A Toulouse et dans la région, de plus en plus d’acteurs culturels font appel à cette nouvelle source de financement privé. Une aubaine pour un secteur de moins en moins subventionné par les collectivités locales. Tour d’horizon local à travers le prisme des fondations et compagnies emblématiques.

Illustration Jean-Jacques Valencak
par Mathieu Arnal sur www.frituremag.info
AÏDA
L’Association des entreprises mécènes de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse est la pionnière en la matière. Créée en 1988 à l’initiative de Michel Plasson, le célèbre chef d’orchestre et de Claude Goumy, le directeur général de Matra Espace, elle compte aujourd’hui 83 adhérents, de toutes tailles dont les grands comptes (Airbus, Astrium, le Cnes, Aéroport Toulouse-Blagnac, Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse…) « Nous avons deux catégories de donateurs : les membres actifs et les membres associés. Une cotisation annuelle élevée à 19 500 € pour les premiers et 3 800 € pour les seconds. En échange, pour chaque concert qu’Aïda organise à la Halle aux Grains (deux concerts de musique de chambre, trois symphoniques et un à destination des enfants), nous offrons un quota de places pour les salariés des entreprises partenaires (60 places/ concert à la première catégorie, 24 à la seconde) » explique Muriel Cazabat, la chargée de communication d’Aïda. Selon les derniers chiffres de 2012, la répartition des dons va à 80% à l’Orchestre (ce qui permet d’aider financièrement à ses tournées internationales), les 20% restant servent au paiement des frais de fonctionnement de l’association. Et depuis 2011, l’Association soutient aux formations des musiciens de l’Orchestre, comme le montage de l’Orchestre Mozart Toulouse (anciens boursiers d’Aïda) ou encore Enharmonie, formation qui regroupe professionnels et amateurs dont des salariés des entreprises adhérentes.
LES GRANDS INTERPRETES
Autre acteur incontournable du paysage musical classique régional, celui des Grands Interprètes. Soutenue par la Mairie de Toulouse, le Conseil général de Haute-Garonne et le Conseil régional de Midi-Pyrénées pendant 25 ans, l’Association s’est tournée à partir de juin 2010 vers le mécénat. Le Cercle des Grands Interprètes s’adresse aussi bien aux entreprises qu’aux particuliers. Pour participer au développement de la structure qui compte une cinquantaine de membres dont la Banque Populaire Occitane, la Caisse d’Epargne Midi-Pyrénées, EDF ou Airbus, mais aussi des PME, on peut devenir membre ami, donateur ou bienfaiteur selon le montant de contribution (cotisation annuelle minimum fixé à 100 € plus un don facultatif jusqu’à 20 000 € pour les grosses boîtes) Cette nouvelle diversification des ressources est non négligeable puisqu’elle apporte une manne de 12% à son budget. Pour Christine Nimeskern, la responsable du développement et du mécénat, « elle permet ainsi de pérenniser sa qualité programmatique et de développer des projets pédagogiques afin de sensibiliser les plus jeunes mais aussi les publics dits « empêchés » à cette musique jugée à tort élitiste. Des partenariats ont été mis en place aussi bien vers les publics scolaire et universitaire ou avec l’Hôpital des Enfants de Toulouse de Purpan et nous avons engagé des actions en faveur des publics précaires avec la Mission locale de Toulouse ou la Fondation Agir contre l’Exclusion ».
La loi Aillagon sur le mécénat
La loi Aillagon n°2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Elle se traduit par le versement d’un don en numéraire, en nature ou en compétence à un organisme pour soutenir une œuvre d’intérêt général, ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel… d’organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques ou de cirque, ou l’organisation d’expositions d’art. Le don ouvre pour certains pour les donateurs (entreprises et particuliers) à certains avantages fiscaux. Selon le premier alinéa de l’article 200 du Code général des impôts, les particuliers bénéficient d’une réduction d’impôt (IRPP) de 66% du montant du don, dans la limite de 20% du revenu net imposable. Le mécénat se distingue clairement du parrainage ou sponsoring, par la notion de contrepartie.
LE GRENIER DE TOULOUSE
Si la plupart des compagnies théâtrales en difficulté ont encore le réflexe de se tourner vers les institutions publiques, le Grenier de Toulouse, lui, fait figure d’exception (avec le Grenier Théâtre) pour s’être tourné depuis deux ans vers le mécénat culturel. Une question de survie pour cette institution patrimoniale, créée en 1945 par Maurice Sarrazin et aujourd’hui co-dirigée par Stéphane Battle et Pierre Matras. Ce théâtre sans domicile fixe, accueilli tour à tour au Sorano, au théâtre de la Digue, au Moulin de Roques-sur-Garonne a mis au point une véritable démarche mécénale, rencontrant des chefs d’entreprises par l’intermédiaire de la Chambre de commerce et d’industrie, et en structurant plusieurs clubs de mécènes (soutien en numéraire et en compétence). Grâce à Danielle Buys, la première adjointe au maire de Tournefeuille à la culture, le Grenier est en résidence pour une cinquantaine de dates par an à l’Escale. Par ailleurs, la mairie a mis à disposition un terrain de 1 600m2, dans le quartier de la Paderne, signant un bail emphytéotique de 99 ans (comme pour Utopia). « Le Grenier est la seule entreprise culturelle privée à ce jour à construire son lieu propre de création. Ce sont les entreprises de BTP qui vont œuvrer essentiellement dans le cadre d’un mécénat en nature, en mettant à disposition leur compétence » précise Sandrine Marrast, chargée de mécénat pour le Grenier.
MARIONNETTISSIMO
Reconnu comme référence de l’art marionnettique et des théâtres des formes animées à l’échelle hexagonale, l’Association Et qui libre/Marionnettissimo organise depuis 1990 un festival international, chaque année, fin novembre (et depuis 2006, annuellement à Tournefeuille, ville de l’agglomération la plus ambitieuse en matière culturelle). Si elle bénéficie du soutien des collectivités territoriales (44% du budget, grâce entre autre à la Ville de Tournefeuille, la Ville de Toulouse et l’Eurorégion), ce n’est plus forcément le cas de l’Etat. Lorsque la Drac se désengage en 2009, Jean Kaplan, le directeur artistique de la manifestation, se tourne vers le mécénat (7% du budget). Pour se faire, il en appelle aux compétences d’un spécialiste du mécénat et de l’ingénierie culturelle, Nicolas Battist, via le Dispositif local d’accompagnement de Haute-Garonne (DLA 31) (émanation de la Caisse des dépôts et consignations) qui vise à accompagner et renforcer économiquement les structures d’utilité sociale. « Nous avons mis en place une véritable stratégie de proximité entre les entreprises partenaires et l’équipe du festival. Ainsi, par exemple, on a permis de faire venir les festivaliers dans les agences de Saint-Georges à Toulouse, Tournefeuille et Castanet-Tolosan de Groupama, en les animant par de courtes formes marionnettiques, au-delà de la simple présence conventionnelle de logos » explique le directeur de Culture Eco, agence de conseil, d’accompagnement, et de prospection en mécénat culturel sur Toulouse et Midi-Pyrénées.
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Les chiffres du mécénat en France
- Le montant total du mécénat en France : deux milliards d’euros dont près de 400 millions pour le mécénat culturel.
- 40 000 entreprises sont concernées. Parmi elles, les PME représentent 93% des mécènes
- Le mécénat se distingue de trois manières : mécénat financier (74%), mécénat en nature (33%), mécénat de compétence (11%)
Source : l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (Admical) qui regroupe les principaux acteurs du mécénat.)]