
Le Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées) défend le décloisonnement de l’espace carcéral par le partage de savoirs. L’association, composée d’étudiants, associe à la réflexion et à la sensibilisation du public sur la thématique carcérale, des interventions socioculturelles et du soutien scolaire en prison. Elle agit dans la logique de l’éducation populaire. Quelques bénévoles de Toulouse témoignent sur les difficultés d’accès à l’éducation en prison.
- Ce reportage est le premier volet de dix que nous consacrons à une "autre école"
Créé en 1976, le Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (Genepi) compte près de 1300 membres en France, tous étudiants. Il fait partie des rares associations à pénétrer l’enceinte très protégée des prisons dans un but unique d’échange culturel. L’association présente l’originalité d’associer à cette démarche une mission de témoignage auprès du public sur les conditions carcérales. En Occitanie, 63 bénévoles, dont une trentaine à Toulouse, interviennent dans sept maisons d’arrêt et centres de détention, à Toulouse, Albi, Montpellier, Rodez, et bientôt Perpignan. Les bénévoles toulousains travaillent à Seysses, Muret et Saint-Sulpice, mais ils refusent, par idéologie, d’entrer à l’établissement pour mineurs de Lavaur. « Nous défendons une justice sociale et restauratrice, plus que la loi du talion », résume Laure, 23 ans, responsable de groupe à Toulouse depuis la rentrée dernière et étudiante en dernière année à l’Institut d’études politiques de Toulouse. L’association vise le « partage des connaissances » à travers du soutien scolaire, et des activités socioculturelles. « Ces activités permettent au détenu d’ouvrir son regard sur autre chose », souligne Laure.
Une offre scolaire variée d’un centre à l’autre

Le Genepi touche environ 3% des quelque 65 000 personnes incarcérées en France. Dans chaque établissement carcéral, un responsable local d’éducation (RLE) en lien avec l’Education nationale évalue le niveau de chaque arrivant afin de lui proposer un cursus adapté. « L’offre scolaire varie d’un endroit à l’autre. Mais il y a beaucoup plus de possibilités de formations à Muret ou à Seysses, car ces villes possèdent une zone industrielle importante, qui permet ensuite aux détenus de travailler », précise Laure. Le soutien scolaire proposé par le Genepi est soumis à la décision du RLE. En revanche, le détenu prend lui-même l’initiative de participer ou non aux activités socioculturelles, qui sont placées sous la responsabilité du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).
Parmi les activités proposées par le groupe de Toulouse, des débats d’actualité, des ateliers revue de presse, des échanges épistolaires, mais aussi de l’écoute musicale, ou encore de l’encadrement pour les femmes à Seysses. « L’atelier d’écriture de Seysses leur tient particulièrement à cœur », raconte Laure. « On part de choses simples, un livre ou un film et ils écrivent à partir de leur ressenti ».
Cette maison d’arrêt, qui compte 800 détenus et est rythmée par l’arrivée d’environ 200 personnes chaque mois, fait partie des records de taux de suicide en France. Au-delà de son importante surpopulation, les bénévoles la décrivent comme un lieu « déshumanisé, qui ressemble à un hôpital psychiatrique, avec des sas où les détenus sont entassés, et sans aucune végétation ». La maison d’arrêt dispose de peu de créneaux horaires dévolus cette année au soutien scolaire. Mais selon les bénévoles, les activités génèrent une plus grande liberté.

La Centrale de Muret (31)Difficultés d’accès à l’enseignement supérieur
Le Genepi a moins de mal à proposer ses activités dans les centres de détention comme Muret, que dans les maisons d’arrêt, où les mouvements d’entrée et de sortie sont très fréquents. A Muret, 180 détenus sur 600 étaient scolarisés en octobre dernier. Parmi eux, 15 sont inscrits à l’université, et 17 au CNED. Comme partout en France, l’enseignement supérieur reste confidentiel. Il ne concernerait qu’environ 2% des personnes incarcérées, tandis que plus de la moitié d’entre elles possède un niveau inférieur au CAP. « En maison d’arrêt, les détenus doivent être accompagnés par un surveillant à chaque déplacement, et ne doivent pas croiser certains détenus pour éviter les problèmes. Il y a donc plus de freins pour accéder aux activités », explique Anita. La jeune femme de 21 ans aide un détenu à préparer sa licence d’histoire, deux heures par semaine, à la maison d’arrêt de Muret, tandis que 5 autres genepistes aident pour le brevet, des diplômes de droit, de psychologie, ou encore d’histoire. « La plupart des diplômes passés en prison sont le brevet des collèges ou le DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires). Au-dessus du bac, ils sont obligés de suivre des cours par correspondance, et sont souvent pénalisés car ils reçoivent leurs cours avec un ou deux mois de retard ».
On retrouve souvent les participants aux activités du Genepi parmi les personnes intégrées de l’établissement pénitentiaire. « A Seysses, la plupart des détenus que nous voyons participent à l’atelier Sodexo. Ils sont habitués à se lever », relève Laure. Par ailleurs, les bénévoles sont confrontés à des difficultés d’accès inhérentes à l’administration pénitentiaire. « Les surveillants, souvent en sous-effectifs, perdent les listes des participants, ou ne les valident pas ». Quand les relations avec l’administration sont apaisées, le Genepi parvient à mettre en place un plus large éventail d’activités.
Logique d’éducation populaire....
Lire la suite sur www.frituremag.info par Armelle Parion