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                    La réalisatrice de Pupille (2018) et Elle l’adore (2014) s’attaque à un sujet peu connu : la justice restauratrice. Inscrite dans la loi depuis 2014, elle permet, dans un cadre sécurisé et en présence de médiateurs, de faire se rencontrer détenus et victimes ou des proches de victimes, tous volontaires. Les premiers étant invités à parler de leur passage à l’acte et des raisons qui les y ont conduits, les seconds à exprimer les douloureux bouleversements qu’a entraînés leur agression. L’idée est bonne, et permettra probablement une meilleure communication de cette forme de justice – qui est uniquement basée sur le volontariat des détenus et victimes d’une part, et du bénévolat des accompagnants et médiateurs d’autre part. L’exercice cinématographique tend pourtant davantage vers le documentaire, et l’on se prend à rêver qu’il en eut été ainsi, à la manière d’un Raymond Depardon qui avait planté sa caméra dans un tribunal pour en tirer, en 2003, 10e chambre – Instants d’audience, dix ans après Délits flagrants.
Le travail de recherche très en profondeur de Jeanne Herry laboure le terrain fertile permettant le croisement de deux histoires ; celle de Chloé (Adèle Exarchopoulos, magnifique) et son accompagnatrice Judith (Élodie Bouchez, qu’on est toujours content de revoir). Et Nassim (Dali Benssalah) détenu pour vol avec violence, qui se prépare à intégrer un groupe de parole (nommé une « communauté »), dans lequel il découvrira d’autres détenus et vies brisées.
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                    Avec pédagogie, Jeanne Herry nous emmène au cœur de ce groupe, où de récents médiateurs, Michel (Jean-Pierre Darroussin, un peu effacé), et Fanny (Suliane Brahim) débutent leur accompagnement, dans une salle neutre où les protagonistes sont assis en cercle, face à face, et prennent la parole à l’aide d’un bâton, afin de respecter le temps de parole de chacun. Les trois victimes de vol à l’arraché, braquage et home-jacking se retrouvent confrontées à des auteurs de faits similaires aux leurs, mais ce ne sont pas leurs agresseurs directs. De son côté, Chloé, après une longue préparation, finit par rencontrer en présence de sa médiatrice, son frère, qui l’a violé lorsqu’elle était enfant.
Malgré la très grande empathie dont fait preuve Jeanne Herry, et l’interprétation au cordeau des acteurs, on ne peut s’empêcher de trouver le temps un peu long, quelques répétitions y étant pour beaucoup. N’en reste pas moins la force d’un film-documentaire qui cherche à monter quelque chose de très méconnu en France – la justice restauratrice – par manque de moyens d’une justice qui n’en finit pas d’agoniser dans un pays où, pourtant, on la désire si souvent et si fortement. « Police partout, justice nulle part » dit un slogan de manif que l’on peut lire parfois sur les murs de nos villes. Comme disait nos profs de philo : « ça donne à penser ».
F.S.
Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry, 1h58. Sortie depuis le 29 mars.