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Billet de blog 11 octobre 2011

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Une réaction au débat des "atterrés" : combattre la pudeur politique

Quel bonheur d'assister à un tel débat, merci à Médiapart pour l'avoir organisé et mené à bien (http://www.mediapart.fr/journal/economie/101011/les-economistes-atterres-redoutent-un-krach-de-leurope). Une critique de fond pourtant, elle concerne le refus d'une prise de position politique de (presque) tous les participants.

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Quel bonheur d'assister à un tel débat, merci à Médiapart pour l'avoir organisé et mené à bien (http://www.mediapart.fr/journal/economie/101011/les-economistes-atterres-redoutent-un-krach-de-leurope). Une critique de fond pourtant, elle concerne le refus d'une prise de position politique de (presque) tous les participants.

Cette pudeur politique est bien compréhensible sur le plan intellectuel, et également très confortable pour ces économistes. Malgré tout elle est aussi très frustrante car bien que la pertinence de leur critique est indéniable, ils semblent leur manquer une synthèse qui relirait leurs travaux avec la réalité sociale et politique de l'europe.

Ce que dit Thomas Coutrot sur la capacité des électeurs à pouvoir distinguer par eux-même les partis politiques qui reprendraient leurs idées est une évidence, cependant il parait ignorer la toile de fond politico-sociale. Car il faut être honnête, le manifeste des économistes atterés ne se diffuse que dans une partie politisée et cultivée de la population qui cherche à s'informer autrement. L'immense majorité, les citoyens écœurés, continue de ne pas connaître leurs travaux tout simplement parce que soit ils ne s'informent pas ou plus, soit ils s'informent par les canaux classiques, à savoir la TV. Autrement dit les économistes atterés prennent insuffisamment en compte trois points:

1- l'absence de démocratie

2- la puissance de feu des médias (pub, cinéma, séries, JT) dans la véhiculation de l'idéologie qu'ils combattent

3- la défiance insurmontable de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un expert, un journaliste ou un politique dans l'état actuel de nos institutions

*

Ainsi les deux canaux qui devraient permettre le débat économique, à savoir les médias et les institutions "démocratiques" de notre pays, sont verrouillées. Si nous pouvions débattre librement, comprendre toucher toutes les couches de la population aisément, alors oui leur position serait tenable. Malheureusement ce n'est pas le cas et ma position est que le débat qu'ils pensent alimenter avec leurs travaux n'existe pas, et qu'il ne peut exister réellement dans les dispositions actuelles de nos médias et de nos institutions. Il s'ensuit qu'avant de pouvoir réellement débattre sur la place publique de leurs nuances de positions il est nécessaire d'instaurer une réelle démocratie dans notre pays. En cela seul Frédéric Lordon semble avoir compris la nécessité de clarifier le débat politique, et de pulvériser les règles tacites de la pudeur politique des intellectuels. Il n'y a qu'à voir l'effroi qui saisit la scène lorsqu'il aborde le sujet pour comprendre à quel point un positionnement politique est tabou dans ce milieu.

*

Le point qui relie l'économie, le politique, le social, l'écologie est la démocratie. L'aberrante situation actuelle est possible dans la mesure où le peuple a été écarté de toutes les décisions importantes. D'où, à mon sens, la priorité des priorités qui est de convoquer une constituante, seule à même de redonner confiance au peuple dans ses institutions. Dans un cadre médiatique et institutionnel assainit, tous les thèmes de débat deviendront alors possible, le débat économique comme les autres, et à la fin ce sont les citoyens qui trancheront.

La volonté de ne pas se positionner politiquement révèle également de manière insidieuse une méfiance terrible des intellectuels envers les politiques, ce qui renforce du même coup la méfiance de la population, car elle justifie la mise dans le même sac de tous les hommes politiques assimilés à des menteurs et des manipulateurs. Les intellectuels doivent se mouiller et prouver ainsi qu'il est encore possible de faire confiance à un homme ou une femme politique. De ce fait, et puisque nous avons la chance d'être à quelques mois de l'élection la plus importante dans la 5ème république, il me semble que l'attitude la plus constructive pour des intellectuels engagés comme le sont les atterrés, est de soutenir clairement un candidat qui propose une telle refonte des institutions (quitte à diverger sur d'autres points programmatiques moins déterminants), ce qui permettra ensuite au débat d'exister.

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