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Billet de blog 13 septembre 2011

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Sous les palmiers, la rage

 A Port-La-Nouvelle, le projet d’implantation d’une gigantesque usine d’importation et de traitement d’huile de palme en provenance d’Afrique de l’ouest sème la cacophonie chez les élus et rencontre une vive opposition. Reportage au coeur d’une lutte contre ce qui pourrait être le symbole des agro-carburants du futur et contre une nouvelle forme de mondialisation qui pille le sud et modifie les pratiques et agglomérations du bassin méditerranéen.

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A Port-La-Nouvelle, le projet d’implantation d’une gigantesque usine d’importation et de traitement d’huile de palme en provenance d’Afrique de l’ouest sème la cacophonie chez les élus et rencontre une vive opposition. Reportage au coeur d’une lutte contre ce qui pourrait être le symbole des agro-carburants du futur et contre une nouvelle forme de mondialisation qui pille le sud et modifie les pratiques et agglomérations du bassin méditerranéen.

« Le premier coup de fil que j’ai passé depuis mercredi où j’ai été nommé premier vice-président (suite au décès de Georges Frèche, président de la région Languedoc-Roussillon) c’est pour rassurer le hollandais Vopak et le malaisien Unimills (groupe Sime Darby, NDLR) qui vont investir quelques 120 millions d’euros sur Port-la-Nouvelle, dans une usine clé en main de fabrication d’huile de palme. La région, leur ai-je dit, tiendra tous ses engagements, à travers une convention de quarante ans »
C’est par cette déclaration de Robert Navarro dans la gazette de Montpellier du 24/11/2010 que les Languedociens apprennent l’existence d’un grand projet de raffinerie d’huile de palme sur le littoral audois. S’agissait-il d’une gaffe ? Sans doute, car nous aurons toutes les peines à avoir connaissance du contenu des fameux engagements pris à l’époque épique de feu Georges Frèche (l’ensemble des élus au courant de ce dossier se refusant à en dire beaucoup plus). L’investissement de la région s’élèverait à 170 millions d’euros et serait créateur d’emplois : entre 80 et 90, selon une déclaration de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Narbonne, soit davantage que la plus grande usine existant actuellement, située en Australie. Par ailleurs, il s’agirait d’importer 2 millions de tonnes d’huile de palme par an, ce qui correspondrait à la moitié des importations actuelles de l’Union Européenne. Et, cerise sur le gâteau, le petit port audois se verrait gratifié de 350 camions supplémentaires par jour, ce qui multiplierait de façon inquiétante le trafic actuel.

Au coeur des zones Seveso

Nature et Progrès sera la première association à s’inquiéter du projet, suivie par la Confédération Paysanne : leurs communiqués de presse dénonceront l’installation à deux pas du centre-ville d’une nouvelle usine, sur un territoire extrêmement fragile écologiquement, à proximité de l’étang de Bages-Sigean, et dans le Parc Naturel Régional de la Narbonnaise mais aussi une critique de fond sur la politique de l’emploi à court terme dans une région marquée par un fort taux de chômage. Celle-ci ne favorise pas suffisamment la création d’emplois adaptés aux besoins spécifiques de la région, et ne semble pas prendre en compte les effets négatifs de l’industrialisation sur un territoire à vocation autant touristique que piscicole, ostréicole, agricole ou artisanale. Les petits pêcheurs se plaignent depuis longtemps des pollutions diverses dont ils sont victimes, pollutions causées par les entreprises déjà existantes dont huit (sur les onze que compte le département de l’Aude) sont classées Seveso. Leur représentant, Dominique Blanchard se désespère : « 21 procès, tous gagnés, contre les entreprises pollueuses, malgré cela les pollutions continuent car les peines sont insignifiantes et l’administration n’a pas les moyens d’assurer le respect de la législation ».


Naissance de No Palme

En mars 2011 un collectif régional est constitué à Narbonne avec les associations suivantes : Nature et Progrès , ATTAC, ECCLA, Païs Nostre, Confédération Paysanne, EELV, Parti de Gauche, Objectif Décroissance, Les Amis de la Terre, Sauvons la forêt , la LPO de l’AUDE , les écologistes de la narbonnaise et la prud’homie des pêcheurs qui se retirera par la suite, à la suite de pressions subies. S’y ajouteront par la suite le NPA du carcassonnais, la Cimade, la biocoop de Limoux, le PCF de Narbonne.
Bien nommé NO PALME, Nouvelles Orientations pour des Alternatives Locales et Méditerranéennes, ce collectif * s’intéressera immédiatement au versant international et européen de ce projet.

De Port la Nouvelle à Monrovia

Nous allons découvrir que l’opérateur Sime Darby n’est autre qu’une immense multinationale, la deuxième au monde pour l’huile de palme, avec déjà à son actif 500 000 hectares de plantations en Indonésie et en Malaisie. Malgré une communication très efficace qui tente de faire passer son agri-business pour une œuvre de développement social et écologique, nous découvrirons que cette société est responsable de déforestations et de pollutions massives entraînant la destruction des moyens de survie des populations locales. Grâce aux informations des Amis de la terre, nous apprendrons que les certifications de qualité environnementale (RSPO) sont en fait insignifiantes et totalement insatisfaisantes, car détournées et montées de toutes pièces par les principaux acteurs de la filière, dont la firme Syngenta qui produit le très toxique Paraquat, interdit en Europe mais néanmoins toujours utilisé sur les palmiers.

Nous apprendrons que l’huile de palme proviendrait du Libéria. Les forêts indonésiennes et malaisiennes et étant détruites à 72% il s’agit d’étendre la production à d’autres continents, en particulier à des pays moins regardants sur les conditions sociales et environnementales. Ainsi le Libéria, petit pays d’Afrique de l’Ouest, qui se relève péniblement d’une guerre fratricide de plus de dix ans, se prête-t-il à merveille aux rêves de Sime Darby et d’autres multinationales du secteur. Ruiné et endetté, cet état ne fait aucune difficulté pour concéder pas moins de 220 000 hectares à Sime Darby, pour un bail de 63 ans, et pour des plantations de palmiers essentiellement. A l’échelle de la France, cela reviendrait à remettre la surface totale de 4 ou 5 départements entre les mains d’une seule entreprise. Accords d’autant plus alarmants qu’ils s’incluent dans un objectif de 1.3 millions d’hectares plantés sur le pays. Le Libéria possède encore 40 % d’une grande forêt équatoriale d’altitude unique au monde, qui s’étendait autrefois sur plusieurs pays dont la Sierra Léone et le Ghana, et dont il ne reste plus aujourd’hui que 12 %.

Création d’emplois/destruction des ressources

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Par Pascal Pavie. Tout l'article sur www.frituremag.info

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