Pendant les 5 ans de la dernière législature 2012-2017, 18 députés élus sous les couleurs écologistes, à peu près autant d'attachés parlementaires à Paris (et leurs collègues "en circonscription") et 10 salariés de groupe, pour la plupart vivant leur première expérience à l'Assemblée nationale se sont investis au mieux de leurs convictions et de leurs compétences, avec énergie et application. S'il y a une chose dont je peux témoigner, c'est qu'ils ont tous beaucoup travaillé ! Une étude du collectif regards citoyens publiée en 2013 indiquait même que lors de la première année les écologistes avaient été les plus actifs de l'Assemblée nationale : présents en moyenne 33 semaines par an et par député (la présence moyenne tous groupes confondus étant d'environ 25 semaines), les écologistes étaient aussi les parlementaires ayant déposé le plus grand nombre d'amendements (en moyenne 1 477 pour chaque député EELV), et ceux ayant effectué le plus d'interventions dans l'hémicycle, longues (217 en moyenne) comme brèves (334). De vrais productivistes :)
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A hard day's night
J'ai toujours pensé que le travail paie alors, quels ont été les retours de ce travail ? Je ne prétends ni mener une enquête minutieuse (et fastidieuse !) sur le sort des milliers d'amendements, questions au gouvernement, propositions de lois, etc. déposés au Palais Bourbon par les députés écologistes ni pouvoir estimer "objectivement" l'impact de ce qu'ils ont pu "obtenir" ou "apporter" au cours de cette période mais plutôt recenser les principaux faits marquaents et chantiers ouverts. Mes ex-collègues et les députés du groupe (réélus ou pas) complèteront et, je l'espère, me pardonneront les oublis ! Il s'agit plutôt d'illustrer, laisser une trace et ouvrir la porte au véritable bilan qui n'a pu être réalisé pour diverses de raisons.
Alors ... D'abord et puisque la fonction première des parlementaires est de "faire la loi", il y a eu plusieurs lois qu'on peut "attribuer" à des parlementaires écologistes : la loi "Abeille" relative à la sobriété, la transparence, à l'information et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques ; la loi "Sas" visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, la loi "Potier" (avec beaucoup de Auroi et Noguès dedans) relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre et la résolution européenne "Auroi" relative à la responsabilité sociétale des entreprises au sein de l’Union européenne, la loi "Gattolin" (et Bonneton) relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes de jeunesse de la télévision publique, la loi "Labbé" ( et Allain) visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, la loi "Blandin" (et Roumégas) relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte, ...
Toujours dans le domaine de la loi, quelques textes n'auraient pas été reniés par les écologistes qui en ont été co-signataires et / ou associés dès leur conception comme (pour les principaux) la loi "Garot" relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, la loi "Hamon" relative à l'économie sociale et solidaire, la loi "Duflot" pour l'accès à un logement et un urbanisme rénové, la loi "Canfin" relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et bien évidemment les lois "Royal" de transition énergétique et pour la croissance verte et "Pompili" pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
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Parallèlement à ces textes aux titres explicites, les parlementaires écologistes, vite reconnus pour leur hyperactivité ont déposé des milliers d'amendements sur les dizaines de textes qui ont été débattus pendant la législature. Impossible de les recenser tous ou de les hiérarchiser mais quelques uns ont plus marqué les esprits que d'autres comme l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes (responsables de la disparition des abeilles) et l’intégration du principe de non-régression du droit de l’environnement et de la notion de préjudice écologique dans la loi biodiversité, la définition de l'obsolescence programmée, reconnue comme un délit, dans la loi de transition énergétique, la création des projets alimentaires territoriaux dans la loi d'avenir de l'agriculture, l'alimentation, et la forêt, la suppression de la référence au "bon père de famille" dans le code civil, l'obligation pour les banques de détailler leurs activités à l'étranger pays par pays, l'interdiction du recours aux "violences corporelles" (fessée) contres les enfants dans la loi égalité et citoyenneté (ensuite censurée par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif), etc.
Step by step
Pour chacune de ces petites victoires et évolutions de notre cadre commun, la loi française, ce sont des dizaines et souvent des centaines d'heures de préparation, de débat, de négociations pour les députés concernés et leurs collaborateurs avec les autres députés, avec le gouvernement, avec les administrateurs de l'Assemblée et bien sur les personnes et organisation concernées par la loi ou l'article de loi en question. Ce sont parfois des nuits avec très peu de sommeil, mais aussi des fous rires et des moments enthousiasmants, euphorisants.
Bref, derrière chaque texte ou amendement votés, il y a une aventure humaine et professionnelle qui est différente. Chacune pourrait donner lieu à autant de nouveaux récits (mais promis je m'arrête là 😉).
Et puis bien sur d'autres propositions sont restées suspendues au milieu du gué, comme l'augmentation de la part d'aliments de qualité et produits localement dans les cantines de Brigitte Allain, l'incitation au recours à des produits de substitution moins nocifs pour les perturbateurs endocriniens défendue par Jean-Louis Roumégas, la reconnaissance de la protection du climat dans la Constitution défendue par Cécile Duflot. Autant de sujets qui ont néanmoins été introduits, débattus et ont provoqué suffisamment d'expertise, d'intérêt, et de confrontation des visions qu'ils continueront à murir et alimenter le débat public à l'avenir.
Les quelques députés écologistes réélus, mais aussi nombre de députés d'autres formations politiques, tous bords confondus, qui se sont intéressés et ont adhérés aux arguments des écologistes assureront le relais sous une forme ou une autre pour permettre aux nouveaux parlementaires de se positionner et de faire des choix, sous le regard et avec l'éclairage des acteurs de terrain concernés.
Fin de série
Alors, si la fin du groupe écologiste a été subite et anticipée, elle fait partie des "risques du métier" et assurément le travail acharné mené pendant cinq ans aura laissé des traces concrètes dans la loi et ouvert des chantiers pour l'avenir. Le travail a payé et notre démocratie a plutôt bien fonctionné, l'existence d'un groupe lui ayant permis d'occuper sa place dans le paysage du Parlement français.
Ainsi s'achèvent ces chroniques estivales, "voix d'outre monde" comme les a rebaptisées avec habileté une lectrice. Merci de votre attention et des échanges et souvenirs qui en ont résulté. Je terminerai en renouvelant mes remerciements à Danielle Auroi pour m'avoir offert une expérience professionnelle supplémentaire et très riche et bien sur par souhaiter tous mes voeux de réussite et de belles aventures législatives aux nouveaux députés et à tous leurs collaborateurs et collaboratrices !
That's all folks ! (mangez des carottes)
Frédéric Guerrien
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Sur la démarche : https://blogs.mediapart.fr/fredguerrien/blog/290717/chroniques-de-lancien-monde-souvenirs-dun-collaborateur-parlementaire