Hélène (Mélanie Thierry) travaille trop, jusqu’au burn-out, en pleine réunion de présentation d’un plan de « restructuration » d’une entreprise. C’est l’occasion de changer de vie, avec mari et enfants, et de revenir s’installer dans une petite préfecture de l’Est de la France, d’où elle s’était pourtant extraite, grâce à un travail acharné et un ascenseur social qui avait fonctionné. Une fausse bonne idée, peut-être…
« On ne devrait jamais quitter Montauban », disait Lino Ventura dans Les tontons flingueurs. Fallait-il pour autant revenir à Épinal, se demande Hélène dans Connemara ? C’est le choix qu’elle fait, suite à ce burn-out qui l’envoie directement chez une psy, et dans une autre boîte, où, si elle n’y prend pas garde, il se reproduira la même chose que dans la précédente. Épinal, les années lycées, les matchs de hockey, et… Christophe Marchal (Bastien Bouillon), l’ex beau-gosse star locale du hockey. Un lointain objet du désir, ce Christophe qui sortait, à l’époque, avec sa meilleure copine. Hélène, timide et réservée, bonne élève en classe, avait réussi à s’extraire du milieu social dans lequel elle grandissait, d’où elle ne semblait ne devoir jamais partir, et quitter cette ville dans laquelle elle ne se voyait pas faire sa vie. Elle avait réussi, mais quoi, au fond ? S’était-elle « battue toute sa vie pour ça ?», comme l’écrit Xavier Mathieu au début du roman éponyme. Elle était surtout, comme il le dira un peu plus loin, « seule ». Très entourée, de ses deux filles, de son mari, Philippe, mais au fond très seule. Grâce au hasard et à la magie des petites villes, à Épinal, Hélène reprend contact avec Christophe : ils se voient dans des chambres d’hôtel l’après-midi, commencent à rêver d’une idylle entre deux milieux sociaux très opposés, comme deux France désormais lointaines. Christophe n’a jamais quitté la région, vivote en vendant de la nourriture pour chien tout en élevant son fils en garde alternée avec sa mère. Une vie peinarde et indécise, à quarante ans. Hélène a changé de monde, et ce n’est pas le retour aux sources qui va changer quoi que ce soit, au fond. Et tout cela s’étire un peu en longueur…

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Mélanie Thierry et Bastien Bouillon font ce qu’ils peuvent, dans une réalisation d’Alex Lutz cadré serré, renforçant le caractère étouffant de ces vies étriquées, faute de mieux, parfois subies, souvent rêvant d’ailleurs. Mais c’est davantage les rôles dits secondaires, joués par Jacques Gamblin - le père de Christophe, qui verse dans une forme d’Alzheimer et parvient à rendre son personnage très touchant - et l’inattendue Clémentine Célarié, la mère d’Hélène, qui ne voit pas le drame qui se joue dans la vie de sa fille, sûre d’elle et de ses « conseils » maternels, qui rendent, in fine, Connemara intéressant, dans les rapports vieux parents / enfants quadra à un tournant de leurs vies.
Car si on ne devrait peut-être jamais quitter Montauban, peut-être faut-il définitivement quitter le cocon faussement rassurant d’Épinal, et laisser au romanesque les amours anciennes, certes les seules qui durent (comme dit l’écrivain Philippe Besson), mais qui collent à la peau comme une vieille glu en empêchant de tourner des pages. Nous avions réussi à tourner celles du roman de Xavier Mathieu. Il est probable que les spectateurs tournent rapidement celles du film d’Alex Lutz, un peu moins percutant que la précédente adaptation de Leurs enfants après eux.
F.S.
Connemara, d’Alex Lutz. Adapté du roman de Xavier Mathieu, Connemara (Actes Sud, février 2022). Avec Mélanie Thierry, Bastien Bouillon, Jacques Gamblin, Clémentine Célarié. Scénario : Alex Lutz, Hadrien Bichet, Amélia Guyader. 1h55.