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Billet de blog 2 décembre 2021

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L’évènement

Film d’Audrey Diwan. Avec Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Luana Bajrami, Louise Orry-Diquéro, Pio Marmai, Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis. 1h40. Lion d’or à la Mostra de Venise.

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Illustration 1

Anne est brillante étudiante en lettres, et rêve de devenir écrivain. Elle fait la fierté de sa mère (Sandrine Bonnaire), patronne de bar chez qui elle retourne quand elle n’est pas au pensionnat. Elle fait aussi l’admiration de son très sérieux professeur de littérature (Pio Marmai). Mais les notes d’Anne chutent brutalement, elle se mure dans un silence comme si on avait arrêté la sirène d’une ambulance, tout en laissant le gyrophare tourner. Anne est enceinte, et voudrait avorter. Problème : nous sommes au début des années 60, et si l’interruption volontaire de grossesse ne fait pas encore débat (la loi Veil ne sera votée qu’en 1975), le sujet fait peur. Car avorter à cette époque-là c’est prendre le risque de finir en prison ou sur un brancard à l’hôpital. Anne va donc se débrouiller seule.

« Comme d’habitude, il était impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit ». Adapté du roman autobiographique d’Annie Ernaux, L’évènement décrit la course contre la montre d’une jeune femme désirant avorter, douze ans avant la loi Veil, et quatre ans avant l’apparition de la pilule contraceptive. Grâce à une mise en scène efficace, la réalisatrice Audrey Diwan ne ménage pas son actrice principale, présente dans tous les plans. Souvent filmée de dos et de très près – accentuant le sentiment d’oppression et de solitude de la jeune étudiante - Anne (Anamaria Vartolomei, comédienne roumaine révélée dans My Little princess de Eva Ionesco en 2010 où elle donnait la réplique à l’âge de dix ans – excusez du peu - à Isabelle Huppert) voit défiler les semaines avec angoisse. Le décompte des semaines à l’écran amplifie d'ailleurs ce sentiment anxiogène du temps qui passe. Finissant par trouver une « faiseuse d’ange » (Anna Mouglalis, dont on est heureux d’avoir des nouvelles !), elle ira au bout de sa démarche au prix de grandes souffrances, lors de scènes à la précision quasi documentaire qui ne laisse pas indemnes. C’est le prix qu’elle est prête à payer pour poursuivre son émancipation sociale et personnelle.

Illustration 2
- Luàna Bajrami, Louise Orry-Diquéro, Anamaria Vartolomei - © (c) Wild Bunch

Que signifie ce prix du festival du film de Venise ? (le Lion d'or). Après la Palme d’or à Cannes en mai dernier pour Titane, de Julia Ducournau, c’est la seconde femme à obtenir un prix prestigieux dans des festivals davantage réputés pour en être avare vis-à-vis des réalisatrices. Mais il y a peut-être plus important : « Je ne veux pas d’un enfant à la place d’une vie », dit-elle pour justifier son acte, refusant d’être une paria et encore moins une prématurée femme au foyer. C’est tout le sujet des femmes demandant à disposer d’elles-mêmes, sujet qui, s’il semble inscrit dans l’histoire, n’en demeure pas moins d’une brûlante actualité.

L’évènement, d’Audrey Diwan. 1h40. En salle depuis le 24 novembre. (Tournage en partie en Charente, notamment à Saint-Amant-de-Boixe).

F.S.

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