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Billet de blog 9 février 2012

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Elevages industriels : rififi chez les poulets

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Dans le Gers, les projets d’installation de quatre élevages de poulets standards ne sont pas du goût de tout le monde. Si Vivadour, la coopérative porteuse du projet, met en avant maintien de l’emploi en temps de crise, les opposants répondent nuisances, conditions d’élevage déplorables et risques pour l’environnement.

par Philippe Bertrand sur www.frituremag.info

Le Gers, réputé pour la qualité de ses productions agricoles, pourrait-il montrer un visage moins avenant dans les prochaines années ? C’est ce que craignent les opposants aux projets d’installation par la coopérative Vivadour de bâtiments de 1000 m², 20 000 m² au total, répartis entre Lannepax, Saint-Elix-Theux, Tasque, Duffort et Lussan, et destinés à faire pousser des poulets standards ou « végétal ». Des poulets qu’on retrouve découpés en barquette dans les linéaires de la grande distribution et les préparations de la restauration rapide. Après l’autorisation délivrée par le préfet pour l’installation de 2 élevages industriels de poulets à Lannepax et Saint-Elix-Theux le 6 novembre dernier, le collectif Bien vivre dans le Gers a déposé des recours, qui n’empêchent pas le début des travaux, devant le tribunal administratif.

Premier employeur privé du département, avec 850 salariés, Vivadour, qui produit également du poulet label, entend retrouver le niveau de production de poulets standards, ou poulets de chair, qu’il y avait dans les années soixante-dix, deux fois plus qu’aujourd’hui. Cela pour fournir une production locale permettant de faire fonctionner les abattoirs de Condom et de Saramon (dont Vivadour est en partie propriétaire), dont une partie de l’approvisionnement provient actuellement de Vendée et de l’Aude.
Le maintien de l’activité et de 300 emplois est l’argument principal développé par la coopérative. Alors pourquoi du poulet industriel ? Christophe Terrain, président de Vivadour, l’a rappelé lors de l’assemblée générale de la coopérative en décembre dernier : « Un abattoir ne peut assurer son équilibre financier que s’il a une répartition des productions de l’ordre de 60/40 », avec 60 % de poulets standards pour 40 % de poulets label (type Label rouge). » Il insiste aussi sur la forte demande des consommateurs pour ce poulet low cost et sur la relocalisation de la production pour limiter l’impact sur l’environnement.

Animaux ou matière première ?

Face à ces projets, un collectif regroupant dix-sept associations (Amis de la Terre, Europe Ecologie-Les Verts, NPA, Confédération paysanne, Modef…) s’est mis en place. Rapidement, « Bien vivre dans le Gers » multiplie les actions pour mettre en garde contre l’élevage industriel. Celui-ci emploie des souches de poulets sélectionnées pour grossir en 37 jours, contre 81 pour un poulet label et plus de 100 jours pour des poulets fermiers. La croissance des muscles, la viande, est beaucoup plus rapide, mais le reste de l’animal, notamment la structure des pattes et le cœur, ne connaît pas la même évolution, ce qui cause des boiteries et des insuffisances cardiaques pour une partie des animaux. Les poussins d’un jour sont enfermés dans un bâtiment de plus de 1000 m² qu’ils ne quittent que pour aller à l’abattoir, à raison de 24 volailles au m² (la moitié d’une feuille A4), quand il y en a 14 en label et 10 en bio, qui peuvent aller et venir en plein air. Ces poulets sont dits « végétal » car leur alimentation ne comprend que des céréales, des minéraux et des protéines végétales, surtout du soja importé, non-garanti sans OGM ; de toute façon, le consommateur n’en sera pas informé, mais il en est de même pour les poulets labels.
La densité de poulets dans les bâtiments, associée à la présence de fientes peut provoquer certaines maladies. Pour y remédier, des antibiotiques peuvent être utilisés, y compris à titre préventif, mais c’est également le cas pour les poulets labels. Malgré la réglementation européenne qui restreint leur usage, le recours aux antibiotiques est encore assez répandu et certaines études, notamment en Allemagne, ont montré que cela pouvait rendre certaines bactéries résistantes.
Malgré cela, les élevages de poulets de chair sont en conformité avec la réglementation sur le bien-être animal.
Bien vivre dans le Gers dénonce également les nuisances que peuvent provoquer de telles installations. Bruit des ventilateurs, odeurs, pollutions atmosphériques, stockage des fumiers, rotation des camions, même si là encore les réglementations sont respectées, inquiètent les opposants.

L’intégralité du reportage sera à découvrir dans le magazine papier N°15, sortie fin février L’emploi : argument contre environnemental

Pour ces projets, Vivadour apporte son aide à l’installation des jeunes agriculteurs, puis leur fournit conseils, poussins (entre 6 et 7 lots par an) et aliments, avant de venir chercher les poulets à 33 et 37 jours pour les conduire à l’abattoir. Pour Thierry Bertrand, éleveur de poulets fermiers en Haute-Garonne, après avoir connu le poulet standard puis le poulet label : « Avec ce système, on ne choisit rien, on n’est pas agriculteur, juste des ouvriers de production. »
Des ouvriers de production à qui on peut arrêter, du jour au lendemain, d’amener des poussins, après une chute du marché ou une délocalisation des abattoirs, comme a pu le faire le groupe Bourgoin dans les années 90 dans le Lauragais, parsemé de bâtiments dédiés à l’élevage de dindes, aujourd’hui à l’abandon.

  • Illustrations Yann Normand

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