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« Quand on est fils de paysan et qu’on grandit dans une petite exploitation laitière à 30 km du premier cinéma, on imagine mal qu’on va vivre ce genre de moment ». La voix teintée d’émotion, Hubert Charuel tient en main sa récompense : son premier long-métrage Petit paysan a reçu le Valois de diamant du meilleur film au FFA (Film Francophone d’Angoulême) dimanche 27 août, par un jury présidé cette année par John Malkovitch. Son acteur principal Swann Arlaud a reçu le Valois du meilleur acteur. Le compositeur Myd a reçu le Valois de la meilleure musique.
Une fuite en avant
« Qu’est-ce que je vais faire ? Je n’ai jamais rien fait d’autre… ». Le regard planté dans celui de sa sœur vétérinaire, Pierre (Swann Arlaud) tente coûte que coûte de sauver son troupeau, promis à l’équarrissage si l’analyse des prélèvements sanguins confirme ses doutes. Une des trente vaches de cette petite exploitation, héritée de ses parents, est atteinte de la FHD, une fièvre hémorragique dorsale très contagieuse à la mortalité certaine. Pierre, l’œil planté dans celui de sa vache, trouve la force de l’abattre lui-même, et fait disparaître le cadavre en le brûlant. S’en suit une fuite en avant incontrôlable.
Swann Arlaud l’avoue : c’était son premier vêlage, « et probablement le dernier », a-t-il dit à la fin d’une projection de Petit paysan au FFA, le festival du Film Francophone d’Angoulême (du 22 au 27 août dernier). Pour autant, le comédien déjà remarqué dans (entre autres) Une Vie de Stéphane Brizé ou The End de Guillaume Nicloux, n’a pas lésiné sur l’apprentissage du métier : il a passé deux semaines dans une ferme en compagnie des parents d’Hubert Charuel, fils de paysans. « Il a fallu que j’apprenne les gestes, comme si je travaillais vraiment là. Il fallait qu’on ait l’impression que je travaillais vraiment à la ferme ». Un mimétisme professionnel parfait qui n’est pas sans rappeler celui de Vincent Lindon, qui n’aime rien tant que d’apprendre des métiers pour un rôle.
"L'univers agricole mérite la fiction"

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Le réalisateur, dont c’est le premier film après trois courts métrages, en dit plus sur la genèse du projet : « Je ne voulais pas reprendre la ferme de mes parents, je voulais être vétérinaire. Mais je n’avais pas d’assez bonnes notes à l’école, alors j’ai eu envie de faire du cinéma. Mes parents m’ont toujours encouragés dans cette voie ». Ils ont bien fait, et Petit paysan est une affaire de famille. Son père joue son propre rôle, on aperçoit sa mère en contrôleuse de la qualité du lait, et son grand-père interprète Raymond, son propre grand-père, inquiet pour ses dernières vaches. « L’univers du monde agricole, ça mérite la fiction. Il y avait toute la matière pour ça, la comédie, le thriller… » ajoute-t-il.
"Les vaches m'ont accepté"
Le résultat est convaincant : impossible de ne pas imaginer que Swann Arlaud (Pierre) ait toujours été éleveur. « Au départ, on était trois autour des vaches : moi, un caméraman et un perchiste, pour ne pas les effrayer », explique Swann. « Hubert m’avait dit : si tu as peur, elles auront peur. Si tu n’as pas peur, elles n’auront pas peur. Elles m’ont accepté et je les ai aimées ». À plusieurs reprises l’œil de ces vaches brille et se reflète dans celui de Pierre, rythmé par la stabulation, à mesure que ses espoirs de sauver son troupeau s’amenuisent par la dure et froide réalité des analyses de sang commandées par sa sœur Pascale (Sara Giraudeau), vétérinaire.
« C’est important qu’on se batte pour ce film », insiste Swann Arlaud, « l’émotion provoquée à la lecture du scénario, ce qu’implique vraiment le principe de précaution, m’a donné envie de défendre ce film. On fait des films pour se rapprocher de l’intimité d’une personne humaine… ». Pour Sara Giraudeau, « être acteur c’est un voyage magnifique dans l’humain. Dans Petit paysan, il y a une vraie intrigue, une vraie construction des personnages. Je pense aussi que c’est important qu’on se batte pour ce film ».
En salle mercredi 30 août.
F.S.