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Billet de blog 11 janvier 2023

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16 ans : rien n’a vraiment changé depuis Shakespeare

Le dernier film de Philippe Lioret, 16 ans, met en scène les amours naissantes de deux adolescents, avec toute la fraîcheur de leur jeunesse, mais malheureusement entravés par les rancœurs de deux familles socialement très différentes.

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Illustration 1
- Sabrina Levoye, Teîlo Azaïs - © (c) Paname Distribution

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, clamait le poète, mais à 16, on peut l’être et très fort même. Quand Léo (Teïlo Azaïs) débarque en seconde dans la même classe que Nora (Sabrina Levoye), il ne lui faut pas longtemps pour « s’user les yeux » à la regarder, du coin de l’œil mais Nora s’en aperçoit. Ils vont très sérieusement s’éprendre l’un de l’autre, avec une belle délicatesse filmée par Philippe Lioret (1). Mais les menaces sur ce jeune et joli couple planent déjà, en la personne de Tarek (Nassim Lyes), frère de Nora, qui vient de se faire virer par Franck, le père de Léo (Jean-Pierre Lorit), directeur de l’hyper du coin, pour une sombre histoire de bouteille de vin grand cru qui a mystérieusement disparue. Tarek, magasinier au rayon liquide, fils d’immigré vivant dans une cité, est la victime parfaite. Il met en garde sa jeune sœur : fini la rigolade avec le fils du patron qui l’a viré. Les deux tourtereaux ne l’entendent pas, eux, de cette oreille, et poursuivent leur beau chemin tout juste commencé. Des copains de Tarek viennent régler leur compte aux vigiles et chef de rayon du supermarché, envenimant les choses, et Franck, surprenant son fils et la sœur du vandale dans leur maison où, licencié à son tour face au risque de scandale que pourrait prendre cette affaire, il était rentré plus tôt. Ça continue de chauffer… Et ça prend même des proportions hors de propos, quand le père de Nora lui intime l’ordre de rester à la maison, et même d’arrêter le lycée, puisqu’elle « déshonore » la famille. Nora ne veut pas arrêter le lycée à deux ans du bac, et prépare sa fuite vers la Belgique où elle pourrait continuer ses études, pendant que ses parents songent eux à l’envoyer à Constantine faire de même.

Illustration 2
- Arsène Mosca (le père) et sa fille Nora (Sabrina Levoye) - © (c) Paname Distribution

Philippe Lioret, réalisateur rare et pourtant très efficace, signe avec 16 ans un bien beau film, avec des acteurs débutants ou peu connus, sur le sujet très shakespearien de l’amour impossible puisque les deux familles des amoureux ne peuvent pas s’entendre. D’un côté, la famille issue de l’immigration (comme on dit) avec un frère féroce gardien de sa sœur bien que collectionnant les conneries sous l’œil bienveillant de son père. Ce dernier n’a d’autorité que sur la sphère familiale, sur laquelle il fait régner une terreur aussi lourde qu’inutile. De l’autre, Franck, issu lui aussi de l’immigration mais italienne, où la revanche sociale se conjugue avec un racisme qui ne dit pas son nom, mais pourtant visible : Tarek est licencié de l’hypermarché qu’il dirige non seulement parce qu’il s’adresse mal à ses supérieurs hiérarchiques (il plaide l’innocence) mais aussi et même surtout pare qu’avec sa gueule de métèque, il est le coupable idéal.

Nagent dans ce cloaque familial les deux amoureux dont on ne souhaite pour eux que le meilleur : fraîcheur, ouverture d’esprit, humour, dynamisme de leur jeunesse, physique : ils ont tout pour eux. On a de la peine à les voir subir la pression familiale, dans un cas comme dans l’autre pour des raisons peu convaincantes tant les ficelles son grosses : perte de la dignité supposée chèrement acquise pour la famille de Nora ; inconcevabilité d’une relation entre un fils de cadre parvenu et une gamine de la cité pour le père de Léo.

Cette tension trouvera son point de non-retour dans une scène finale dont on ne vous dépossèdera pas (si vous avez la chance d’aller le voir, ce qu’on vous conseille fortement). Clarté du scénario, belle mise en scène, dynamisme des comédiens clairement bien dirigés par un Philippe Lioret au mieux de sa forme : 16 ans est, comme l’était Welcome en 2009 et l’ensemble de sa filmographie à bien y regarder, un film choc qui pourrait rester dans les mémoires, si Avatar II n’a pas pris toute la place…  

F.S.

(1) Filmographie de Philippe Lioret : Mademoiselle (2001), L’équipier (2004), Je vais bien, ne t’en fais pas (2006), Welcome (2009), Toutes nos envies (2011), Le fils de Jean (2016).

16 ans, de Philippe Lioret. Avec : Sabrina Levoye (Nora), Teïlo Azaïs (Léo), Jean-Pierre Lorit (Franck, le père de Léo), Nassim Lyes (Tarek), Arsène Mosca (Amir, le père de Nora). 1h35. En salle depuis le 4 janvier.

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