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Billet de blog 13 janvier 2013

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Carmaux essaie de sortir la tête du trou

La Découverte Photo DRAprès deux siècles d’exploitation minière, le Carmausin a dû apprendre à vivre autrement. Son paysage cabossé, son taux de chômage exponentiel et son enclavement géographique constituaient autant de défis à relever. Pour se reconvertir, le bassin s’est lancé dans l’industrie du loisir. Mais le miracle annoncé a tourné court. C’est désormais du côté de la croissance verte que Carmaux (81) se dirige à petits pas. En espérant éviter un nouveau coup de grisou.

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La Découverte Photo DR

Après deux siècles d’exploitation minière, le Carmausin a dû apprendre à vivre autrement. Son paysage cabossé, son taux de chômage exponentiel et son enclavement géographique constituaient autant de défis à relever. Pour se reconvertir, le bassin s’est lancé dans l’industrie du loisir. Mais le miracle annoncé a tourné court. C’est désormais du côté de la croissance verte que Carmaux (81) se dirige à petits pas. En espérant éviter un nouveau coup de grisou.

par Maylis Jean-Préau. l'intégralité du reportage sur www.frituremag.info

Commune de Saint-Benoît-de-Carmaux. Ici, c’était la cokerie. La houille arrivait un peu plus haut, par le chemin de fer, elle passait dans les fours et se transformait en coke. Aujourd’hui, restent des champs sans culture, l’usine de synthèse désaffectée et quelques entreprises. « Sur la cokerie tout a été enlevé de telle sorte qu’il n’y ait plus de trace du passé, on aurait bien voulu garder des batteries à coke pour la mémoire... », regrette Serge Entraygues, ancien maire de Saint-Benoît et conseiller général (PC). Tourner la page de la mine est une chose, reconvertir un bassin mono-industriel en est une autre. Ici, le charbon donnait du travail, bâtissait les maisons et renforçait l’esprit syndical. En 1900, la Société des mines de Carmaux comptait 2500 mineurs. L’école de la cité minière de Fontgrande accueillait jusqu’à 600 élèves. Aujourd’hui, il y en a 120. Entre temps, dans les années 1980, les derniers puits de fond ont fermé. Mais Carmaux a bénéficié d’un sursis : en 1985, l’exploitation du charbon à ciel ouvert a débuté, donnant naissance au plus grand trou creusé par l’homme en Europe, la Grande Découverte. Le 30 juin 1997, l’aventure minière prenait définitivement fin. Restait au Carmausin à trouver une voie de reconversion.

Les communes se donnent la main

Pour relancer l’économie, il fallait un grand projet ! Le Comité de bassin d’emploi du Tarn Nord lança alors un concours international d’idées. A ce moment là, Paul Quilès, ancien ministre socialiste devenu en 1995 député de la 1ère circonscription du Tarn, est persuadé que le trou de 220 m de fond et d’un kilomètres de diamètre est un atout pour la région. Des projets se dressent : une décharge, un circuit automobile, un pôle de l’environnement... A Blaye-les-Mines, Cagnac-les-Mines, Carmaux, Le Garric, Saint-Benoît et Taïx, les élus se laissent convaincre. Sous la direction de Quilès, ils fondent le Syndicat Intercommunal de la Découverte (SID), porteur d’un projet monstre : Cap’Découverte, un parc de loisir dans la fosse ! Quilès défend le projet en haut-lieu et obtient des subventions. Les six communes se portent garantes de 7,6 millions d’euros d’emprunt. Avec ce projet commun, le Carmausin veut croire en sa reconversion. Et il y a urgence. Dans les années 90, il s’agit de la zone d’emploi la plus sinistrée de Midi-Pyrénées, 10% des habitants sont en situation de danger ou d’exclusion.

Enclavé, doté de mauvaises liaisons routières et d’une méchante réputation, le Carmausin reste au second plan. Pourtant l’Agence pour le Développement Industriel de la Région Albi-Carmaux (ADIRAC) tente de faire venir de nouvelles entreprises. Mais il y a plus de promesses que de résultats. Au lieu de profiter de la proximité d’Albi, Carmaux se retrouve mis de côté. Comme l’explique Mathieu Marion dans son mémoire de recherche sur la reconversion du bassin « le Carmausin et l’Albigeois ne sont socialement, politiquement et historiquement en rien cohérent. » Il y a même, explique le chercheur en Sciences Politiques « un sentiment d’indifférence pour un bassin qui ne vivait que par et pour sa mine ». Le vieux dicton albigeois « socialiste carmausin, tout pour moi rien pour le voisin » traine toujours dans les esprits.

L’arnaque à l’installation


Entrée de l'ancienne cokerie Photo M. J-P.

Retour à la cokerie. A la place de la houille, un semblant de zone d’activité voit le jour.« La même histoire s’est répétée plusieurs fois. Une entreprise s’installait, créait 20 emplois, en promettait 80. Elle recevait des primes et restait cinq ans, soit la période d’exonération de la taxe professionnelle », raconte avec dépit Serge Entraygues. Le feuilleton de l’entreprise de carrelage France Alpha en est l’exemple. Installée en 1984 à Saint-Benoit et à Carmaux, elle avait bénéficié d’aides importantes et employa jusqu’à 280 personnes. En 1999, France Alpha quitte le Carmausin et Grès Occitan prend sa suite tout en sacrifiant la moitié des emplois. Après de multiples rebondissements, le carrelage pliait bagages en 2005. « On s’est fait avoir ! Et ça a été la même chose l’an dernier avec l’atelier de construction métallique Delpoux. Il a été racheté et la moitié des 120 emplois sont restés sur le carreau », poursuit Serge Entraygues. Les implantations réussies, comme celle du centre d’appel Qualiphone, se comptent sur les doigts de la main.

Vers une reconversion énergétique ?

L’âge d’or de la mine a engendré la création de nombreuses cités minières. Ce patrimoine, tombé en mauvais état et parfois déserté, a été racheté il y a neuf ans par l’entreprise sociale pour l’habitat Néolia. En partenariat avec les communes, elle mène depuis une importante opération de rénovation urbaine. « Notre parc comprend 1200 logements, il s’agit de petits pavillons typiques des logements de mineurs. Les travaux, en particulier sur les façades autrefois très grises, ont permis de changer l’image de ces quartiers et d’attirer de nouveaux habitants », explique Madame Schmikratte, responsable de l’opération. A Saint-Benoit, 2100 habitants, Néolia compte 388 logements sociaux. « Le problème c’est que nous attirons des familles en difficultés, sans emploi ou alors des gens qui travaillent ailleurs », pointe du doigt Serge Entraygues.

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