
Quelles énergies pour la planète ? Reportage à Lézan, dans le Gard, du 26 au 28 août par Christophe Pélaprat sur www.frituremag.info
Enfin des rencontres nationales sur le thème de l’énergie ! Une retombée du Grenelle de l’environnement ? Un coup de com’ d’un candidat aux présidentielles ? Ou enfin la décision salutaire d’un gouvernement rendu à la raison entre Fukushima et les incertitudes d’un pic pétrolier ? Que nenni ! C’est aux collectifs contre le gaz de schiste que revient cette initiative de « convergence citoyenne pour une transition énergétique ». Trois jours de rencontres, de débats, d’ateliers autour d’une seule question : quelles énergies pour demain ?
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Anduze, aux portes sud des Cévennes, à deux pas des rencontres « Energies pour la planète ». Le propriétaire d’un camping résume la situation locale : « Il n’y a plus rien ici. Avant, à Alès, il y avait les mines, une grande industrie, aujourd’hui les plus gros employeurs sont la mairie et le centre des impôts, on a tout délocalisé. Et l’agriculture… » Sans le vouloir, cette tirade résignée résume le constat partagé à Lézan, du 26 au 28 août : nous sommes au bout d’un système, énergétique, économique, social, et il est temps d’en changer.
Plus de 15000 personnes sont venues à l’appel des collectifs contre le gaz de schiste. De véritables états généraux citoyens pour envisager l’avenir énergétique. Chaque jour, quatre chapiteaux accueillaient des débats passionnés, tables rondes et ateliers invitaient spécialistes, militants associatifs, auteurs, politiques, à venir exposer leurs constats et leurs propositions.
Des discussions qui allaient bien au-delà des problèmes d’énergie et posaient, comme l’ont déjà révélé tout au long de cette année les débats sur les gaz de schiste, les questions d’un véritable choix de société.
Lézan, ce fut d’abord un large consensus contre la fuite en avant des énergies fossiles, un front uni face au gaz de schiste, au nucléaire, à l’omniprésence du pétrole…Des intervenants tels que Benoît Thévard (voir l’interview ci-dessous) ont posé le constat sans appel de l’épuisement des ressources et en particulier du pic pétrolier qui, s’il s’impose comme un enjeu vital pour les prochaines décennies, reste ignoré d’une grande partie du public et de la plupart des politiques. Notre société, organisée jusqu’ici sur la base d’une énergie abondante et peu chère, ne pourra plus connaître son fonctionnement d’aujourd’hui devant la raréfaction de bon nombre de ressources.
C’est pourquoi dès le début, dans la plupart des débats, les principaux responsables sont désignés : le mythe de la croissance infinie et les méfaits du capitalisme, fut-il repeint en vert. Car la seule issue de sortie impose d’abord de rompre avec les logiques marchandes qui prévalent dans le domaine de l’énergie. Celle-ci doit « sortir du marché » et « être mise en œuvre collectivement pour répondre aux besoins », a notamment proposé le réseau Sortir du nucléaire, à l’inverse d’un marché énergétique basé sur des objectifs de consommation.
Le marché n’est pas la réponse
Très vite se sont affirmées les volontés, non de modifier le système, mais de changer de système. « Le 20e siècle nous a laissé un boulet : l’antagonisme entre un communisme à bannir et un capitalisme censé nous sauver, assène Sophie, une participante. Ne pouvons-nous pas inventer une société de marché non capitaliste ? » « Sortir d’une économie de marché et créer une société avec marché », entend-on ailleurs.
Des propos étayés par un syndicaliste, représentant le personnel des centrales nucléaires, qui sans vouloir prendre position pour ou contre son industrie, en dénonçait les dérives : « On a une certitude : le marché n’est pas la réponse, on l’a pratiqué ».

Stage improvisé de Désobéissance avec le spécialiste Xavier Renou
Mais la principale préoccupation est la nécessité de réagir rapidement face aux risques du pic pétrolier et du changement climatique. De quelle résilience (capacité à subir un choc et à s’y adapter) sommes-nous capables ? Sobriété, renouvelables, mais surtout relocalisation et reconversions économiques, les propositions ne manquaient pas.
« Il faut recentrer l’économie et répondre aux besoins existants, donner du sens » plutôt que de céder aux sirènes de la consommation, proposait François Veillerette (Générations futures).
Des initiatives, comme l’exemple des territoires en transition, démontrent qu’il est possible d’imaginer d’autres modèles économiques et qu’il existe des marges de manœuvre entre le nécessaire plancher (le minimum vital) et le plafond toujours plus haut (la surexploitation des ressources).
Pas facile, cependant, de bousculer ses habitudes et de s’opposer à des ressources qu’on utilise au quotidien. « Pour changer son mode de vie, il faut l’avoir intégré, il ne suffit pas qu’on nous le dise », rappelait-on. Être acteur de la transition renvoie à la citoyenneté, aux principes démocratiques : qui décide de son offre énergétique ou de l’utilité de telle ou telle industrie ? Relocaliser la démocratie et redéfinir la gouvernance, le « quatrième pilier de la transition », sont des processus indissociables du changement pour la plupart des participants.
Transition démocratique
Ces sombres constats et ces horizons que beaucoup taxeraient de fantaisistes n’étaient pas pour autant teintés de « déclinisme ». Pas de pensées d’apocalypse à Lézan mais bien des envies d’en découdre pour un avenir plus responsable. On ira même jusqu’à exiger d’autres utopies, tel l’auteur François Plassard qui plaidait « un nouvel imaginaire social, un nouveau mythe à proposer ». « Il faut construire une vision positive », affirmait Benoît Thévard. « On a oublié de rêver », concluait Danielle Grünberg, ambassadrice de Transition France.
Mais si la convergence était plutôt de mise, la plupart des participants étaient bien conscients d’être là entre convaincus. « Qu’est-ce qui va permettre aux habitants des villages d’à côté d’être perméables à ces informations ? » posait simplement l’un des intervenants. Là encore, des rouages de démocratie locale sont nécessaires : certains ont expérimenté des réflexions collectives à l’échelle de leur quartier, des enquêtes sur les besoins énergétiques de tout un chacun, d’autres misent sur la proximité que permettent les élections municipales…
À côté, le village des possibles offrait un vaste espace de démonstration. Séchoir et four solaires, construction d’éolienne, méthanisation, habitat auto-construit… ainsi qu’artisans et stands associatifs apportaient autant de ressources à qui voulait s’engager sur la voie de la transition.
Dans la bonne humeur et sans défaitisme, ces rencontres auront marqué le pas vers une prise de conscience collective et une vive volonté de réagir.
L’appel de Lézan pour une convergence énergétique synthétise ces exigences. Une véritable leçon de civisme par ces temps de pseudo-crise et de repli identitaire, révélatrice d’une certitude : l’énergie n’est pas qu’un pur problème écologique mais un enjeu du vivre ensemble.
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