
14 septembre 2011, par Pierre Samson sur www.frituremag.info
Intrigante, cette remise des prix « P.A.P.O.N » 2011. Un simple bouche à oreille, une promo plus que discrète, mais ce « Papon » qui tape l’incruste dans l’oreille, suffit à me décider. D’autant que l’AAEL* organisateur du raout n’est pas né de la dernière averse. Je suis donc client et remonte ce huit septembre les allées Frédéric Mistral de Toulouse à la rencontre de ce mystérieux jury P.A.P.O.N.
« Prix Attribué Pour Obéissance Notoire » précise la brochure du service de Presse qu’un cravaté me remet tandis que quatre ou cinq officiels en costards s’installent sous les mats du monument à la résistance, dans une camionnette customisée pour la circonstance. Ce n’est pas Cannes et les nominés s’étaient fait représenter par des anonymes, mais il y a quand même un tapis rouge et du beau monde. Surtout à l’arrière du public où une unité entière de la Bac, tout en élégance Derrick à la ville, peine à s’intéresser au feuillage qui lui tend un peu d’ombre. Croisé plus haut, un panel de nerveux à biscoteaux que l’on imagine sans peine exhiber des tatouages gammés en frappant fort du talon, chauffe sans entrain un banc d’ordinaire dévolu aux boulistes.
Sur place quelques têtes familières sur la scène toulousaine : du pas neuf mais toujours prêt à l’usage, du fripé de chez velours encore d’attaque, du blanchi sous le harnais militant sur monture écolo, de l’indéfectible soutien aux récalcitrants, aux faucheurs et aux sans papiers, du qui refuse d’expulser droit avec la raie du bon côté, têtes d’espiègles et bons yeux de vieux gosses. Le tout piqué de vrais jeunes gens, comme quoi la jeunesse n’est pas le naufrage de l’utopie comme voudraient nous le faire croire les marchands de prêt à penser.

Sans transition ni attente, la cérémonie démarre : sérieuse documentée et… jubilatoire quand elle fait l’éloge des quatre fidèles commis d’état, lauréats de l’année :
1- Hubert Derache , ancien Préfet, 1er prix pour l’Outre-mer. Mérité : à lui seul, à Mayotte, le bougre égale presque le chiffre de reconduites à la frontière, fixé pour l’ensemble de la France métropolitaine.
2- Pierre De Bousquet, (Pas René certes, mais ça le fait toujours) préfet du Pas de Calais, 1er prix pour la métropole. Applaudissements et huées selon les sensibilités, face à l’hommage que lui rend l’acteur Dominique Collignon Maurin, époustouflant en VRP rance et boursouflé d’une certaine idée de la France .

3-Patrick Stéfanini préfet de Gironde, prix de l’innovation qui pour emplir ses quotas met en centre de détention un indien qui achetait son billet de retour pour Italie où il réside …avant de le raccompagner sous escorte à l’aéroport trois jours plus tard !
4-Mme Sophie Pauzat chef du bureau de l’asile et du contentieux des étrangers à la préfecture de Haute Garonne, Prix de la meilleure servante de l’état : particulièrement félicitée pour son amour du Gabonais absent, notre régionale du zèle n’a pour l’instant, pas réagi, contrairement au Ministère de l’intérieur et au sieur de Bousquet qui, si l’on en croit la Voix du Nord, aurait son trophée en travers du gosier et une plainte sous le coude.
Clôture sur un poème râblé et sanguin dont Serge Pey à le secret puis dispersion de la troupe avec un mot d’ordre : ne pas traîner sur place . En quittant le lieux j’apprends que ce jour est la date anniversaire de la mort d’un certain Bernard Réglat, figure de proue des Gari anti-franquistes, ex patriarche de l’imprimerie 34 et… concepteur de cette farce salutaire.
Salut Bernard, content de t’avoir revu.

- AAEL association pour l’art et l’expression libre