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Billet de blog 3 septembre 2012

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Un revenu d’existence pour vaincre les pauvretés?

Photo FlickrVerser inconditionnellement une allocation, sans justification de ressources, cumulable avec tout autre revenu, à tout individu de sa naissance à sa mort pourrait passer pour une utopie. Pourtant, ce revenu de base qui permettrait de subvenir à chacun à tous ses besoins de base ne fait que respecter l’un des principes décrits dans l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, édictée en 1948.

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Verser inconditionnellement une allocation, sans justification de ressources, cumulable avec tout autre revenu, à tout individu de sa naissance à sa mort pourrait passer pour une utopie. Pourtant, ce revenu de base qui permettrait de subvenir à chacun à tous ses besoins de base ne fait que respecter l’un des principes décrits dans l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, édictée en 1948.

par Mathieu Arnal sur www.frituremag.info

On peut l’appeler revenu d’existence, revenu de base, revenu de citoyenneté, revenu social garanti ou bien encore dividende universel. Ce nouveau type de revenu qui n’est pas lié au travail, ou à une prestation sociale, libérerait la dépendance salariale et donnerait une nouvelle liberté, celle de choisir sa propre vie. Un tabou qui est difficile à lever lorsque l’on sait que le travail appréhendée de façon contrainte, vue comme une souffrance, est intimement lié à la culture judéo-chrétienne et nous renvoie à la célèbre maxime de Saint-Paul « gagner sa vie à la sueur de son front  ». Pour Frédéric Bosqué, coordinateur du Sol Violette, la monnaie solidaire complémentaire toulousaine et co-fondateur de l’antenne tarn-et-garonnaise de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence (AIRE), il s’agit «  d’un outil d’émancipation. Il faut sortir du schéma traditionnel de celui qui travaille, qui apporte à la société par sa production et qui peut subvenir à ses besoins par son sens du devoir, du dévouement, assujetti à une tâche  ».

Un nouveau rapport au travail

Il ne s’agit pas de nier le travail salarié mais d’y voir une nouvelle relation contractuelle déjà ébauché par de multiples expérimentations. Parmi les plus tangibles, celle initiée par François Plassard. Cet ancien ingénieur agronome et ancien directeur de recherche au CNRS, fondateur du Système d’échange local (SEL) Cocagne à Toulouse, avait initié le partage volontaire du travail avec le « chèque du temps choisi » en Rhône-Alpes entre 1992 et 1996. L’embryon d’un futur chèque de citoyenneté qui servait à créer de l’activité en dehors de l’entreprise. «  Les salariés avaient accepté de réduire leur temps de travail à un mi-temps pour se consacrer à la réalisation d’un projet de temps choisi, non lucratif dans la vie associative, et permettre l’embauche d’un chômeur. Ils obtenaient un chèque de temps choisi de 3 700 francs net par mois pendant deux ans, versé par le fond partenarial pour l’emploi, correspondant à l’économie réalisée par la collectivité sur le coût d’un demi-chômeur. » Mais cette vision transformatrice d’une société plus créative a été bloqué par la culture identitaire d’une gauche favorable à un retour hypothétique au plein-emploi et à la progressive instauration de la loi sur les 35 heures.

L’instauration, le montant et le financement du revenu

Concrètement, ce revenu inconditionnel et inaliénable passerait par l’instauration d’une caisse du revenu d’existence. Dès sa naissance, chaque citoyen se verrait ouvert par ses parents un compte bancaire d’existence (CBE). Chaque mois ce compte serait crédité d’un revenu d’existence dont le montant global serait garanti sur la capacité de production durable de la nation. Jusqu’à sa majorité, une partie serait utilisée par sa famille pour son éducation pendant que l’autre, épargné dans le capital d’entreprises locales qui à l’avenir seraient donc en mesure de servir ses besoins de base, lui génèrerait des intérêts qui feraient grandir le petit capital initial de l’individu jusqu’à sa majorité. Pour les adultes, ce revenu d’existence serait un complément d’un salaire ou d’une prestation sociale. Ce droit garanti serait accompagné de la suppression de nombreuses prestations aujourd’hui versées (myriade de 150 allocations diverses actuelles). Le montant fait encore débat. Ainsi, pour l’économiste Yoland Bresson, le président de l’AIRE et co-fondateur au niveau mondial du Basic Income Earth Network (BIEN), prône une somme de 300 euros pour tous. L’économiste libéral Jacques Marseille, décédé l’an passé, était favorable à une allocation universelle de 750 euros mensuels à tous les Français âgés de plus de 18 ans, la moitié pour les mineurs. De son côté, Christine Boutin, la présidente du Parti chrétien-démocrate souscrit à cette idée mais en ne proposant que 400 euros par adulte et 200 euros par enfant. Enfin, quant au financement, il est généralement lié à deux sources les plus souvent évoquées, par redistribution ou par création monétaire. La première solution proposée par l’universitaire Marc de Basquiat prend la forme d’une réforme de l’impôt sur le revenu qui serait transformé en Impôt Universel de Redistribution des Revenus (IURR). La seconde solution ne coûterait mais nécessite toutefois la réappropriation par l’Etat de la fonction régalienne de création monétaire.

  • Voir le documentaire "Le revenu de base, une impulsion culturelle".

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Les expérimentations de l’allocation universelle

Dès la fin du XVIIIe siècle, l’intellectuel franco-américain Thomas Paine est l’un des premiers penseurs du revenu de vie dans son ouvrage Agrarian Justice (Justice agraire). Il y évoque l’idée d’une dotation inconditionnelle pour tout individu à l’âge adulte et d’une pension de retraite elle aussi inconditionnelle à partir de 50 ans. L’idée s’est développée et a convaincu notamment aux Etats-Unis où l’Alaska a mis en place dès 1976 le Fonds Permanent de l’Alaska, une forme particulière d’allocation universelle est basée sur les revenus miniers et pétroliers Ainsi, en 2003, chaque citoyen a reçu une somme d’environ 1 000 euros et 850 euros en 2004. Au Canada, l’Etat de l’Alberta verse, depuis 2006, 400 dollars canadiens à chacun de ses résidents, financés par les licences pétrolières qu’il a accordées. En Europe, le concept est relancé dans les années 1980 par les économistes français et belge Yoland Bresson et Philippe Van Parijs. D’autres universitaires ainsi que des politiques de toutes tendances, des altermondialistes aux libertariens (qui prônent la liberté individuelle absolue dans les rapports sociaux) sont regroupées au niveau mondial au sein de la structure internationale du Basic Income Earth Network (BIEN).

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