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Billet de blog 19 juin 2012

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La voie ferrée fantôme de la vallée du Lot

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le début de l’année, les états généraux du service public ferroviaire, proposés par la CGT et des associations d’usagers, ont pour ambition de fournir un contenu de débat pour les prochaines législatures. Une alternative citoyenne aux Assises nationales du ferroviaire organisées par l’Etat fin 2011, centrées sur l’ouverture du rail à la concurrence. Exemple à Cajarc, dans la vallée du Lot, où l’on se bat pour sauver les rails.

par Christophe Pélaprat sur www.frituremag.info

«  En principe, nous menons des débats sur le service public dans sa globalité, mais à Cajarc c’est normal que la discussion de focalise sur la ligne Cahors-Capdenac, en voie de démantèlement », explique Jacques Montal, syndicaliste.
Car telle est bien la menace qui pèse aujourd’hui sur cet itinéraire reliant Cahors, préfecture du Lot, à Capdenac-Gare, nœud ferroviaire aux limites de l’Aveyron. Un siècle après avoir gagné la « bataille du Lot » au détriment de la navigation, le rail a succombé à son tour à de nouveaux choix économiques. En 1980, le Conseil général du Lot votait la suppression de la ligne au trafic des voyageurs, le fret subsistera jusqu’en 1989. La SNCF assure désormais la liaison par la route.
Pendant une dizaine d’années, quelques passionnés réussiront à faire circuler un train touristique : l’aventure de Quercyrail prouvera la pertinence économique de cette alternative. Mais depuis 2004, les habitants de la vallée doivent s’accommoder d’une voie ferrée fantôme, et les soixante et onze kilomètres de rail sont peu à peu reconquis par une nature qui reprend ses droits.

Quelle solution devant la nécessaire remise en état de cet itinéraire ?

Pour le Conseil général du Lot, l’avenir de la voie semble scellé : il propose en lieu et place des rails une «  coulée verte », un itinéraire piéton ou cycliste à vocation touristique. L’idée peut sembler séduisante et apporter un compromis entre démantèlement et maintien d’un patrimoine. Sans s’opposer à ce projet, Jacques Borzo, le maire de Cajarc, se bat pour un nouveau train touristique sur une portion de la voie. Un tiers de celle-ci serait ainsi conservé.
Mais, sans dénigrer l’intérêt touristique de la ligne, les tenants du rail ne l’entendent pas de cette oreille. Sachant qu’une voie déferrée est perdue à jamais, ils défendent le maintien de la totalité de ce patrimoine ferroviaire, qui n’a rien perdu de son utilité à leurs yeux.
«  Nous sommes en totale contradiction avec les schémas régionaux en termes d’aménagement, d’énergie et de climat, qui préconisent le maintien du patrimoine existant et un report modal de la route vers le rail, argumente Jean-François Agrain, syndicaliste. L’un des objectifs du Grenelle est d’atteindre 20 % du rail pour le fret en 2020, on connaît la pertinence des TER dans des départements enclavés comme ici, et nous pourrions avoir l’opportunité d’un Plan de Déplacement Urbain intégrant le rail en périphérie de Cahors ». La conservation d’un tel maillon permet aussi d’avoir un itinéraire de délestage en cas de travaux sur d’autres lignes, et de garder toute la cohérence du formidable maillage ferré hérité du 19e siècle.
Économiquement, le tissu industriel des bassins de Figeac et de Decazeville, ainsi que du sud du Cantal, n’a plus que la route comme unique desserte. Et si la faible fréquentation de la ligne reste l’argument majeur pour justifier sa fermeture, force est de constater que les interminables et dangereuses liaisons en bus qui remplacent le rail ne sont pas plus judicieuses. Les 15 000 passagers annuels du temps de Quercyrail rappellent aussi que, lorsque la SNCF a exigé en 2004 l’arrêt de la ligne pour raisons techniques, le train n’était pas vide. L’étude d’horaires pertinents entre bassins de vie, combinés au fret, ne serait donc pas si utopique.

Remettre la voie en état coûte-t-il trop cher ? En annonçant 60 000 € d’étude pour évaluer la faisabilité d’une voie verte, le Conseil général serait prêt à financer à la hauteur d’une trentaine de millions d’euros la mise en œuvre d’un tel projet. Soit l’équivalent de la moitié du financement nécessaire à la rénovation de la voie ferrée.
Mais les opposants s’interrogent aussi sur la pertinence d’une nouvelle voie piétonne dans un département déjà pourvu d’innombrables itinéraires de randonnée. «  Les coulées vertes comme élément de développement touristique, c’est un leurre  », assure Jean-François Agrain, en faisant référence à d’autres projets régionaux qui n’ont pas fait leurs preuves.

Les choix ne sont pas simples mais comme souvent dans le cas de tels projets, ce sont les carences d’un débat public qui font principalement défaut. L’absence et l’opacité du Conseil général sont regrettables, d’autant plus qu’il dispose ici de partenaires suffisamment qualifiés pour étudier des solutions pragmatiques. Ces derniers ont su en tout cas initier un débat que les états généraux, à Cajarc, en Midi-Pyrénées et partout en France, auront le mérite de relayer.

A lire :
- à Toulouse, menace de blocage des voies face à RFF qui ne payent pas ses dettes
- la critique du documentaire "Cheminots"

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