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Billet de blog 8 octobre 2013

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Henri Arévalo : "Non, le Cédis n’est pas la vache à lait des écolos"

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 Mis en cause par le magazine de France 2 "Cash investigation" le centre de formation des élus écologistes (Cédis), répond par la voix de son président Henri Arévalo. Argent public de la formation détourné, financement des partis politiques déguisé, l’élu du Sicoval nie tout en bloc et dénonce des pratiques journalistiques plus que douteuses.

 par  Philippe Gagnebet  sur www.frituremag.info

Pouvez-vous expliquer la fonction du Cédis et son origine ?

Tous les élus locaux ont le droit de suivre des formations. Le Ministère de l’Intérieur agrée des organismes qui peuvent ensuite organiser des sessions pour les élus de communes ou des Régions, c’est la loi et la plupart des partis ont leur propre structure, tel le Centre Condorcet pour le PS. En 1998, la fédération des élus écolos (ex Fedel) avait mis en place un réseau de personnes compétentes sur les questions de développement durable et d’initiatives sociales. J’ai été chargé à l’époque de fonder notre propre organisme de formation : le Cédis.

Comment sont financées ces formations ? Les reportages de France 2 insinuent que c’est de l’argent public qui tombe directement dans les caisses de votre organisme ?

Ce n’est pas totalement exact. Ce ne sont pas des subventions, les collectivités payent des prestations. Les élus qui veulent suivre les formations s’inscrivent et attendent, comme tout citoyen, que leur formation soit validée, en l’occurrence par le maire ou le président de leur collectivité. Ce sont donc les communes, les communautés d’agglomération ou les régions qui financent ces formations. Nous avons d’ailleurs mis en place un système de mutualisation qui permet aux petites communes, qui ne sont pas très riches, de payer ces formations à des tarifs assez bas. Quant nous avons affaire à des régions ou de grandes villes, ce tarif est beaucoup plus élevés. Nos tarifs sont en dessous de la moyenne pratiquée par les autres organismes. Ce système de mutualisation permet donc aux élus de petites communes de suivre ces sessions, sinon ils ne viendraient jamais en formation. Le chiffre d’affaire annuel du Cédis est d’actuellement environ 1 million d’euros, nous comptons cinq salariés ETP et évidemment un vaste réseau de formateurs. Nous ne cachons rien. En 2011 nous avons publié un document sur notre site qui rend compte de notre activité, y compris financière. Quel autre organisme de formation l’a fait ?

L’émission met surtout en doute la présence effective des élus lors de ces formations. Cécile Duflot est par exemple piégée sur une formation à laquelle elle n’aurait pas participé entièrement. C’est là le problème soulevé : ces formations sont-elles "bidon" et seulement mises en place pour récolter des fonds ?

Certainement pas, bien au contraire. Nous comptons un très faible absenteisme et bien au contraire, les élus sont extrêmement motivés et sont très demandeurs. Nos formations sont reconnues de très grande qualité et de haut niveau. L’émargement sert uniquement aux élus pour attester leur présence, notamment pour le remboursement des frais de déplacement et d’hébergement. Elles ne servent pas au Cédis, qui facture si huit jours avant il ne se désiste pas.Tous les organismes fonctionnent de cette façon. Pour être encore plus précis, dans le cas de nos formations du mois d’aout, nous proposons sept demi-journées de formation, pour un tarif correspondant à trois demi-journées.  Pour diverses raisons, des élus ne suivent pas toujours les 7 séances. Il n’y a rien de scandaleux. C’est leur choix et leur responsabilité. La notre c’est de créer les meilleures conditions de formation.

Pourtant, dans le reportage, il est souligné que ces formations sont souvent organisées en même temps ou presque, que les Journées d’été du parti. Le Cédis aurait même payé en 2004 la location de l’Université de droit de Toulouse, pour un montant de 26000 euros ?

Nos formations précédent les journées d’été du parti avec un léger tuilage, d’un jour et demi. Les élus arrivent à l’avance, plus tôt que les militants. Sans cette organisation beaucoup d’élus ne se formeraient jamais, peu disponibles dans l’année. Pour 2004, nous avons seulement payé notre part de location de locaux et d’autres prestations effectués par le parti. Il ne faut pas faire des raccourcis. Cela remonte à dix ans ! Il est vrai que les premières années, on avait très peu de notoriété pour louer nous même et obtenir la confiance des universités. En effet, jusqu’à 2004, les Verts négociaient donc l’ensemble des besoins avec la fac et nous refacturaient la location des locaux mais aussi d’autres prestations techniques, de sécurité.... ce système ne nous satisfaisait pas car pouvait prêter à critique, bien que légal. C’est notre volonté d’être transparent et de nous améliorer qui nous a fait changer de procédure. Depuis Grenoble en 2005, tout est parfaitement séparé. Pour être clair et répondre aux attaques de l’émission, il n’y a pas de porosité entre le Cédis et le mouvement écolo, il n’y a aucun détournement. C’est mon leitmotiv depuis quinze ans : bien faire la distinction entre le Cédis et l’activité du parti. Tous les administrateurs le confirmeront. Les journalistes n’ont jamais voulu entendre notre volonté d’améliorer notre fonctionnement et notre sincérité, trop intéressés par le sensationnel. C’est ce que je vis très mal aujourd’hui.

Il est aussi reproché au Cédis d’avoir financé le local des Verts à Paris, cette fois pour un montant de 75000 euros...

Nous n’avons pas financé les Verts. C’est totalement faux.  Une Société Civile Immobilière avait été constituée pour accueillir plusieurs structures, dont le siège des verts et nous avions pris des parts pour y mener nos propres activités de formation comme d’autres structures d’ailleurs. Ce local devait disposer de salles adaptées, nous souhaitions pouvoir y accéder car bien positionné à Paris, mais au final les salles n’étaient pas adaptées à la formation. Nous avons revendu tout simplement et très vite ces parts à leur valeur nominale et depuis acheté nos propres locaux à Montreuil.

Vous êtes-vous senti piégé par les journalistes, comment expliquez-vous ces attaques ?

Nous avions été contactés au mois de mars, Jean-Vincent Placé, ancien directeur, et moi-même Président.  J’ai apporté par écrit de nombreuses réponses à toutes les questions et fourni de nombreux justificatifs. J’ai vu le journaliste le 19 juin, j’étais en confiance puis j’ai été filmé à Montreuil le 10 juillet... pendant plus d’une heure et demie. J’ai par la suite envoyé un document de sept pages à Elise Lucet pour ré-expliquer notre fonctionnement et apporter des précisions. Dans l’émission, elle dit ne rien avoir reçu, c’est faux... J’ai vécu cette interview comme une attaque à charge, comme face à un rouleau-compresseur, oui piégé.

Cet entretien a été relu et corrigé sur certaines tournures par Henri Arévalo

Une émission qui fait beaucoup de bruit

Caméras cachées, interview téléphoniques enregistrées, interpellation des protagonistes dans des lieux privés ou à l’improviste... les méthodes de l’émission Cash investigation portent bien leur nom. Et connaissent un large succès auprès du public. Depuis la diffusion de ce documentaire sur le gaspillage supposé de l’argent public dans la formation professionnelle, internet se déchaîne et les avis sont partagés. Pour Rue 89, l’émission est un modèle de journalisme, alors que le Monde y voit un docu pour les Nuls et émet les plus grandes réserves sur les méthodes journalistiques employées. Le président de Jardiland, mis en cause par l’équipe de Cash Investigation, a décidé de porter plainte. Le Ministre du travail, Michel Sapin a lui même été déstabilisé dans le reportage, très "gêné" lors de certains passages.

Du côté des acteurs de la formation, on dénonce « une enquête à charge, qui met en avant des acteurs douteux (sectes et autres charlatans) et surtout opère beaucoup de confusion entre argent public et formation. Ce sont les entreprises qui, via des organismes de collecte,  financent en France la formation des salariés. Ce n’est donc pas directement de l’argent public. Et surtout, pas un mot sur les organismes sérieux du secteur. Il existe certainement des abus, mais le reportage est assez caricatural » témoigne une responsable du Greta à Toulouse.

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