Certains me font non de la tête ou avec la main rapidement, presque gênés, mais ils restent minoritaires. La majorité des automobilistes baisse leur vitre et me glisse un mot d'encouragement en prennant le tract. Des fois c'est juste un sourire, ou un clin d'oeil. Parfois c'est un militant averti qui me demande de transmettre ses amitiés à un camarade qui s'active sur le feu d'en face. Ou bien le gel sur les vitres laisse place à des visages ravis, "C'est pour le front de gauche? - oui - C'est bon je l'ai déjà, je vote pour vous de toute façon!"
Certains sont plus méfiants :
- Bonjour, c'est pour les élections.

- Oui. C'est quelle liste?
- Limousin Terre de Gauche.
- ... (pas de réaction)
- La liste Front de gauche/NPA.
- Ok, je prends.
Nul doute que nous sommes des ringards pour passer autant de temps à aller à la rencontre de nos concitoyens. Heureusement depuis une ou deux semaines nous prennons une leçon de campagne moderne de la part de tous les autres partis. La tactique est simple, et beaucoup moins chronophage : faire seulement quelques réunions publiques, puis matraquer les 2 dernières semaines des tracts dans quelques points médiatiques, et coller des affiches pour montrer qu'on est là. Avoir un programme cohérent n'est pas nécessaire, la communication est bien suffisante, avec quelques mesures chocs, pour cette population qui de toute façon ne peut pas comprendre la complexité que représente un programme régional. Normal puisque même avec 75% d'abstention, les élus resteront élus. Les médias feront le reste. Et on s'étonne que la politique n'intéresse plus les français...
Seul problème avec notre tactique dépassée, il faut des militants. C'est à dire des gens qui ont des convictions, leurs permettant de vouloir se lever ou de prendre sur leurs congés pour défendre leurs idées. Il semblerait que ces oiseaux rares fassent défaut chez ceux qui ne respectent pas leurs électeurs. Surprenant. Ils choisissent donc la méthode moderne.
L'espoir qui naît autour de notre liste est réel et indiscutable. Il "suffirait" donc pour intéresser les français à la politique et faire renaître une confiance en l'avenir, d'arrêter de se chamailler quand les idées de fond sont compatibles, puis de proposer une vraie alternative, cohérente, c'est à dire un projet d'avenir assumé qui considère les électeurs comme acteur de leur environnement, et non comme des pigeons à attirer dans une volière. Etonnant.
Dommage qu'il ait fallu la plus grande crise du capitalisme depuis 70ans, associée à la droite la plus dure depuis 60 ans pour que se concrétise dans 3 régions cette possibilité. Espérons que les urnes forceront les 19 autres à regarder dans cette direction.