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Billet de blog 6 février 2014

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Une PAC plus verte, plus juste ou plus bidon?

 On va réformer la PAC en 2014. Oui, la Politique agricole commune, celle qui fixe les grandes orientations de l’agriculture européenne. Derrière des termes barbares, inaudibles à tout lecteur n’ayant jamais mis les pieds dans le purin, la PAC se traduit par des conséquences directes sur l’agriculture de nos régions. Tour d’horizon en Midi-Pyrénées.

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On va réformer la PAC en 2014. Oui, la Politique agricole commune, celle qui fixe les grandes orientations de l’agriculture européenne. Derrière des termes barbares, inaudibles à tout lecteur n’ayant jamais mis les pieds dans le purin, la PAC se traduit par des conséquences directes sur l’agriculture de nos régions. Tour d’horizon en Midi-Pyrénées.

par Maylis Jean-Préau sur www.frituremag.info

La PAC quésaco ?

Un peu d’histoire ! Les origines de la Politique agricole commune remontent aux lendemains de la seconde guerre mondiale. En 1957, le Traité de Rome instaure la création d’un marché agricole commun, mais la PAC ne sera vraiment mise en place qu’en 1962. Son but principal : relancer la production de denrées alimentaires sur un continent dévasté par les deux guerres mondiales. Pour garantir l’autosuffisance de la Communauté européenne, il faut moderniser les exploitations, restructurer la production et surtout l’augmenter. On doit à la PAC la hausse des revenus des agriculteurs, grâce à la mise en place de prix garantis, tout comme le productivisme à outrance, le remembrement et ses conséquences mortifères sur les territoires. L’histoire de la PAC est marquée par de grands tournants. Dès les années 70, l’offre devient supérieure à la demande sur certains produits, comme le lait. Or, exporter des denrées financées coûte très cher. Entre 1980 et 1992, le budget de la PAC est multiplié par trois ! Pour ralentir la production de certaines filières, l’Europe met en place des restrictions, à l’image des quotas laitiers.

En 1992, face à la pression internationale et à celle du secteur agroalimentaire pour ouvrir les marchés, l’Europe entame une baisse des prix garantis sur certains produits : les céréales chutent de 35% et la viande bovine de 15%. Afin de limiter le manque à gagner pour les agriculteurs, des aides compensatoires sont mises en place. En 1999, rebelote. Nouvelle baisse des prix et augmentation des aides compensatoires. La dernière réforme d’envergure date de 2003 et accouche du DPU (Droit à paiement unique). Les agriculteurs se voient attribuer pour chaque hectare un DPU, calculé par rapport aux aides versées entre 2000 et 2002. Certains, peuvent ainsi toucher 500€ ou plus par hectare contre 120€, voire beaucoup moins, pour d’autres.
Après plusieurs années de négociation les États membres, le Parlement Européen et la Commission ont enfin tracé les grandes lignes de la PAC pour la période 2014-2020. Celle-ci donne une assez large marge de manœuvre aux États qui négocient en ce moment son application sur leurs territoires.

Une politique moins inégale... et pourquoi pas l’égalité ?

Tout le monde le dit, même la FNSEA, cette nouvelle PAC est plus juste ! Tel un Robin des bois du XXIe siècle, notre ministre de l’agriculture a décidé de donner moins aux fermiers les mieux dotés pour mieux redistribuer. « En 2019, lorsque la réforme aura été entièrement mise en œuvre, les 20 % des plus gros bénéficiaires des aides en France toucheront 48 % des aides, au lieu de 55 % aujourd’hui », explique fièrement le ministère. En effet, certaines exploitations bénéficiant d’un DPU très élevé touchaient jusqu’à présent des aides importantes, alors qu’elles sont elles-mêmes très rentables. Des disparités qui seront donc gommées par la nouvelle PAC... mais pas complètement. Pour ne pas déstabiliser les mieux dotés d’hier, la convergence des aides ne sera que de 70% et un filet de sécurité leur permettra de ne pas perdre plus de 30% de leurs subventions. « Et pourquoi pas une convergence à 100% ? Ce qui revient à dire que chaque agriculteur touche le même montant par hectare, s’interroge Judith Carmona, de la Confédération Paysanne. La France n’est pas allée au bout, pourtant l’Europe lui donnait cette possibilité ».

En réalité, l’inégalité des aides accentue les différences de revenus entre agriculteurs. Ainsi, le revenu moyen d’un agriculteur en Midi-Pyrénées est de 20 000€ par an contre 100 000€ en Champagne Ardennes. « Le rééquilibrage des aides sera légèrement favorable à la région qui va recevoir 907 millions d’€ d’aides annuelles de la PAC », assure pour sa part Vincent Labarthe, vice-président du conseil régionale de Midi-Pyrénées en charge de l’agriculture.

Autre mesure phare, la surprime attribuée aux 52 premiers hectares, censée donner un coup de pouce aux petites exploitations et notamment aux éleveurs. Une mesure qui devrait être bien accueillie en Midi-Pyrénées où la surface utile moyenne des fermes est de 48 hectares. Mais la surprime, ayant provoqué la colère des céréaliers et de la FNSEA, qui la considère comme une « mesure sociale », verra ses effets limités.

Une PAC plus verte ?

C’est la grande nouveauté de la réforme agricole ! La PAC encourage désormais le verdissement des exploitations. Dans les faits, 30% des aides directes seront conditionnées à des pratiques culturales obligatoires : au minimum trois cultures sur une exploitation et 7% des terres arables dédiées à la conservations de haies, de jachères et autres réservoirs écologiques. « C’est la première fois qu’une réforme de la PAC prend en compte le verdissement », remarque Vincent Labarthe. Si la Confédération paysannese dit satisfaite du doublement du budget de l’agriculture BIO, elle regrette des conditions de verdissement peu contraignantes... « C’est déjà pas mal, lance un céréalier de Haute-Garonne, la première vocation de l’agriculture n’est-elle pas de produire plus que de faire de l’écologie ? ».

La difficile situation des zones de montagne

Les agriculteurs des Pyrénées peuvent souffler. « Le dispositif d’indemnité compensatoire de handicap naturel va être revalorisé, c’est un point positif. Nous attendons de voir ce que vont donner les négociations au niveau national sur la prime à l’animal, qui permettrait le maintien des troupeaux », explique Sarah Fichot, chargée d’étude à l’association des Chambres d’agriculture des Pyrénées. L’agriculture de montagne est l’une des moins bien loties de la PAC. Ses « systèmes à l’herbes » bénéficiant d’un DPU très faible, autour de 100€ par hectare. Pourtant, alors que le nombre de structures agricoles ne cesse de diminuer (moins 24% au niveau national), les systèmes d’exploitations pastorales montrent une meilleure résistance (moins 14% dans le massif des Pyrénées) et mériteraient une plus grande considération.

Un coup de pouce aux jeunes agriculteurs

Le constat est marquant. En Midi-Pyrénées, on compte un jeune qui s’installe pour quatre qui partent. « Le nombre d’éleveurs est en train de diminuer fortement. Le Gers et les Haute-Pyrénées perdent ainsi une trentaine d’éleveurs laitiers chaque année », regrette Étienne Barada, président des Jeunes Agriculteurs (JA) de Midi-Pyrénées. Face à cette problématique, la PAC a décidé d’accorder un supplément d’aide directe aux jeunes agriculteurs pendant les cinq premières années suivant leur installation. Une mesure qui ne solutionne pas tout. En dehors des 430 installations aidées en 2012, la région compte de plus en plus d’installations hors JA, qui ne sont donc pas concernées par la mesure.

Quand on apprend que le revenu moyen de la ferme en Midi-Pyrénées est légèrement inférieur aux aides qu’elle reçoit de la PAC, on réalise que l’avenir des 47 000 agriculteurs de la région est en train de se jouer. Si elle est plus verte et plus égalitaire, la PAC 2014-2020 a aussi ses délaissés. « Les toutes petites fermes qui pratiquent la polyculture et les maraîchers, qui ont pourtant déjà perdu beaucoup d’hectares et représentent de nombreux emplois, sont les plus grands perdants, remarque Judith Carmona. Cette réforme aurait pu aller plus loin, mais on sent que le soutien à l’agriculture productiviste est encore d’actualité »

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