,

Dans la galaxie EADS, le plus sûr moyen pour trouver la Zone d’aménagement Concertée (Zac) Andromède est de rejoindre le lycée St-Exupéry grâce au tramway de la ligne E. « A quinze minutes en voiture du centre de Toulouse » vante le site officiel. Pas si simple. Plongée dans ce qui va devenir une véritable "Airbusville" présentée comme un modèle de construction écolo.
par Pierre Samson sur www.frituremag.info
Deux cent dix hectares en forme d’L (aile ?) miraculeusement épargnés par l’urbanisation à la hussarde des communes de Blagnac et de Bauzelle, propriétaires de lieux. Il faut dire que l’avionneur Airbus qui à ses hangars et sa constellation en face, n’a pas laissé les choses au hasard. Depuis des décennies il envoie ses cadres se faire élire dans les mairies environnantes, avec une préférence marquée pour les postes d’adjoints à l’urbanisme. Quand on est gros consommateur d’hectares à bâtir ou à bétonner, ça aide.
Un gros terrain vierge donc, avec coquet petit bois et vieille ferme à pigeonnier qui rappelle furieusement l’ancienne zone de maraîchage de Borderouge avant que Toulouse ne la vende à la découpe aux promoteurs
Une fois viabilisée, éclairé, rabotée et paysagée pour la bagatelle de 138 millions d’euros par le Grand Toulouse qui pilote l’opération, la bête à été découpée en lots à bâtir. Sur le site d’un promoteur de la place, la dépense publique serait plutôt de 156 millions d’euros. Les chiffres aussi souffrent parfois de ballonnements. Après appel d’offre aux promoteurs, les lauréats retenus devraient y loger quatre mille personnes. Le chiffre initial était de 3700 mais en temps de crise, il faut savoir donner un peu de mou.
Trouvant sans doute qu’Andromède se la pétait un peu, le tout venant à rebaptisé l’endroit « Airbus-ville » qui correspond mieux à la réalité. L’avionneur qui y a déjà posé une partie de ses bureaux, entend bien y loger son prolétariat. Avec ce souci de patron de houillères alignant ses corons pour gueules noires : préserver l’harmonie sociale par le logement . Mais le niveau de salubrité et l’air du temps a évolué. Bannie la briquette décorative obligatoire des décennies Baudis, l’heure est à la ligne contemporaine avec touche verte et bâtiment basse consommation (BBC).
C’est donc sur un cahier des charges apte à séduire le jeune couple d’ingénieurs qualité moteur ou de techniciens aérostructure, désireux de faire son jogging-chlorophyle en sortant du boulot et assuré de ne pas se ruiner en eau chaude que les lots ont été attribués . Et que les promoteurs tentent de séduire leurs acheteurs middle classe. Face à « l’échappée verte » Bouygues vend ses boites d’ « écrin végétal » et son « Green village », Urbus ses « jardins andalous » et Patrimoine en apesanteur, les étoiles de « Cassiopée ». La Grande Ourse n’a pas été retenue : le sujet est hautement sensible dans le Sud Ouest.
Tous se rengorgent devant les soixante-dix hectares d’espaces verts de la la Zac, sans préciser que « la nature au cœur de la ville »sera en grande partie encagée dans des îlots privatifs fermés et non accessible. A l’image de cette ferme, vestige muséifiée d’un passé campagnard, cernée par les modules BBC, que les aménageurs ont joliment clôturé d’un mur de fausse briquette, pour mieux souligner l’authenticité de cette nature préservée, celle d’avant, avec de vrais morceaux dedans ! Preuve que le mode de vie urbain auquel est malgré tout convié le chaland est bien respectueux de l’environnement ainsi que le proclament les panneaux. Et gage de la naturalité de tout le reste par effet collatéral ! Au risque de mettre en lumière à contrario les fards d’une nature apprêtée en simple décoration paysagère. Car si l’image s’est mise au vert, il ne faut pas y regarder de trop près. En 2009, la première conférence de la ville durable, récompensait les éco-quartiers les plus remarquables. Vingt six prix touchant sept thématiques. Andromède qui concourait est reparti bredouille. Même pas nominé ! Certes l’essentiel des bâtiments est conçu pour passer avec succès son contrôle technique basse consommation, mais c’est aujourd’hui devenu la norme. Loin d’être détrônée, l’énergie fossile des gaziers se maquille toujours en ressource durable et hormis quelques audacieux panneaux solaires dont ceux de l’îlot 17, seul à tenter des solutions de type bio climatique, les projets immobiliers retenus ne brillent pas par leur audace écologique. De l’éco-quartier il semble que l’on ait surtout retenu le sens d’économies.

Rubicube
Ce satellite échappé d’un rubicube, se veut le symbole de la Zac Andromède. Il y réussit fort bien : les modules d’expo qui à ses pieds, tentent d’empiler leurs cubes T2, T3, T4 au meilleur score, semblent jouer à Tétris. Il n’est heureusement que provisoire.

Ilot 12 - Ma cabane au fond du jardin.
Uniquement pour ceux qui aiment les rayures en travers. La durabilité des maigres parements bois qui ornent le « squelette béton » de l’ensemble laisse perplexe. Le vide central paysagé n’a pas encore reçu sa giclée verte, mais c’est alléchant. Surtout pour l’automobile qui aura une vue imprenable dessus.

L’îlot 6 d’icade - Le grand Patio.
Pour ceux qui aiment la tôle ondulée, le rouge industriel et la ligne verticale. Derrière chaque module, le petit jardinet individuel induisant fatalement un nombre de tondeuses équivalentes. L’individualisme étant le terreau du commerce, il ne faut pas le décourager.

Rue
Pas ou peu de vie coté rue sinon quelques balcons. Les Robinsons des îlots bien nommés se murent derrière leurs cartes, leurs barrières et leurs digicodes. On vit ici avec « en vert mais contre tous ».

Pigeonnier
Rescapé des expropriations et des préemptions, ce pigeonnier et sa ferme vestige, emmurés comme pour une longue peine. « Chacun ses pigeons » semble-t-il dire.

Grues EADS
A quelques encablures des hangars ondulés d’Airbus, toujours la morne plaine et sa future zone bureau. Avec tout de même une réussite architecturale à signaler : « le Galilée », immeuble réalisé par le studio Bellecourt pour la Cogédim.