Philippe Gagnebet (avatar)

Philippe Gagnebet

Journal du bord

Abonné·e de Mediapart

303 Billets

1 Éditions

Billet de blog 7 février 2013

Philippe Gagnebet (avatar)

Philippe Gagnebet

Journal du bord

Abonné·e de Mediapart

A Port-La-Nouvelle: port ou agriculture?

L’extension du port de Port-La-Nouvelle dans l’Aude est à l’ordre du jour des différentes collectivités. Au regard de l’agriculture, augmenter la capacité du port, c’est juger qu’une augmentation du trafic de ce port est prévisible, possible et souhaitable.

Philippe Gagnebet (avatar)

Philippe Gagnebet

Journal du bord

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’extension du port de Port-La-Nouvelle dans l’Aude est à l’ordre du jour des différentes collectivités. Au regard de l’agriculture, augmenter la capacité du port, c’est juger qu’une augmentation du trafic de ce port est prévisible, possible et souhaitable. Pour cela on escompte la création de nouveaux marchés à l’importation et à l’exportation ou un transfert de trafic arrivant ou provenant d’autres ports ou par d’autres moyens de transport. Explications et arguments.

par Pascal Pavie
L'intégralité de l'article sur www.frituremag.info

En ce qui concerne l’activité agricole et agro-alimentaire, il nous faut savoir ce qui peut être exporté et ce qui sera importé. En faire le bilan et déterminer si cela aura un impact positif sur l’économie agricole et para-agricole de notre région et de notre pays. Pour cela il faudrait donc que les exportations agricoles de produits bruts ou transformés soient supérieures en volumes et en valeur aux importations. En ce qui concerne au moins ce qui peut être produit sur notre région ou grande région. Et considérer si les sommes investies au regard des externalités négatives justifient un tel agrandissement du port.

En premier lieu il est nécessaire d’évaluer les capacités de production ainsi que les demandes du marché international pour évaluer les possibilités d’accroissement des exportations.
Tel qu’il est expliqué dans le projet remis par le Conseil Régional, Port-La-Nouvelle a et gardera des capacités d’exportation et d’importation de produits agricoles constitués de grains – céréales, de farine, et de liquides alimentaires. L’extension ne concernera que ces produits. Les autres produits comme les fruits et légumes, viandes, produits laitiers, ont vocation à être traités sur d’autres ports comme Sète ou Port-Vendres en ce qui concerne le Languedoc–Roussillon. Il n’est nullement question de changer ces spécialisations portuaires. D’autant que le port de Sète est déjà en sous utilisation suite à la faillite d’Agrexco qui devait occuper une partie des installations portuaires et frigorifiques du port avec des fruits et légumes en provenance d’Israël.

CAPACITÉS D’ACCROISSEMENT DES EXPORTATIONS VERS LA CHINE
Dans le document du Conseil Régional, il est mentionné « le basculement de l’économie mondiale vers le Pacifique et la Chine ». La question est de savoir si nous sommes en capacité de concurrence pour nos productions avec ces pays ? L’agriculture de notre région sera -t-elle gagnante dans ces échanges ?

Vu les écarts très importants de coût de main d’œuvre (en Chine les salaires restent 8 à 10 fois inférieurs aux salaires en France), notre pays ne peut tirer avantage du commerce que pour les produits agricoles ne nécessitant que peu de travail pour des produits que nous soyons en capacité de produire ou qui font défaut à ces pays. Les seuls produits envisageables pour Port-La-Nouvelle sont le vin et les céréales.

Le commerce et le transport du vin
Il est fort probable que les exportations de vins vers les pays asiatiques, la Chine et les autres pays ne vont pas connaître une augmentation substantielle justifiant des nouvelles capacités de transport. D’une part une grande partie de ce vin est traditionnellement transporté par le port de Sète (1 million de tonnes de transit export- import ) en vrac ou en bouteilles ainsi qu’à Marseille (235 000 tonnes exportées dans ce port) qui disposent déjà des infrastructures pour ce commerce et des entreprises spécialisées pour le stockage et l’embarquement du vin.

D’autre part le vin produit par le Languedoc Roussillon est fortement concurrencé par les vins dit du Nouveau monde surtout sur le marché asiatique et également par la production même de la Chine qui est passée à 12 millions d’hectolitres (c’est à peu près ce que produit encore la région LR).
Avec un taux de croissance de 50% sur la dernière décennie et sur la même période une augmentation de surface de 176 %. La Chine ne se contente pas de produire pour son marché intérieur, elle est devenue une grande exportatrice : 2 millions d’hectolitres pour une valeur de 23 millions de USD avec 227 % d’augmentation en valeur entre 2009 et 2011. Il est vrai que dans le même temps les importations de la Chine ont continué d’augmenter de 214% dans ces mêmes années, mais ces importations ne concernent le vin français que pour un tiers des volumes, soit 1,27 millions d’hectolitres. Ce sont essentiellement des vins haut de gamme, les vins "premium" sont eux importés du Chili, d’Australie, d’Espagne, d’Italie. Le Languedoc Roussillon exportait en 2011 vers la Chine 262 600 hl au prix moyen de 2,30 € le litre.
Le seul vin qui pourrait transiter par Port-La-Nouvelle serait du vin à bas prix ou de l’alcool de vin en vrac qui profiterait des capacités de stockage, mais nous avons vu que ce marché est très hasardeux au vu de l’augmentation de production chinoise celle ci devant doubler d’ici 2015 et également de la qualité du vin chinois. 90 % du vin consommé en Chine est actuellement chinois. Pour ce qui est de l’exportation d’alcool de vin , il semble que le marché soit complètement saturé.

SUR LA COMPLÉMENTARITÉ DES PORTS
PLN serait destiné à des produits de rotation lente pour des produits à faible valeur ajoutée comme les céréales et comme nous l’avons vu le vin en vrac. Les atouts de PLN face à Sète pour les productions audoises et à fortiori héraultaises sont difficiles à cerner. Pour la production céréalière du Lauraguais ou de Midi-Pyrénées la distance est sensiblement la même pour PLN et pour Sète. La production des Pyrénées-Orientales est insuffisante pour l’export. Seul le vin des P-O a un avantage net de distance pour PLN.
Sète possède un avantage sur PLN, sa proximité avec le sillon rhodanien pour le commerce avec le nord de l’Europe et la connexion fluviale par le Canal reliant Sète au Rhône se prêtant justement aux rotations lentes. Ces dernières ne sont donc pas l’exclusivité de PLN. Ni le Canal, ni le port de Sète ne sont saturés et l’avantage va pour ce commerce très nettement pour le port de Sète, les investissements y sont pour la plupart tous déjà réalisés.

DURABILITÉ
L’accroissement des flux de marchandises concerne essentiellement les transports sur de longues distances. Cet aspect est contraire aux nécessités de relocalisation de la production française et régionale. Augmenter les distances de transport, c’est déjà augmenter les émissions de CO2, la consommation d’hydrocarbures et d’énergies non renouvelables, c’est accroître les risques de pollutions en mer et sur la côte, c’est mettre en péril la pêche côtière. Comment ce projet peut il s’inscrire dans les objectifs de l’agenda 21 auquel il est fait référence ?
Augmenter le trafic sur le littoral méditerranéen nécessitera d’augmenter la capacité des axes de transport routiers et ferroviaires sur des voies déjà congestionnées. Se pose donc la question de la nécessité de détruire encore des surfaces agricoles pour élargir les routes et construire la ligne LGV alors même que l’Aude a vu disparaitre 6 % de son territoire agricole en 10 ans soit 14 500 hectares de SAU (surface agricole utile), déjà deux fois plus que la moyenne française qui est de 3 % (source Conseil général de l’Aude-Oct 2012). D’après la SAFER une ligne LGV amputerait la région de 4600 hectares de terres agricoles auxquelles il faudrait encore ajouter quelques centaines d’hectares pour l’élargissement de l’autoroute si le trafic continue d’augmenter

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.