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Billet de blog 7 septembre 2012

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Les oiseaux ne connaissent pas de frontières

Circaète Jean-le-Blanc Photo Stéphane DurandChaque année, dès l’été et jusqu’à l’automne, des dizaines de millions d’oiseaux quittent leurs lieux de reproduction pour des zones plus clémentes l’hiver, situées parfois à des milliers de kilomètres, avant de revenir au printemps suivant. Qui sont-ils ? Pourquoi et comment migrent-ils ? Petit cours d’ornithologie migratoire.

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Circaète Jean-le-Blanc Photo Stéphane Durand

Chaque année, dès l’été et jusqu’à l’automne, des dizaines de millions d’oiseaux quittent leurs lieux de reproduction pour des zones plus clémentes l’hiver, situées parfois à des milliers de kilomètres, avant de revenir au printemps suivant. Qui sont-ils ? Pourquoi et comment migrent-ils ? Petit cours d’ornithologie migratoire. (Article paru en novembre 2011 dans le magazine papier, repris ici dans son intégralité)

Par Philippe Bertrand sur www.frituremag.info

Le roc de Conilhac, entre Gruissan et Narbonne, est un lieu de rendez-vous obligé pour les ornithologues. Chaque année, dès la fin de juillet et jusqu’à mi-novembre, passionnés et curieux se retrouvent dans ce camp de migration géré par la LPO pour assister à un fabuleux spectacle vivant, celui des oiseaux qui partent vers le sud, l’Espagne ou l’Afrique, des destinations où la nourriture ne leur manquera pas de l’hiver, des régions différentes de celles où ils donnent la vie. Il en passe des centaines de milliers chaque automne, seuls ou en groupe selon les espèces, volant dans ce couloir de migration, véritable « autoroute » invisible entre Méditerranée et Pyrénées. «  Les Pyrénées sont un point de passage obligé, explique Sylvain Frémaux, chargé d’études ornithologiques à l’association Nature Midi-Pyrénées. S’il y a une migration très diffuse sur toute la chaîne, les oiseaux choisissent toujours les points les plus bas, les Pyrénées-Orientales et le Pays basque.  »

L’étude scientifique de la migration des oiseaux n’est pas très ancienne. Pendant longtemps, on a cru que les oiseaux hibernaient, comme les marmottes ou les ours. C’est à la fin du du xixe siècle qu’on a commencé à étudier les vols migratoires, avant de mettre en place des campagnes de baguage des oiseaux, afin de les compter et de les reconnaître.
En France, c’est en 1979 qu’une poignée d’ornithologues, révoltés par les massacres au Pays basque de pigeons ramiers et autres espèces protégées, ont loué un col de tir à la palombe, Organbidexka, pour en faire un observatoire des migrations postnuptiales.
Si on étudie les migrations en observant les vols d’oiseaux, on les suit aussi aujourd’hui grâce aux radars ou à des balises GPS.
C’est ainsi qu’on a pu distinguer plusieurs catégories d’oiseaux migrateurs. Certaines espèces, comme les hirondelles ou les milans noirs, voient toute leur population partir à l’automne et revenir à la fin de l’hiver, ce sont les migrateurs stricts. D’autres sont des migrateurs partiels, où seule une partie de la population migre. Les pigeons ramiers de Scandinavie franchissent les cols des Pyrénées et migrent vers l’Espagne, alors que ceux qui nichent plus au Sud sont sédentaires. Dans nos régions en hiver, il n’est pas rare de voir des rouges-gorges, d’ordinaire forestiers, dans les jardins. Eux aussi viennent d’Europe du Nord et remplacent ceux qui nichent habituellement sous nos latitudes, partis en Espagne. Enfin, très peu d’espèces présentes en Europe sont strictement sédentaires.

René Apallec

Une migration aux multiples visages

Le comportement migratoire des espèces est variable. Certaines, comme le martinet noir, parcourent des milliers, voire des dizaines de milliers de kilomètres, d’autres, des centaines seulement. Comme toute espèce animale, c’est la recherche de conditions climatiques plus clémentes et la présence de nourriture qui conditionnent la migration des oiseaux. Les espèces granivores ne partent pas aussi loin que les insectivores car il leur est plus facile de trouver des graines que des insectes. Les busards et autres rapaces se nourrissant d’animaux à sang chaud partent au nord de l’Afrique, alors que le circaète Jean-le-Blanc, qui se nourrit de serpents et de lézards, traverse le Sahara. Cependant, d’autres facteurs, biologiques, interviennent également.
La plupart des espèces migrent en groupe et sont plus faciles à observer. En Aquitaine, on peut ainsi lever les yeux pour admirer des vols en V de grues cendrées, qu’on reconnait à leur cri caractéristique. Sur le Roc de Conilhac, ce sont des centaines de milans noirs ou des bondrées apivores qu’on peut voir. La migration d’autres espèces est plus difficile à appréhender. Le busard des roseaux vole seul, et on entend plus le rossignol, qui vole de buisson en buisson, qu’on ne le voit, même si lui aussi entame un vol plus long la nuit.
De nombreuses espèces migrent la nuit, ce qui permet aux oiseaux de rencontrer moins de prédateurs, de mieux réguler leur température interne et d’économiser leur énergie, les turbulences étant moindres. Au contraire, les cigognes et certains rapaces volent le jour, profitant des courants ascendants d’air chaud.

René Apallec

Pour ces grands oiseaux adeptes du vol à haute altitude, comme pour tous les autres, la migration ne s’effectue jamais sans étapes, pour se reposer ou trouver de la nourriture. Les itinéraires sont propres à chaque espèce, même si on retrouve des éléments communs. « Les voies sont ancestrales et n’ont pratiquement pas bougé, confirme Sylvain Frémaux. Mais cela peut évoluer de façon exceptionnelle, à cause de certaines menaces, comme les éoliennes posées sans études d’impact, en dépit du bon sens. » Si les ornithologues connaissent les voies de migration, la capacité des oiseaux à s’orienter reste un mystère, même la vue, la sensibilité au champ magnétique terrestre et le positionnement par rapport au soleil ou aux étoiles l’expliquent en partie.
Comme les oiseaux, les hommes se sont toujours déplacés pour trouver de des ressources alimentaires ou de meilleures conditions de vie. Mais les oiseaux, eux, ne connaissent pas de frontières, même si l’activité humaine vient à troubler de plus en plus ce magnifique spectacle de la vie.

Les hommes irresponsables

Près d’un quart des 568 espèces d’oiseaux recensées en France pourrait disparaitre, d’après une alerte lancée cette année par le comité français de l’IUCN et le Muséum d’histoire naturelle. Intensification des pratiques agricoles, régression des prairies naturelles, pollutions, persécutions, c’est l’activité humaine qui est à l’origine de cette menace et a entraîné le déclin de nombreuses espèces.
On commence également à mener des études pour évaluer l’impact du réchauffement climatique sur les oiseaux, mais il faudra attendre plusieurs années pour avoir les premiers résultats. Cependant, certaines espèces se trouvent déjà affectées par l’élévation des températures, voyant la réduction de leurs ressources alimentaires (cf. interview A. Bougrain-Dubourg).

La migration, un instinct ?

Quels facteurs poussent les oiseaux à migrer ? Chaque année, quand les petits sont sortis du nid, les oiseaux éprouvent le besoin de migrer. Cela s’accompagne de la sécrétion d’une hormone, variable selon chaque espèce en fonction d’une durée de jour particulière, qui agit la biologie des oiseaux : des plumes plus longues poussent et des graisses s’accumulent dans le poitrail. Le poids peut ainsi doubler pendant cette période. Leur comportement est également modifié. On a pu l’observer chez des oiseaux migrateurs élevés en cage. Les animaux s’agitent, commencent à se déplacer, se regroupent chez certaines espèces, y compris parmi celles qui nichent esseulées, comme la bondrée apivore. C’est le Zugunruhe. Ces phénomènes de regroupement sont surtout sécuritaires, comme chez les autres animaux, car la migration est dangereuse. On pourrait même évoquer une certaine forme de solidarité entre les oiseaux.
Enfin, c’est quand les températures baissent et que la nourriture se fait plus rare que la migration se déclenche.

Le site de la LPO : www.lpo.fr
Le site de Nature Midi-Pyrénées : www.naturemp.fr
La base de données française sur les migrations : www.migraction.net

Quelques ouvrages
L’indispensable Guide ornitho, de Lars Svensson, éditions Delachaux et Niestlé. 446p., 30 €.
Pour les enfants, A vol d’oiseau, les migrations, de Michel Franscesconi et Capucine Mazille, les Editions du Ricochet. 12 €

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