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Billet de blog 5 août 2017

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Le labyrinthe (catch me if you can !)

Véritable dédale, à l'image des intrigues et liens surprenants de la vie politique, le Palais Bourbon a une organisation spatiale propre. Sa connaissance fine représente un atout pour optimiser l'activité des parlementaires ... et de leurs collaborateurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les couloirs du Palais Bourbon semblent parfois directement sortis de l’imagination de Lewis Caroll ou de Jorge-Luis Borges. Il n’existe pas de chemin linéaire pour visiter ou faire le tour de l’Assemblée nationale. A l'extérieur on en connaît surtout l'hémicycle et la salle des quatre colonnes mais à l'intérieur on y trouve salles de commission, salles de réunion, bureaux de députés, de collaborateurs, de fonctionnaires, deux amphithéâtres, une magnifique bibliothèque, une salle de projection, des studios de télévision, des petits salons pour des rencontres en cercle restreint, deux restaurants, deux cantines, une cafétéria, et même une salle de sport, un bureau de poste, et un coiffeur ! D'une chose à l'autre on passe son temps à l'arpenter de long en large et de haut en bas et pourtant pour rejoindre deux points, il faut toujours se poser la question du « meilleur » chemin à emprunter.

Couloirs, grands et petits escaliers, grande ou petite entrée et même sous-sols permettent d’envisager de multiples trajets pour se rendre à un rendez-vous, une audition, dans une salle de commission, etc. Ainsi, on découvre sans cesses de nouveaux passages, raccourcis, entrées, … Ces agencements étonnants ont sans doutes été façonnés au fil des années, de la grande et la petite histoire, des travaux de modernisation, d’agrandissements, etc. Mais à l'usage on constate aussi qu’ils facilitent les déplacements plus ou moins exposés dans les murs du Palais Bourbon, selon l’humeur et l’actualité du moment.

Illustration 1
Couloir du Palais Bourbon © F. Guerrien

Ombre et lumière …

Ainsi, une ou un député qui voudra être vu ou s’exprimer publiquement passera par la salle des quatre colonnes pour se rendre dans l’hémicycle, de préférence aux moments de forte affluence journalistique comme avant les questions d’actualité au gouvernement (les « QAG ») ou avant le vote solennel sur un texte important.

Mais, si la ou le même député veut se faire discret, parce qu’il ou elle est en retard ou bien qu’il ou elle ne veut pas s’étendre sur son vote et ses motivations, alors il rentrera discrètement dans le Palais Bourbon par l’entrée latérale de la rue Aristide Briand, passera devant le bureau de poste et la bibliothèque de l’Assemblée et accèdera à l’hémicycle sans être exposé aux micros et caméras, les journalistes n’ayant pas accès à cette partie du Palais Bourbon. Ni vu ni connu !

De la même manière, pour se déplacer entre les deux principaux sites de l’Assemblée nationale, le Palais Bourbon sis au 126 rue de l’Université et le « 101 », le bâtiment situé au 101 rue de l’Université (de l’autre côté de la même rue donc et qui abrite de nombreux bureaux de députés, la cafétéria, le restaurant de l’Assemblée, la résidence des parlementaires, des salles de commission, de réunion, d’audition, …) le ou la députée a le choix entre deux options : traverser la rue, au risque de croiser citoyens, manifestants, et journalistes ou bien emprunter le discret et moderne tunnel qui relie les deux bâtiments au … troisième sous-sol.

Pour les collaborateurs, ces trajets d’un point à l’autre sont des moments importants, parfois stratégiques ! Les jours de grande activité, il arrive que ce soit le seul moment où on peut s’adresser de vive voix au député, « le débriefer » sur une actualité ou sa prochaine intervention, sur une négociation en cours ou pour lui demander quelque chose. Le seul moment car le temps est compté en permanence à l’Assemblée nationale, qui est elle-même comme une immense horloge réglée avec haute précision et dont les horlogers seraient ses fonctionnaires. C’est même la course permanente entre un engagement et une obligation. Je ne sais pas ce qu'il en est en circonscription mais à Paris, l’essentiel de l’activité se passe entre les murs du Palais Bourbon ou dans les rues adjacentes (où se trouvent les principaux ministères, la représentation de l’Union européenne, ou encore des restaurants et des salles de congrès et rencontres parlementaires telles que la Maison de la Chimie rue Saint-Dominique ou la Maison de l’Amérique latine Boulevard Saint-Germain). Et les journées sont très denses.

Illustration 2
Cour d'honneur de l'Assemblée nationale © F. Guerrien

Faire rentrer des ronds dans des carrés

Dans ces moments-là, il faut être rapide et rusé ! Comme collaborateur, il faut faire passer les informations essentielles (après l’heure, ce n’est plus l’heure) et faire trancher ou valider les points en suspend. Le tout souvent en une ou deux minutes maximum ! Et encore, si on ne croise pas un autre député qui va capter l’attention du ou de la député ou, pire !, un journaliste, la présence de ces derniers ayant la fâcheuse tendance à reléguer toute autre priorité au second plan pour les députés. On comprend alors que dans ces instants cruciaux pour un échange verbal, les « petits chemins de traverse » sont parfois salvateurs pour le collaborateur. 

Pour ces trajets avec le ou la députée ou pour arriver au plus vite à destination (par exemple pour apporter un article, un argumentaire ou une note à une députée pendant les débats), le collaborateur doit pouvoir optimiser son trajet très vite et selon des paramètres multiples. C'est pourquoi il est banal de croiser des collaborateurs pressant le pas dans les couloirs qui, tels le lapin blanc d'Alice au pays des merveilles semblent dire  « en retard, toujours en retard ». Dans cet environnement où chaque seconde compte, la connaissance fine du dédale de l’Assemblée est alors un atout de poids. A l’inverse, sa méconnaissance peut être un handicap et faire perdre de précieuses minutes.

Frédéric Guerrien

Twitter : @Fredguerrien / LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/frédéric-guerrien-8a9081118/ 

Sur la démarche : https://blogs.mediapart.fr/fredguerrien/blog/290717/chroniques-de-lancien-monde-souvenirs-dun-collaborateur-parlementaire 

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