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Étretat, automne 2019. Le quotidien d’un sous-officier de gendarmerie : constater le suicide d’un homme du haut des falaises ; remonter les bretelles d’une jeune qui circulait sous l’emprise de cannabis mais sans casque sur son scooter ; remplir de la paperasse ; ramener chez lui un ivrogne qui fait des histoires au bistrot ; démarrer une enquête sur des soupçons de violences sexuelles sur mineurs ; essayer de rassurer un agriculteur au bout du rouleau… Et rentrer chez lui, dans son logement à quelques mètres du « bureau », retrouver sa femme qu’il vient de demander en mariage, et sa fillette de 7 ans. Laurent (Jérémie Renier) totalement au cœur de la société, sait tout de ce qui fait la vie quotidienne de son secteur, Étretat, où même des mariés asiatiques viennent se faire prendre en photo face à l’arche et l’aiguille creuse, sur les galets. Mais tout bascule lorsqu’il tue accidentellement un agriculteur éleveur de vaches qu’il tentait d’empêcher de se suicider. Laurent, sous l’effet de la sidération, se mure dans le silence et ne décroche plus que quelques mots, incapables dans un premier temps de reprendre le dessus. Il finira par essayer de larguer les amarres, sur les traces de son grand-père, terre-neuvas, dans une expédition qui pourrait bien lui être fatale.
Avec Albatros, nom d’une maquette de bateau construite par le grand-père de Laurent et offerte par sa grand-mère sentant sa fin approcher, Xavier Beauvois signe un beau film, âpre et bien construit, au scénario travaillé et à l’intrigue tendue. Clairement construit en deux parties – avant et après le coup de feu fatal – Albatros aurait pu se contenter d’être un film sur la prise de décision : en l’occurrence, celle prise par Laurent n’était pas la bonne, et la seule fois de sa carrière où il dégaine son arme est fatale. Sa fuite en bateau est aussi une décision contestable : il a obligation de ne pas quitter le territoire, que ce soit sur terre ou sur mer.

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Pour autant, on accroche à cette histoire de quotidien des gendarmes, et, prévenu par teasing, le spectateur attend avec angoisse le moment de bascule. C’est à partir de là que se glissent malheureusement quelques petites imperfections qui auraient pu faire d’Albatros un petit chef d’œuvre, comme l’avaient été en leur temps Le Petit lieutenant (2004), ou plus encore Des hommes et des dieux (2010). Jérémie Renier, crédible en gendarme, est agréablement secondé par Marie-Julie Maille, qui joue sa femme.

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Quelques longueurs lors du périple en mer, où l’on s’attend à ce qu’il arrive vraiment quelque chose à notre gendarme-marin, expérimenté mais pas forcément pour une transatlantique ; et une happy end qu’on ne révèlera pas bien sûr, mais qui laisse un arrière goût trop sucré alors que justement, la situation géographique de l’histoire apporte plutôt du sel sur les lèvres.
F.S.
Albatros, de Xavier Beauvois. Avec Jérémie Renier, Marie-Julie Maille, Victor Belmondo et Mathilde Beauvois. En salle le 3 novembre.