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Billet de blog 16 juin 2012

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L'affaire Trierweiler : une affaire de journalistes

Tout le monde s'accorde pour dire que cette "affaire" est ridicule, fort bien elle l'est en effet, mais une question me semble opportunément occultée: qui a transformé ce tweet en affaire politique pour hisser cette "information" dans les titres de l'actualité au même niveau que la crise bancaire européenne et la guerre civile en Syrie?J'ai eu l'immense regret de constater que Médiapart, par l'intermédiaire d'Edwy Plenel, s'était senti dans l'obligation de prendre position sur ce qu'il convient d'appeler une bulle journalistique.

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Tout le monde s'accorde pour dire que cette "affaire" est ridicule, fort bien elle l'est en effet, mais une question me semble opportunément occultée: qui a transformé ce tweet en affaire politique pour hisser cette "information" dans les titres de l'actualité au même niveau que la crise bancaire européenne et la guerre civile en Syrie?

J'ai eu l'immense regret de constater que Médiapart, par l'intermédiaire d'Edwy Plenel, s'était senti dans l'obligation de prendre position sur ce qu'il convient d'appeler une bulle journalistique.

Il est bien évident que V.Trierweler a manqué d'intelligence dans cette histoire, mais si ce tweet est regrettable ce sont bien les journalistes, chefs de rédaction, présidents, éditorialistes qui ont transformé cette rivalité en affaire politique. En effet cette femme n'est pas une femme politique, point barre, ses prises de posistions n'ont donc aucun intérêt politique. En revanche la direction du PS, le chef du gouvernement et plus problématique le chef de l'état ont apporté leur soutien à S.Royal, ceci est une information politique. Pourtant les médias dans leur immense majorité ont élevé l'opinion de V.Trierwerler au même niveau que tout ce beau monde réuni, et ont donc transformé une vielle jalousie en affaire politique nationale.

Remarquons au passage qu'une information beaucoup plus importante est passée sous les radars médiatiques (est-ce une coïncidence?), celle de l'implication du président de la république dans une élection nationale, alors qu'il avait précisé qu'il ne le ferait pas. Là se cache une vraie affaire de philosophie politique, car il s'agit d'une rupture de "normalité", le président étant censé être au dessus des partis.

*

J'imagine sans peine la construction de cette grande information nationale, des "journalistes" suivant avec avidité tous les comptes tweeter susceptibles de leur apporter une "information", si possible graveleuse, sans avoir à enquêter. Et là Valérie Trierweiler leur offre sur un plateau une prise de position publique, alors tout s'enclenche: dépêche AFP prioritaire, titres dans les journaux radios et télévisés, puis les Unes s'enchaînent dans la presse écrite. Le cercle infernal est enclenché chacun est sommé de se prononcer sur une affaire parfaitement ridicule.

Le plus paradoxal est d'écouter ou de lire les prises de positions des éditorialistes et autres politologues appelés à la rescousse de ce grand problème de philosophie politique. Aujourd'hui Marianne en fait sa Une avec bien sûr un reportage exclusif à l'intérieur, et l'éditorialiste J.Julliard pose une question ahurissante: que se passera-t-il si S.Royal est battue car dit-il cela prouvera que V.Trierweiler a plus d'influence que F.Hollande puisqu'il les citoyens auront suivi celle-là plutot que celui-ci?

On nage en plein délire. Le fait que les citoyens de cette circonscription puissent préférer démocratiquement le candidat local ne vient pas à l'idée de ce délicat esprit. Si S.Royal perd c'est grâce, ou à cause c'est selon, au tweet de V.Trierwerler.

Autre axe, qui a malheureusement été choisi par E.Plenel, la critique radicale de cette affaire. Malheureusement dans notre petit monde du spectacle, toute prise de position de personnes influentes médiatiquement a pour effet de gonfler artificiellement une "information". Même si c'est pour en expliquer toute la futilité, l'espace médiatique devient alors saturé d'une nouvelle sans intérêt. Toutes ces personnes bien intentionnées nous en expliquent alors la superficialité pendant des jours lui donnant du coup une exposition démesurée. 

Finalement soit on en tire des conclusions politiques aberrantes, soit on se plaît à critiquer une futilité indécente. Mais dans les deux cas l'évènement devient le centre d'intérêt médiatique et les citoyens sont pris en otage par un évènement pathétique.

Autrement dit accepter le rôle politique de cette femme revient à valider implicitement son "rôle" institutionnel, et donc à accepter l'existence du couple présidentiel, ou plutôt monarchique avec le roi, la reine, le prince, etc, dont l'avis de chacun devient un évènement politique, alors que seul le président devrait avoir une importance.

Selon moi il n'y a qu'une seule posture journalistique qui permet de sortir de cette situation par le haut: le mépris par l'ignorance. Cette information n'en est pas une, elle n'a aucun intérêt, la ligne éditoriale doit être de ne pas en parler, c'est la seule façon d'éviter le piège de l'auto-alimentation de la bulle journalistique. J'aurais aimé que cela soit la ligne de Médiapart qui aurait ainsi conserver sa ligne anticonformiste dans le paysage médiatique français. Pour ceux à qui "l'analyse" de cette information manquerait il y a les 98% restant des médias français.

Sinon on tombe dans la logique aboutissant à prendre le moindre tweet de V.Trierweiler pour une pensée politique évoluée, ou encore à estimer qu'une interwiew de Thomas Hollande est importante pour le débat politique français. Certains appellent cela la "peopolisation de la politique", j'appelle cela la nullité journalistique.

*

Le système médiatique étant ce qu'il est, V.Trierweiler  doit composer avec les contraintes que sa position lui impose, et qu'elle ne peut ignorer étant elle-même journaliste. Si elle ne le fait pas pour sa dignité, qu'elle songe à l'impact qu'une affaire comme celle-là peut avoir. La classe journalistico-politique étant tellement abhorrée par les français, et cette histoire pathétique en étant un tel reflet, combien de citoyens se retrouvent tentés par l'abstention ou pire par l'extrême droite après une telle couverture médiatique?

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