A part l'insupportable avalanche de détails sordides à laquelle nous aurons droit dans les jours et semaines qui viennent, mais de manière professionnelle rassurez-vous, le "débat" est surtout révélateur de la vision, ou plutôt de l'absence de vision globale des principaux éditorialistes.
En effet tout se résume à la responsabilité unique de l'individu, la part collective est occultée, comme s'il n'y avait aucune interaction entre l'individu et la société dans laquelle il a grandi et vit tous les jours. C'est d'ailleurs le fondement anthropologique du néolibéralisme, l'individu est responsable de tout ce qu'il lui arrive, chômage, emploi, résultats scolaires, crimes, etc. Lasociété n'a quant à elle rien à se reprocher.
S'il n'est pas question de nier la part individuelle de chacun, il me semble aberrant de nier la part collective que l'on pourrait appeler sociétale. Du fait de cette omission, les solutions proposées pour remédier au viol et au meurtre sont, soit un retour de la peine de mort pour les délinquants sexuels (M.Le pen), soit l'enfermement définitif, soit beaucoup plus d'éducateurs. Si les deux dernières sont défendables, et qu'il faut bien avoir des solutions immédiates, le long terme est évité. Il y aurait 25000 viols de femmes en France chaque année d'après le site http://www.sosfemmes.com/violences/viol_chiffres.htm. Celui-ci est l'un des 25000 de l'année 2011 mais qui a mal tourné, c'est pour cela qu'on en parle tant, et si peu des autres. Ces chiffres sont inadmissibles.
Comment est-ce possible?
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L'état actuel de la neurobiologie indique qu'il n'y a aucune différence entre un cerveau masculin et un cerveau féminin. Pourtant ce sont les hommes qui violent les femmes. Certes il y a la différence de force physique et la fameuse testostérone, augmentant l'agressivité, mais tous les hommes en sécrètent que je sache et cela ne fait pas de chacun un violeur en puissance. S'il y a des facteurs biologiques favorisants, il ne sont pas suffisants et il est évident qu'il y a des facteurs socio-culturels participant au déséquilibre psychique des violeurs incapables de se maîtriser. Or quels sont ces facteurs sociaux? je serais bien incapable d'en faire une liste exhaustive. Pourtant l'un d'eux me paraît primordial dans cette affaire et il n'est jamais abordé. Il s'agit de l'image de la femme dans notre société.

Il faut dire une évidence, la femme est inférieure socialement à l'homme en France. C'est dérangeant mais il ne sert à rien de le nier, cela se manifeste par une multitude de faits: inégalités de salaire à poste égal, quasi absence dans le champs politique, monopole des tâches ménagères, et peut-être le principal en fin de compte dans la symbolique: la femme assimilée à son corps par la publicité et les magazines "féminins".
Autrement dit les petites filles grandissent dans un monde où les femmes sont en permanence montrées dans le rôle d'objet, et où elles sont priées d'être belles et habillées à la mode. Si les publicités montrant des femmes aux trois-quart nues font maintenant parties de notre quotidien, comment évaluer l'impact d'un tel matraquage sur la formation ou plutôt la manipulation du psychisme des jeunes femmes, et des jeunes hommes à fortiori s'ils sont instables. Comment ne pas être convaincu du rôle de la publicité sur les citoyens quand le but de ces dernières est de les manipuler ouvertement pour leur faire acheter des produits en tous genres? il suffit pour s'en convaincre de lire des manuels de publiciste, c'est affligeant d'inhumanité. Si cela fait le beurre de toute une industrie, que vendront donc les pharmacies si on leur retire le juteux business des produits minceur et autre crèmes miracles?, les dégâts sociaux sont immenses. Image dégradante de la femme, et incitation à la consommation entre autres.
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Nous pourrions aussi parler des films pornographiques, légaux rappelons-le, dans ce qu'ils véhiculent de l'image de la femme totalement soumise aux nombreux désirs masculins. Tous les jeunes hommes en ont regardé, c'est presque un rite de passage. Tous les exemples que j'ai cité, et il y en a d'autres, jouent dans la symbolique, et l'impact sur des cerveaux dérangés ne doit pas être minimisé. Dès lors le fait que nous soyons infestés d'images à la télévision, dans la rue, montrant la femme comme un objet de désir doit être considéré comme l'une des causes du problème. On voit d'ailleurs une dérive ces dernières années, les adolescentes imitant de plus en plus tôt le style maternel. L'éducation n'est pas seule en cause, il y a une pression énorme sur les jeunes filles. Dans un esprit chancelant, tout devient équivoque et la femme étant là pour remplir son rôle d'objet au service des hommes, le passage à l'acte semble presque l'aboutissement logique dans le cerveau du déséquilibré.
Comment justifier le fait que l'état laisse, pour l'intérêt économique de quelques entreprises, l'image de la femme être manipulé de la sorte au risque d'attiser des esprits instables (et accessoirement d'ancrer dans le cerveau des enfants le culte du corps féminin)?
A défaut de supprimer carrément la publicité et le porno, ce qui ne serait peut-être pas une grande perte pour l'humanité, l'état devrait interdire l'utilisation de l'image de la femme comme objet, et non faire semblant comme c'est la cas actuellement. Pour agir sur le long terme je suis persuadé qu'il faudrait rechercher tous les moyens pour rendre l'égalité homme/femme réelle, et non simplement désigner des boucs émissaires comme nous en prenons le chemin.
