
Les universités de Montpellier (UM1, UM2 et UM3) sont en pleine mutation avec le projet d’autonomie prévoyant une fusion. Des changements qui éloignent les missions de service public pour amener le spectre du manque de moyens, de la réduction des coûts et de la souffrance des personnels. Alors que Toulouse a décroché le Graal (Lire notre reportage), Montpellier est à la peine, sur fond de divisions sur le campus.
par Nicolas Séné sur www.frituremag.info
« Je crois que l’action dont il (Nicolas Sarkozy, ndlr) est le plus fier, (...) c’est la création de l’autonomie des universités », disait Claude Guéant sur France Inter (19/01/2012). Le Ministre de l’Intérieur faisait ici référence à la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU) et qui serait donc une fierté du mandat présidentiel. D’après le Ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, « les universités autonomes disposent de tous les leviers pour organiser leurs formations en fonction des besoins de leurs étudiants et de la situation de l’emploi, faire émerger de nouvelles niches d’excellence scientifique, recruter des chercheurs de haut niveau, valoriser l’engagement des personnels, créer des fondations, développer les coopérations avec les entreprises... ». Ensuite, « Il s’agit d’améliorer les conditions de vie et de travail de l’ensemble de la communauté universitaire, de renforcer les formations pour une meilleure réussite des étudiants et de développer l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche ». En théorie. Car en pratique, les choses sont moins enjôleuses, à l’image des restructurations prévues sur les campus montpelliérains.
Aides conditionnées

Le projet est de fusionner l’UM1 (médecine et droit) - 23 512 étudiants et 979 enseignants et enseignants chercheurs - et l’UM2 (sciences et lettres) - 15 878 étudiants et 5 pôles de recherche. La première incidence porte sur le mode de gouvernance. « Nous sommes dans une période particulière d’élections », avoue Hervé Landas, secrétaire CGT à l’UM2. Le vote concerne les trois conseils : le Conseil d’administration (CA), le Conseil des études et de la vie universitaire (CVU) et le Conseil scientifique (CS). Ces instances plurielles regroupant présidence, syndicats et étudiants, co-géraient jusque-là les universités. « Avec la LRU, les conseils n’ont plus de poids, explique Hervé Landas. Désormais tout est décidé au conseil d’administration où les décisions sont prises seulement par la Présidence ! » Les syndicats se sont donc alliés en intersyndicale : « pour acter que le syndicalisme est un syndicalisme de combat et non plus de co-gestion . »
Un précédent avait déjà entamé l’unicité des universités montpelliéraines. « Le projet de fusion, c’est une demande répétée et insistante du ministère depuis le Plan Campus il y a quatre ans », raconte le syndicaliste. Le Plan Campus porte sur la rénovation immobilière, les fonds alloués par l’État (5 milliards au total) étant conditionnés au rapprochement des structures pour donner naissance à l’Université Montpellier Sud de France (UMSF). Les plans de rénovation ont pris du retard : " Ils avancent, mais beaucoup plus lentement que ce qu’on prévoyait ", notamment en raison des partenariats public-privé dont "les coûts sont très élevés" et qui "contrairement à ce qu’on nous avait dit, ne sont pas plus rapides, mais plus longs“ », avouait Anne Fraïsse, présidente de l’UM3, à l’Agence France Presse (13/12/2011). Pour Hervé Landas, ces mutualisations ont un objectif : « c’est de créer sept universités en France. »

Le budget de l'UM1L’argument de l’excellence
Les moyens sont ainsi conditionnés à la mise en oeuvre de l’autonomie et portés par un argument visant à motiver les personnels : l’excellence. « Ça plaît comme discours auprès des chercheurs et des enseignants mais ils ne voient pas ce qui se cache derrière : fonder une université unique », explique Hervé Landas. Les universités présentent d’abord des projets dans le cadre des initiatives d’excellence (Idex). Ensuite, un jury sélectionne ceux respectant l’autonomie. Ainsi, Montpellier a été recalée à l’Idex en novembre dernier perdant les centaines de millions d’euros de gain. La course aux subventions est donc ouverte mettant en concurrence les universités du pays. « À cause de quoi on n’est pas excellents ? Faut-il alors éliminer ceux qui ne le sont pas ? », demande Hervé Landas. « Je suis secrétaire d’un laboratoire de recherche didactique, la rentabilité directe n’est donc pas évidente. En soutien de base, on avait 30 000€ en 2011 mais on en perd 4 000€ en 2012. À côté, trois chercheurs ont décroché un contrat de 20 000€. Ils vont donc bien vivre alors que les autres n’ont rien . » Tout étant autonome, et donc individualisé, Bernard Mula, enseignant à l’UM2 et syndicaliste CGT, constate : « Le résultat, c’est la course à l’appel à projet ! » « Ces projets sont des aides ministérielles qui sont orientées en fonction du respect de la politique donnée. Ça enlève l’autonomie de recherche de l’université », renchérit Hervé Landas. « Les sept universités en France seront par thème. Ici, la fusion est à l’échelle de Montpellier. On divise par trois l’université, donc on divise aussi par trois le nombre de fonctionnaires. Il y aura des économies d’échelle, c’est certains. » Et la refonte totale n’ira pas sans conséquence directe sur les personnels. « Ce sera néfaste pour leur santé, assure Hervé Landas. Ça a été prévu car ils ont crée une structure avec la MGEN (Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale, ndlr) pour soigner les gens. Ils peuvent par exemple appeler un numéro pour gérer les changements qu’ils subissent au travail. C’est un stress qui va arriver, c’est sûr ! Ils le créent et essaient ensuite de le soigner », conclut-il.

À Montpellier, l’autonomie est donc en marche en fusionnant des universités qui n’ont pas les mêmes façons de travailler ni les mêmes intérêts. Les trois présidences ont refusé de s’exprimer sur le sujet. En attendant, la gouvernance, les moyens et le bien-être des personnels - et donc des étudiants - sont sérieusement remis en question. Les syndicats poussent alors un cri d’alarme : « Nous ne voulons pas d’une université libérale ! »

Quand la Région hausse le ton
On se souvient de l’échec récent de Montpellier sur le dossier IDEX (initiatives d’excellence), dans le cadre des investissements d’avenir. Lors de la discussion du budget 2012, le président de la région, Monsieur Bourquin, avait vivement interpellé les acteurs de l’enseignement supérieur :
« La Région fera preuve d’une vigilance renforcée pour s’assurer du bien-fondé de ses investissements, car ces deux échecs successifs remettent en cause la confiance collective dans les gouvernances des diverses institutions d’enseignement supérieur ».
« La fusion des universités UM1 et UM2 devra être entreprise sans délai (…) j’invite aussi les trois autres universités régionales à ne pas s’isoler de ce processus et à y participer activement ».
Le président fixe deux objectifs : « le choix, dans ou hors région, d’une autorité scientifique et managériale incontestable et la définition d’une véritable stratégie intégrée ».
Les universités ne sont pas de la prérogative des régions. C’est l’Etat qui a cette responsabilité. Pourtant la région Languedoc-Roussillon semble vouloir piloter l’ensemble, que ce soit la gouvernance ou la stratégie d’évolution du système universitaire.