
Musée du Vernet d'Ariège
La première Toussaint officielle s’est déroulée le 1er novembre au cimetière du camp du Vernet. Cent cinquante tombes et une stèle, coincés entre le bâtiment d’une coopérative agricole et un champ de maïs : c’est tout ce qui reste aujourd’hui du camp d’Ariège à, quelques kilomètres de Pamiers. Les inscriptions des pierres tombales montrent de multiples nationalités : Espagnols, Russes, Italiens, Polonais, Chinois, Ukrainiens... Ils faisaient partie de ces « étrangers indésirables » internés dans un camp qui, si les mots ont un sens, a fait office de véritable camp de concentration.
Ouvert de septembre 1939 au mois d’août 1944, le camp du Vernet est qualifié de camp de concentration dans les documents administratifs des années 30. Il passe pour le plus dur de ce genre en France. Encore faut-il situer son existence et son rôle dans l’histoire. En février 1939, sous le gouvernement radical d’André Daladier, il fait partie des onze principaux camps destinés à recueillir les lambeaux de l’armée républicaine en déroute, notamment les anarchistes de la colonne Durruti. Alors camp d’internement, il n’a pas vocation à être répressif.

Il n’a pour autant rien à voir avec un camp de vacances. Les baraquements, dont certains remontent aux origines d’un premier camp créé en 1918 devenu lieu de stockage de matériel militaire, ne sont pas chauffés dans une plaine du piémont pyrénéen battue par le vent. Les républicains ont évidemment interdiction d’en sortir et sont gardés par des tirailleurs sénégalais auxquels succéderont les gardes mobiles. En juillet 1939, 13 430 hommes y sont entassés dans des conditions stigmatisées par les autorités même du camp qui décrivent « des situations sanitaires totalement insalubres » propices aux maladies infectieuses. Les premiers décès se produisent. Le recueil de ces éléments de l’armée républicaine s’effectue dans une France où la xénophobie fait partie des valeurs à la hausse. Dès le 2 mai 1938, le gouvernement Daladier publie des décrets restreignant les droits des étrangers en France. Pour Maëlle Maugendre, étudiante thésarde et auteure d’un mémoire sur le camp du Vernet (De l’exode à l’exil. L’internement des Républicains espagnols au camp du Vernet. Lire note 1), « il s’agit de s’assurer que la présence de l’étranger sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l’ordre public ». Quoiqu’il en soit, en septembre 1939, les réfugiés espagnols quittent le camp du Vernet, soit pour retourner en Espagne à leurs risques et périls, mais il y a eu des retours forcés, soit pour une minorité émigrer à l’étranger, soit pour intégrer la population active française, beaucoup d’entre eux s’engageront dans la résistance. Le camp ferme ce même mois de septembre... pour ré-ouvrir en octobre de la même année. Et gagner ses galons de camp le plus dur de France.


Première étape avant Auschwitz
Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. C’est dans ce climat tendu, avec une société imprégnée de culture xénophobe, que le camp du Vernet endosse sa nouvelle fonction : assurer la surveillance des étrangers dont le gouvernement estime que leur présence constitue une menace potentielle pour le pays. « Des différents camps créés à l’accueil des Républicains espagnols, Le Vernet est le seul à continuer son existence », précise Maëlle Maugendre. Le Vernet accueille alors des réfugiés antifascistes qui ont fui l’Allemagne nazie, l’Europe centrale ou l’Italie mussolinienne pour un séjour plus ou moins prolongé. Entre autres personnalités, il voit passer dans ses murs Luigi Longo, chef du parti communiste italien, de futurs ministres des pays du bloc de l’Est, l’écrivain espagnol Max Aub (2), l’écrivain britannique d’origine hongroise Arthur Koestler (3). Le maréchal Tito y aurait effectué un séjour. Dans une curieuse cohabitation, certains fascistes y sont également détenus. C’est notamment le cas de Léon Degrelle, figure emblématique de l’extrême droite collaborationniste belge, ex-membre de la Waffen SS qui finira ses jours paisiblement et sans regrets dans l’Espagne franquiste. Le régime du camp, surveillé par la garde-mobile, s’est durci. Le 16 juin 1940, le maréchal Pétain devient président du conseil, le 10 juillet de la même année l’assemblée nationale lui vote les pleins pouvoirs. Le Vernet entre dans sa période la plus dure. Le 3 octobre 1940, le gouvernement de Vichy publie le premier pan de sa législation anti-juive. Elle ouvre la voie à la déportation des Juifs vers les camps d’extermination. En Ariège, comme partout en France, les rafles de Juifs se déroulent durant l’été 1942, sous l’entière responsabilité du gouvernement de Vichy, les Allemands ne franchissant la ligne de démarcation que le 11 novembre 1942. Les Juifs rejoignent les prisonniers politiques du camp du Vernet. Si le nombre des morts du camp, 215 au total, de 1939 à 1944, peut paraître, dans une comptabilité macabre, relativement peu élevé au regard des victimes de la barbarie nazie, il faut souligner que toutes ne sont pas comptabilisées.
- L’intégralité de l’article sera à découvrir dans le magazine papier N°14, sortie le 16 novembre

Musée du Vernet d'Ariège
(1) http://www.unsa-education.org/telec...
(2) Sur le camp du Vernet, Manuscrit corbeau. De cet écrivain à (re)découvrir, lire par ailleurs son petit bijou d’humour noir Crimes exemplaires, ed. Phebus)
(3) Il relate son séjour dans La lie de la terre (1941, réédité en poche).
Pour toute information sur le camp du vernet : http://www.campduvernet.eu
A visiter : le musée du camp au village du Vernet – contacts sur le site.