
L’enseignement agricole existe en France, sous la forme qu’on lui connaît, depuis la fin du XIXe siècle, au moment de la création du ministère de l’Agriculture. Il faudra attendre la seconde moitié du XXe siècle pour voir l’enseignement sortir des sillons habituellement labourés. Les établissements d’enseignement agricole se sont adaptés à cette nouvelle donne et mettent l’accent sur un plus grand respect de l’environnement.
par Philippe Serpault sur www.frituremag.info
Les politiques agricoles menées depuis la fin de la seconde guerre mondiale auront provoqué une hémorragie au sein même des exploitations, l’ascenseur social commandait alors de quitter des exploitations difficilement viables et de se détourner d’un métier déprécié. Dans tous les cas, l’histoire agricole du territoire a impulsé les spécificités que garde encore chaque établissement, dont les enseignements ont permis de revaloriser le métier d’agriculteur. Cependant, l’enseignement général devient la règle avec toutefois une touche particulière qui intègre systématiquement l’environnement du sujet abordé.
La marque du territoire
Ainsi, le lycée Charlemagne de Carcassonne propose des cursus autour de la viticulture et de l’œnologie, de l’horticulture, et des grandes cultures, quand le lycée Ariège-Pyrénées de Pamiers propose un cursus tourné vers l’élevage laitier. Dans tous les cas, une exploitation attenante produit les cultures étudiées dans l’établissement. Cependant, chacun étend son domaine d’intervention tout en restant en lien avec le territoire rural. Le public actuel des établissements d’enseignement agricole a fortement évolué, 80% des élèves étaient issus de familles d’agriculteurs voici vingt ans, ils ne représentent plus aujourd’hui que 25%, d’où la diversification des formations, mais aussi la création de nouvelles compétences dans le domaine des services à la personne, de l’environnement et du tourisme. Cela dit, l’enseignement agricole ne représente que 1% de l’ensemble de l’enseignement en France, le fonctionnement a gardé sa particularité, étant resté sous la tutelle du ministère de l’Agriculture.
Si la profession siège au conseil d’administration de chaque établissement, il ne s’agit pas de créer des formations à la carte : « Nous dépendons d’un système académique, il est difficile de mettre en place de nouvelles formations », explique Daniel Sintès, proviseur du lycée de Pamiers, néanmoins, l’établissement peut moduler les formations existantes en rapport avec l’évolution du territoire. À Carcassonne, on a vécu la campagne d’arrachage des vignes en 2006 : « La question de la reconversion s’est posée à ce moment-là », reconnaît Pascal Trouche, proviseur adjoint au lycée Charlemagne. Si les velléités de la profession, de développer des filières restées marginales sur le département, n’ont pas encore trouvé d’écho au lycée, l’établissement suit les évolutions de près et intègre parfois des modules au sein des cursus de formations professionnelles et pour adultes.
Le retour du terroir
Les véritables évolutions se produisent au sein des formations existantes : « Depuis 2006, on assiste à une remise en avant de l’agronomie, chaque agriculteur devra désormais s’approprier son propre territoire », indique Pascal Trouche, en clair, il ne s’agit plus de reproduire un modèle unique venu d’en haut. Cette notion de terroir, souvent galvaudée, vient s’enraciner au sein des cursus, en général les établissements d’enseignement agricole n’ont pas attendu le Grenelle de l’environnement pour se mettre à la page.

À Pamiers, l’établissement a adopté l’Agenda 21 depuis 2002 dans son enseignement comme dans son fonctionnement : « Nous étions un des piliers d’une expérimentation nationale sur le développement durable », se félicite Daniel Sintès qui a mis en place des mesures agro-environnementales sur l’exploitation. « L’agronomie est une discipline qui a besoin de temps, on a mis cinquante ans à détruire les sols, il nous faudra plus de temps pour les restaurer », prévient Pascal Trouche dont l’établissement effectue des comparatifs entre les agricultures intensive, raisonnée et biologique. Il appartient par la suite, au futur agriculteur, de choisir, sachant que tous les diplômes proposés à Carcassonne intègrent la filière agrobiologique.
Si le climat paraît favorable à la reconversion, l’histoire, et surtout les habitudes, pèsent parfois sur les choix : « Avec la bio, on va parfois à l’encontre de pratiques qui durent depuis près de soixante-dix ans, et sont devenues ancestrales », de plus, les réponses se sont avérées plus complexes. La question des organismes génétiquement modifiés est abordée dans le cadre de la génétique, et à Carcassonne, l’enseignement y fait intervenir un zeste de philosophie : « Nous abordons les enjeux de l’alimentation à l’échelle mondiale, mais aussi la controverse, un enseignant de philosophie intervient sur le sujet. » Selon Pascal Trouche, il s’agit de donner le champ, des possibles sans apporter de conclusion définitive : « L’agriculture, ce n’est pas de l’industrie, c’est vivant et l’on ne produit pas des boîtes de conserve », voilà qui n’est pas forcément compatible avec une économie qui ne s’appuie que sur le court terme.