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Billet de blog 30 janvier 2025

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Bande dessinée d'Angoulême : un Ricard, sinon rien

Dans une ambiance tendue, le 52e Festival de Bande dessinée d'Angoulême est officiellement inauguré depuis la soirée du mercredi 29 janvier, jusqu'au 2 février. Avec le traditionnel Grand Prix. C'est l'autrice Anouk Ricard qui l'emporte. Une surprise face à Alison Bechdel et Catherine Meurisse, finaliste malheureuse pour la 6e fois.

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- Anouk Ricard, très surprise d'avoir remporté le Grand Prix d'Angoulême, couronnant l'ensemble de sa carrière - © F.S.

Un petit remontant, pour faire passer les tensions de ces dernières semaines ? En pleine tempête médiatique - et météorologique - le 52e FIBD a officiellement ouvert son rideau, dans la Hall 57 "Alligator" derrière la gare SNCF, mercredi 29 janvier au soir. Devant un parterre d'officiels, d'auteurs et d'éditeurs - tous bien sages - le grand monde de la bande dessinée a ouvert le bal.

Un petit Ricard pour faire passer les humeurs et rumeurs de ces derniers jours n'aurait pas été de trop, pour une équipe à cran, tant l'ambiance, électrique, est aux règlements de comptes, questionnements sur la "gestion" du plus grand évènement culturel de bande dessinée par Franck Bondoux et la société 9e Art + qu'il dirige d'une main de fer.

Heureusement, l'annonce du Grand Prix, traditionnel préambule du FIBD, avec le cocktail qui a suivi, a provisoirement permis de gagner du temps, à défaut de détendre un peu l'atmosphère. C'est la très discrète et talentueuse Anouk Ricard, 54 ans, qui décroche ce Grand Prix d'Angoulême pour l'ensemble de sa carrière, reléguant pour la sixième fois l'académicienne Catherine Meurisse au rôle de figurante. 10 ans après les attentats de Charlie - dont elle est une des rescapés - elle semblait archi-favorite. Caramba, encore raté !

La direction du festival, et l'association sur laquelle il repose depuis plus de 50 ans, devraient pourtant se méfier de ce minois apparemment très calme : Anouk Ricard, qui a débuté sa carrière au début des années 90 en sortant des Arts-Décoratifs, est plutôt une habituée des éditeurs indépendants, les éditions l'Articho et 2042 notamment. Lesquels, entre autres, organisent la fronde en arrière-plan, d'abord en ligne sur Internet pour l'instant mais la tension ne demande qu'à s'échapper par le premier interstice venu.

La cérémonie de remise des Fauves, samedi 1er février au Théâtre d'Angoulême, risque fort d'être agitée voire tempétueuse, malgré l'optimisme météorologique de Franck Bondoux lors de l'ouverture officielle ("ciel bleu et soleil. Je veux croire la météo", a-t-il lancé pendant son bref discours, invoquant sans doute sainte Catherine Laborde, présentatrice météo récemment décédée). Anouk Ricard se dit "solidaire du mouvement", indique-t-elle dans la Charente Libre, "la profession perd confiance, alors qu'on a envie de se réjouir quand on vient au festival", ajoute-t-elle encore.

Rumeurs, tensions, management brutal : ambiance western au FIBD

C'est un festival tendu comme une ficelle de string, criblé par des rumeurs et accusations de management toxique de la part de son délégué général Franck Bondoux qui s'ouvre à Angoulême, deux ans après la 50e édition pleine de promesses, d'auto congratulations et de câlins dans tous les sens. S'ajoute à la situation une fronde des auteurs, autrices et du syndicat des éditeurs indépendants  : ça flingue à tout va, et pas seulement dans les coins de cases de BD ! L'enquête de Lucie Servin du journal l'Humanité, révélant les coulisses visiblement pas très reluisantes de l'organisation du Festival par 9e Art +, quelques jours avant le début du démarrage de l'évènement, a plombé l'ambiance de ce véritable "Festival de Cannes" du 9e art. On a beau être habitué aux polémiques annuelles juste avant le festival, cette année, c'est du lourd.

Ça avait d'ailleurs bien mal commencé dès novembre dernier, lors de la conférence de presse annuelle dévoilant le programme du 52e : l'assistance avait manqué de s'étouffer à l'annonce du nouveau sponsor principal, la chaine de restauration rapide Quick - associée à une réputation de malbouffe. Les financeurs publics, notamment Grand Angoulême et la mairie d'Angoulême (plus d'un million d'euros à elles deux) avaient tiqué sur ce choix, justifié pourtant mordicus par Franck Bondoux comme un moyen de faire rentrer de l'argent quoiqu'il en coûte dans un festival au budget pharaonique de 6 millions d'euros, et déficitaire l'année dernière (près de 241.000 €). 

À cela sont venus s'ajouter des rumeurs de licenciement abusif sur fond de dénonciation de viol lors du FIBD 2024, de management brutal et de gestion opaque des fonds publics chargeant la barque de 9e Art + et de son directeur. Lequel doit remettre sa copie sur le métier en mai prochain et faire renouveler sa délégation pour la poursuite de l'organisation des éditions futures. "On ne sort pas un tel évènement de terre sans certaines tensions", s'est-il défendu dans la presse locale, trop heureuse de tirer sur l'ambulance, ayant avec ce singulier délégué général du festival aux allures de moine soldat des relations pas toujours très coopérantes depuis des années. "L'ambiance est dynamique, ça pulse !", avait religieusement ajouté Delphine Groux, présidente de l'Association du Festival de la bande dessinée, qui ne souhaite pas revoir le contrat avec 9e Art + "sous la pression". Raté, la pression est bien là et elle a encore enflée.

Des auteurs et éditeurs indépendants souhaitent quant à eux un "appel d'offres" pour ouvrir un peu l'organisation du Festival à ceux sans qui la bande dessinée ne serait rien, ni à Angoulême, ni ailleurs : les auteurs et autrices ; un milieu culturel souvent durement touché par la précarité, quand éditeurs et organisateurs de festivals s'emplissent les poches... Un souhait de revoir le FIBD se dérouler dans une ambiance proche du temps d'avant l'ultra business des éditeurs, la part artistique (expos, rencontres avec les auteurs) étant un faire-valoir indispensable au gigantesque salon du livre BD, dont on sait depuis belle lurette que les maisons d'éditions aimeraient mieux le voir à la porte de Versailles à Paris qu'à Angoulême et ses  tortueuses rues coupe-gorges. 

The show must go on

Mais comme souvent à Angoulême, une fois coupé le ruban inaugural, la grand messe de la BD efface (presque) tous les tracas, du moins provisoirement. Les dizaines, centaines de milliers de visiteurs pourront se presser dans les rues d'Angoulême, dans les files d'attente interminable sous les chapiteaux pour le plus grand salon du livre BD en France, et dans les dizaines d'expositions offertes aux yeux des amateurs de bande dessinée. Nous en avons sélectionné deux, pour commencer, en attendant d'autres découvertes.

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- la BD règle ses contes - © F.S.

Aux Chais Magélis, rebaptisés le temps du FIBD Quartier jeunesse, La BD règle ses contes. Il faudra faire vite, c'est-à-dire en profiter seulement hélas au moment du Festival de cette exposition qui refermera ses portes dimanche 2 février, à la fin du FIBD. Il serait dommage de rater l'imaginaire charrié par les contes sous les crayons des auteurs et autrices de bandes dessinées actuels. L'encyclopédie du merveilleux de Benjamin Lacombe ; Émilie et Margot d'Anne Didier, Olivier Muller, et Olivier Deloye ; Contes fabuleux de la nuit, de Miyako Miiya ; Les Sept ours nains d'Émile Bravo et La Quête de Frédéric Maupomé et Wauter Mannaert prennent vie grâce à une habile scénographie, accessible à tous les âges.

Une plongée dans l'univers tantôt merveilleux, tantôt terrifiant des contes, et, tel un petit Poucet muni d'une carte dès l'entrée de l'exposition, les visiteurs pourront se repérer dans cette forêt de contes, des jardins d'un château jusqu'à une route semée d'embûches, en revisitant au passage les grands contes comme la Belle et la Bête, ou les Trois petits cochons.

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- la BD règle ses contes - © F.S.
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- Posy Simmonds. Herself - © F.S.

Au Musée des Beaux-Arts d'Angoulême : Posy Simmonds. Herself. La lauréate du Grand Prix 2024 expose des dessins, dont une bonne centaine d'inédits en France, au 3e étage du Musée et ce jusqu'au 10 mars ; les Angoumoisins pourront donc en profiter pleine balle dès que la foule sera reparti. On découvre - ou redécouvre - grâce à une scénographie sobre et élégante, l’œuvre de cette immense autrice, malicieuse et irrévérencieuse avec beaucoup de finesse et d'humour.

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- Posy Simmonds. Herself - © F.S.

F.S.

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